Le fantôme tenait deux pointes empoisonnées. Victor protégeait toujours Léna, c’était à lui qu’en voulait le fantôme, Léna n’avait pas à mourir. La duchesse s’approcha lentement, tenant toujours ses deux pointes.
« Victor, murmura Léna, part, vite, je vais faire diversion.
- Non, c’est moi qu’elle veut.
- On reste tous les deux alors ?
- Ouais, on se soutient, on ne se laisse pas tomber.
- Je marche. »
Léna poussa doucement la main de Victor et se dressa à ses côtés, avec courage et détermination. De toute façon, il était évident qu’ils mourraient.
Le fantôme leva le bras, les deux pointes étaient prêtes à s’abattre sur Victor.
« Pas touche à mes amis ! »
Jenny fit irruption dans la pièce, son fléau à la main. Elle donne un violent coup sur la main du fantôme. Bien sûr, celui-ci ne sentit rien, mais les deux pointes furent projetées sur le sol, sous le fléau que Jenny laissa tomber.
« Qui es-tu, demanda alors la duchesse.
- Jenny, leur amie, et je ne vous laisserai jamais leur faire du mal ! C’est vous qui n’avez pas de sentiments pour prendre votre revanche sur le descendant de celle qui vous a volé votre mari ! C’est une honte ! »
Jenny était hors d’elle. Les livres des bibliothèques se mirent à trembler tandis que la colère de la duchesse montait.
« Le coup des lires qui tremble, soupira Jenny avec colère, c’est vieux jeu, vous savez ce qu’on a vécu ? Vous ne nous faites pas peur, on ne vous craint pas ! Alors, qu’est-ce que ça fait d’être rabaissé ? C’est énervant, hein ? Laissez-nous partir, libérez ce château de votre horrible maléfice...car vous valez encore moins que celle que votre mari tuait. Vous valez encore moins que Madeleine ! »
Elle cria le nom de la jeune femme. L’esprit de la duchesse devint rougeoyant, sa colère était à son paroxysme. Un livre vola et vint heurter Jenny au visage, la jeune fille, désorientée car frappée à la tempe, tomba, agenouillée, sur le sol. Un autre vint la frapper aux bras, aux jambes, au visage. Elle était attaquée de partout. Victor se jeta sur le fantôme, et même s’il passa à travers, cela déconcentra la duchesse. Le garçon se précipita vers son amie. Cette dernière se relevait déjà malgré ces nombreux coups. Sa lèvre inférieure tremblait. Victor vint la soutenir, ainsi que Léna.
« Vous ne m’atteindrez jamais, je serais toujours celle que je suis, déclara Jenny, vous n’arriverez pas à me briser. Mes amis et mois sommes unis comme les doigts de la main, et la mort de Karen nous a à tout jamais rapprochée. Qu’allez-vous faire ? Me balancer des bouquins ? L’étagère peut-être ? Non, vous ne pouvez plus rien, c’est finit. »
Jamais l’adolescente n’avait preuve d’autant de courage. Elle savait que le fantôme était déstabilisé qu’on lui parle ainsi. L’esprit grandissait, en encore et encore.
« Tais-toi, impertinente !
- Jamais, je ne me tairais jamais !
- Alors je vais te faire taire moi. »
Le fléau se souleva et s’approcha de Victor.
« Tu veux que je frappe ton ami avec ça ? »
Le garçon tenta d’attraper l’arme, mais elle était trop haute.
« Ne faites pas ça, s’exclama Jenny.
- Ne t’inquiète pas, dit le fantôme avec un sourire, c’était juste une diversion. »
Tout à coup, Jenny sentit une violente douleur aux jambes. Elle tourna la tête et vit les deux couteaux, plantés dans ses mollets. Elle lança un regard à Victor, un regard qui à lui tout seul voulait dire bien plus qu’un appel à l’aide. Jenny se pencha et retira les deux couteaux. Un cri de douleur lui échappa. Elle sentit un liquide chaud couler sur ses jambes flageolantes : du sang. Il en coulait en abondance. Le poison agissant rapidement, ses jambes se dérobèrent et elle s’assit sur le sol. Victor et Léna étaient muets, consternés, le garçon s’assit vers elle. La jeune fille, horrifiée, recula.
« C’est un poison rapide, lui assura le fantôme, dans deux minutes, s’en est finit de cette garce. »
Victor ne savait pas quoi dire. Jenny n’avait plus que quelques dizaines de secondes à vivre. Il se pencha vers elle.
« Jenny, garde les yeux ouverts, écoute ma voix.
- Laisse tomber, susurra la jeune fille en tremblant, c’est finit. J’ai été courageuse, je l’ai fait.
- Tu as été inconsciente.
- Je trouve aussi. C’est fou venant de ma part (elle toussota).
- Complètement fou. Tu es vraiment imprévisible. »
Il passa sa main sur la joue trempée de larmes de Jenny.
« Ne pleurs pas.
- Je vais juste mourir, c’est clair qu’il n’y a pas de raison.
- Chut (il parlait doucement, comme à un enfant).
- J’ai froid.
- Tiens (il lui posa sa veste sur les épaules).
- Merci. Une dernière chose. Dis à ma famille que je l’aime, ainsi qu’à mes amis.
- Promis. »
Les secondes défilaient, la jeune fille resta silencieuse, le fantôme observait la scène sans agir.
« Victor, chuchota tout à coup Jenny, tu as éteins la lumière ? Je ne te vois plus !
- Non, je suis toujours là.
- Je suis aveugle !
- Calme-toi Jenny.
- J’ai peur, Vic, dit-elle en pleurant.
- Je suis la. »
Il lui prit la main et y déposa un baiser.
« Vic...
- Oui ?
- C’était pour me calmer que tu as fait ça, hein ?
- Non. »
De nouveau, le garçon laissa courir ses doigts sur la joue de son amie avant de lui murmurer :
« C’est parce que je t’aime. »