Les trois amis entrèrent et contemplèrent chaque étagère de l’énorme pièce. Au centre était placé un petit bureau de travail sur lequel se trouvaient de nombreuses feuilles, des crayons et des livres.
« Si nous devons lire chacun de ses livres, fit remarquer Victor, nous ne sommes pas sortis de l’auberge... »
Une légère brise souleva quelques feuilles posées sur le bureau. Jenny s’en approcha et consulta les feuilles.
« C’est du latin, soupira-t-elle l’air dépité.
- Montre-moi ça.
- Mais Léna, tu ne fais pas de latin...
- J’en faisais au collège, je pourrais peut-être aider. »
Léna s’assit sur la chaise, saisit un papier et se mit à murmurer quelques mots inaudibles.
« Alors, demanda Victor, qu’est-ce que ça veut dire ?
- D’abord, commença Léna, nous pensions que c’était une demeure des années 1800, mais à la date écrite ici, ce serait plutôt en juin 1500 que tout cela c’est passé.
- Tu es sûre ?!
- Certaine. »
La jeune fille replonge dans la lecture.
« Je crois que ça parle d’une femme et de son mari...elle était riche, et lui s’est marié avec elle pour son argent...euh...je vois le mot servante, mais je ne peux rien traduire de plus, désolée. En latin, nous voyions surtout les déclinaisons et les règles de grammaire, pas de vocabulaire.
- Ce n’est pas grave.
- Tu penses que la femme riche dont il est question est celle que nous avons rencontrée, demanda Jenny.
- Peut-être. »
La porte s’ouvrit et le fantôme entra.
« Vous savez maintenant, demanda-t-elle.
- Nous n’avons pas compris, lui appris Léna.
- Bien sûr, quelle idiote je fais...
- Vous parlez français ?
- Non, mais je peux communiquer, je parle latin, mais tu m’entends en français, c’est ainsi. Le monde des morts est plein de mystère...
- Quelle est l’histoire que vous vouliez nous raconter ?
- Tout c’est passé il y a bien longtemps à vrai dire... »
La jeune femme jeta quelques regards inquiets autour d’elle, comme si elle se sentait menacée. Les trois amis se réunirent près d’elle, apeurés et rassurés à la fois par sa présence.
« Pour faire bref, il y avait un duc et une fille de paysan qui devaient se marier. Le duc avait un titre de noblesse, mais il était pauvre, alors que sa femme avait hérité de nombreuses terres qu’elle avait vendue, elle s’était enrichie, mais elle n’avait aucun titre de noblesse. C’était donc un mariage arrangé après lequel ils ont construit ce château immense. Tout à commencé quand on m’a proposé un travail bien rémunéré, avec pension complète gratuite. J’ai accepté et je me suis retrouvé femme de chambre dans le merveilleux château de Croward. Nous étions une vingtaine de femmes, entre dix-neuf et vingt-trois ans. Un jour, une des servantes m’a appris qu’elle gagnait un « petit plus » chaque jour grâce à un travail qu’elle faisait pour le maître de maison.
- Qu’était-ce, l’interrogea Victor qui se doutait de la réponse.
- Elle couchait avec lui. Quelques semaines plus tard, cette fille avait mystérieusement disparue. Elles ont été sept en trois mois, et plus le temps passaient, plus elles étaient nombreuses. Je refusais ses avances, ce qui m’a valu de dormir dans la chambre la plus délabrée du château. Je suis peu à peu tombée amoureuse de lui, mais ce n’était plus le duc qui menait la danse, c’était moi, JE décidais quand nous nous voyions. Ça le rendait fou amoureux de moi : jamais une femme ne lui avait résisté, pas même son épouse. Mais...ce n’est qu’après que j’ai découvert la terrible vérité.
- Laquelle ?
- C’était sa femme qui avait payé ce château, c’était elle qui payait tout. S’ils divorçaient, il perdait tout l’argent. Alors après quelques mois, il tuait les femmes avec qui il avait trompé son épouse.
- Et c’est lui qui vous a tué ?
- Non, ce fut pire encore...