Posté le 8 janvier 2015
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Ce qui suit est une traduction d’un billet de blog de Mick West sur Metabunk, du 7 Janvier 2015, à propos des interprétations complotistes sur l’attentat contre Charlie Hebdo. L’original est ici :
https://www.metabunk.org/threads/charlie-hebdo-conspiracy-theories-ignore-or-address.5476/

Le meurtre horrible de 12 personnes dans les bureaux parisiens du magazine satirique Charlie Hebdo semble désespérément simple. Le magazine a longtemps utilisé la satire pour critiquer l’islam radical (et beaucoup d’autres cibles). Ils ont publié de nombreux dessins représentant Mahomet, ce qui a suscité des réactions violentes dans le passé. Leurs locaux ont déjà été incendiés, et ils étaient l’objet de menaces depuis de nombreuses années. Plusieurs de ceux qui ont été tués étaient désignés comme « wanted, mort ou vifs » par al Qaeda's Inspire magazine (tout comme Salman Rushdie). Des témoins de la fusillade disent que les tireurs ont crié qu’ils vengeaient l’honneur du prophète.

Pourtant, il existe un groupe de gens, petit mais actif, qui considère à peu près tout évènement majeur rapporté par les média traditionnels comme faux, au moins en partie. A chaque attaque, quelle qu’elle soit, fusillade, explosion de bombe, et même évènements du 11 septembre, ils prétendent que l’ histoire est manipulée ou que les auteurs de la fusillade ne sont pas ceux que désignent les media, ou même que l’évènement est totalement fictif, avec faux sang et acteurs jouant le rôle des tireurs et des victimes dans une scène de carnage soigneusement mises en scène.

Ca a déjà commencé à se produire à propos de la fusillade de Charlie Hedbo, et avec un évènement d’une telle portée de signification et d’un tel potentiel de provocation, ça va à coup sûr se poursuivre, grossir, et devenir un standard des prétendues impostures. David Icke a été rapide à dégainer : “On parle de 12 personnes tuées par des tueurs masqués dans un journal parisien. Les autorités et les média nous racontent déjà l’histoire qu’ils veulent qu’on croie mais la question habituelle est : à qui le crime profite-t-il ? »

A maintes reprises, les théoriciens du complot vont venir avec des déclarations sur des choses qu’ils estiment douteuses à propos de ces évènements. Lors de la fusillade de l’école Sandy Hook, des choses
banales comme l’absence d’une vidéo ou la petite taille de l’un des tireurs, ou l’expression du visage des parents des victimes étaient présentées comme des « preuves » qu’il n’y avait jamais eu de fusillade. Après l’attentat du marathon de Boston, des experts en fauteuil étaient d’avis qu’il y avait trop de sang, ou pas assez de sang, ou que le sang était trop rouge ou que les gens réagissaient de façon inattendue alors qu’ils avaient leur jambe arrachée, ce qui prouvait que les évènements étaient juste une mise en scène.

Bien sûr, ces affirmations sont spécieuses. Ce sont juste des biais de confirmation, triés sur le volet (cherry-picked) de la part de gens qui ont déjà décidé que tout est bidon, si bien que tout ce qu’ils voient est une preuve de cette imposture. On a examiné en détail nombre de leurs affirmations, ici [= sur Metabunk] et sur de nombreux autres sites, et démontré que c’était soit des erreurs ou des mensonges évidents, soit des interprétations et des spéculations dénuées de sens. Ces affirmations se cachent derrière l’excuse « je pose juste la question » et prétendent jouer un rôle légitime de « fact-checking » des média – quelque chose, disent-ils, qu’on ne peut pas leur reprocher. Cette excuse a l’apparence de la vérité, puisque le fact-checking est effectivement un objectif honorable et que les erreurs dans les média doivent être révélées et corrigées. Mais ce n’est pas ce qu’ils font. Ils trouvent des incohérences ordinaires et prévisibles, dans le rapport d’évènements chaotiques.

Ils présentent leur propre interprétation subjective des évènements comme une explication alternative. Ils s’accrochent aux coïncidences les plus triviales (avec leur mantra qu’ « il n’y a pas de coïncidences ») comme preuves d’un complot. Deux femmes avec la même coupe de cheveux sont la preuve qu’il s’agit de la même femme, donc une actrice, donc tout est bidon. C’est le biais de confirmation auto-renforcé poussé à l’extrême. Ca ne semble pas valoir une réponse.

Et pourtant ici [à Metabunk ] nous avons discrédité (debunked) beaucoup de leurs affirmations. Nous avons parfois été critiqués pour cela, au motif que leurs déclarations étaient tellement tordues, en niant que des gens soient morts, qu’elles insultaient gravement les familles des victimes. Ce fut particulièrement le cas pour Sandy Hook, où les tenants d’un complot sont allés jusqu’à harceler les parents des enfants assassinés. Faut-il simplement accorder de l’attention à ces gens ? En les discréditant, ne leur donnons-nous pas plus de visibilité qu’en les ignorant ?

La frontière est difficile à tracer. Certaines choses sont clairement au-delà de la frontière – la suggestion qu’aucun avion ne s’est écrasé sur le World Trade Center, ou que les gens n’ont vu qu’un hologramme géant, ou que l’école de Sandy Hook était en fait fermée depuis plusieurs années. Bien sûr, on peut penser que l’idée même que des évènements comme Sandy Hook ou les bombes du marathon de Boston soient bidons, est au-delà de la ligne : de toute évidence grotesque et choquante.

Et pourtant il y a des gens pour y croire.

Bon, évidemment nous n’allons pas faire changer d’opinion tous les David Ickes ou James Tracys du monde : ce sont des gens dont l’identité même, dont la seule raison de vivre est attaché à leur croyance en des médias qui travestissent la réalité et au fait que les évènements principaux sont faux.
Nous n’allons pas non plus faire changer d’avis le “vrai croyant”, le théoricien du complot qui pense de cette façon depuis des dizaines d’années , le genre de personne pour qui la preuve qui devrait contredire ses convictions va bizarrement les renforcer, pour qui montrer les erreurs dans leurs preuves est juste une preuve de plus qu’ils ont raison. Ils leur arrive de changer d’avis, mais c’est très rare.

Mais il y a énormément plus de personnes à la frange du complot que profondément enterrées dedans. En particulier, il y a beaucoup de jeunes - des personnes très impressionnables, avec un esprit très malleable qui absorbent les nouvelles idées très rapidement, mais qui peuvent aussi les laisser tomber rapidement quand on leur montre qu’elles sont fausses. C’est ce groupe qui constitue le public cible de nombreux debunk de Metabunk.

La pensée complotiste, la tournure d’esprit conspirationniste est un trou noir, un terrier obscur dont il est très difficile de sortir une fois qu’on y a pénétré profondément. Quand je [Mick West] débunke, j’espère empêcher les gens de tomber dans ce trou, ou s’ils y sont déjà j’espère les maintenir suffisamment près de l’entrée qu’ils voient encore la lumière et qu’ils puissent en ressortir par eux-mêmes.

Et c’est pour cela que je prends en compte les théories ridicules ou choquantes, comme celle que la fusillade de Sandy Hook soit bidon. Ce n’est pas dans l’espoir de faire changer d’avis les gens qui déballent ces théories grotesques – ils sont généralement trop profond dans le terrier. C’est d’abord pour aider ceux qui ne sont pas entrés trop loin – particulièrement les jeunes.

Et donc oui, je pense qu’il faut prendre en compte les inévitables théories du complot de Charlie Hebdo. Mais seulement si elles semblent avoir un peu de popularité, si elles risquent d’influencer les gens. Nous n’avons pas besoin de répondre à chaque vidéo You Tube du genre « pourquoi cette personne était-elle ici ? » - surtout si personne le regarde ces vidéos. Mais si les gens sont conquis par ses affirmations, si leurs esprits jeunes ou trop ouverts sont obscurcis par ces absurdités, alors je crois que le debunking a son rôle à jouer.

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