Auteur : Aetyhs Affilion
Posté le 11 mars 2015
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Histoire de Gabriel Von Neurman

La famille Von Neurman comptait déjà deux enfants lorsque naquit Gabriel. Sa jeunesse fut celle de nombreux jeune Britanien, et se rapproche assez de celle que nous connaissons ou avons tous connu sur la planète Terre. Des parents aimants mais toujours occupé par le travail et les mondanités, des grands frères un peu méchant mais pas trop, un professeur particulier (Nous sommes les Von Neurman, nous sommes nobles, nous avons notre propre pédagogue, isn’t it?) et des cours occupant ses journées depuis ses six ans. C’est vers l’âge de treize ans que la vie de Gabriel prit une certaine tournure, plutôt inattendu, lorsqu’il rencontra son premier amour pour la première fois. Je vous propose donc, en ma qualité de Narrateur autoproclamé, de faire un bon dans le temps pour découvrir ensemble ce moment émouvant de la vie de Gabriel, sans s’encombrer de tout le fratras de détail inutile de son enfance. Retenez juste que des relations fraternels tendu existe entre Gaby et ses aînés, et que le garçon apprécie toutefois ses petits frères et sœurs.

À l’âge de treize ans, Gabriel restait petit par rapport aux autres garçons qu’il connaissait des salons mondains et des séances de cours communes à tous les enfants de la Cité-Engrenage, et son aspect frêle, couplé à ses cheveux longs et son caractère calme en faisait un individu à part parmi les bandes de garçon qui se constituait déjà dans son entourage. Il était souvent mis à l’écart pour des motifs contre lesquels ils n’y pouvaient rien, que ce soit son physique de « jeune fille » ou bien le coté arriviste de sa famille dans la cour des nobles. Bien entendu, notre jeune garçon connaissait les règles qui encadrait les nobles dans la mondanité, et savait que l’interdiction de porter le haut de forme pour le chef de sa famille représentait un obstacle colossal dans l’acceptation par un groupe de « fils de Untel » de sa présence. Mais ce qu’il ne comprenait pas, c’est comment ses deux grands frères s’était taillé une place dans le réseau social miniature de la jeunesse alors que lui n’y parvenait pas. Gabriel devenait petit à petit le « génie solitaire de sa génération », puisqu’il ne se faisait pas d’amis. Il finit même par accepter l’évidence : ressembler à une fille et ne pas avoir un caractère aventureux ne faisait pas de lui quelqu’un de fréquentable. Il n’avait pas d’atout pour lui.
Seul, le temps libre qu’il avait, il le consacrait à lire, jusqu’à ce qu’un événement vienne bouleverser ses habitudes.

Un jour, alors qu’il était plongé dans le même genre de loisir que vous, c’est à dire la lecture d’un ouvrage richement écrit et de qualité – Quoi ? Moi ? Modeste ? Je suis le Narrateur, voyons ! Ma parole fait office de vérité…. - un des invités du manoir se rendit dans la salle de bal du manoir. Intrigué, le jeune Gabriel, dont l’attention avait quitté le livre alors que l’homme passait près de lui, décida de le suivre. Cela peut vous paraître surprenant de la part d’un enfant si discret, mais une explication de cet acte est possible. Voyez-vous, l’individu mystérieux (nommons le provisoirement Robert, bien que je connaisse son vrai nom) avait passé le dîner de la veille en compagnie du père de Gabriel et de sa mère. À la forme de son couvre-chef, un banal chapeau melon, et à son état d’usage, le petit nobliau aimant la littérature avait cru comprendre qu’il s’agissait d’un petit noble (puisqu’il ne portait pas de chapeau plat à bord large.) Or, il fallait que le petiot comprenne pourquoi cet homme de petite noblesse avait mangé à la table familiale, comme un ami de la famille, et avait dormi dans un lit d’une des chambres réservés aux invités de marque. Alors, Gabriel s’improvisa espion amateur, et fila Robert jusque la salle de bal, son livre volumineux sous le bras.
L’homme déposa sa veste et son chapeau sur le porte-manteau, avant de sortir une pipe à herbe de sa poche. Il commença à l’emplir d’herbe à fumer, et alluma le bout de son ustensile, avant de le porter à ses lèvres. Les fossettes de l’homme se relevèrent quand il tira une bouffée sur l’objet en bois. Gabriel ne comprenait pas vraiment pourquoi cet homme fumait dans la salle de bal. Il risquait d’en abîmer le parquet avec la cendre, ou bien d’imprégner les rideaux de velours de l’odeur de la fumée. Ou alors, pire que tout, il pourrait abîmer le piano familial, qui était un souvenir d’un temps lointain, par inattention ! D’ailleurs, Robert s’en approchait, confirmant la crainte de Gabriel. Un homme aussi misérable et bas dans la noblesse ne devait pas savoir se servir d’un tel instrument, puisque seul les plus riches en connaissait les secrets. Le petit aurait bien fait un bon hors de sa cachette pour défendre
Une note déchira le silence et mon récit. Un La, jouée avec délicatesse sur les touches d’ivoires blanc de l’instrument au corps ténébreux. La robe de l’objet en frémissait, tandis que de son ventre, ouvert sur ses organes, s’échappait la note presque inaudible mais pourtant présente, qui occupait toute la pièce. Une deuxième corde s’agita sous l’impulsion des doigts du vieux Robert, et une troisième touche s’abattait, formant un accord classique mais dont le son n’avait jusque-là jamais atteint les oreilles du jeune Gabriel. L’accord pur se perdit dans l’air de la pièce, soudain plus lourd, tandis que le silence reprenait à nouveau ses droits. Pourtant, il les reperdit encore au profit de sonorité musicale que le musicien réveillait d’une caresse sur la dame en noir et blanc. Une valse entre l’homme et l’objet s’engagea, sans que l’on sache lequel des deux menait l’autre. Était-ce les mains ridées mais encore gracieuse du vieil homme qui dirigeait cette mélodie de manière experte, ou était-ce les dents d’ivoire qui appâtait les doigts de l’humain, trop fragile et faible pour rompre cette délicieuse harmonie sonore dans lequel il s’était glissé. Gabriel se sentit transcendé, transpercé comme le silence, par cette succession d’accord, de crescendo rapide, de changement de rythme surprenant, mais toujours amené avec délicatesse, d’envolé lyrique qui se terminait souvent par une lente descente dans les graves. Impossible de prévoir la suite de ce morceau, et la minute que passa l’homme à jouer sembla être une heure pour le petit adolescent. L’enchantement avait fonctionné.
Puis soudain, l’homme cessa les caresses, le rythme devint plus lent, plus doux, plus intimes, les sons plus bruts, plus court, et un dernier soupir s’échappa de la gorge du piano tandis que l’homme retira les doigts du clavier nu, avant de rabattre le couvercle de l’instrument.
Puis le vieil homme regarda Gabriel. Celui-ci se rendit compte qu’il avait quitté son observatoire de derrière la porte pour rentrer dans la pièce et mieux profiter du morceau. Il devint rouge et bégaya, comme un enfant surprit dans un endroit inconvenant par ses parents, mais l’homme ne le sermonna pas. Il prit au contraire la peine d’en ire, ce qui dissipa le trouble de Gabriel. Le visage de l’homme, qui avait pourtant été si austère un peu plus tôt, semblait presque grandpaternel au jeune Von Neurman. Le petit noble s’approcha du vieux noble, qui le laissa faire, comprenant en regardant Gabriel que quelque chose de fort s’était produit chez le petit garçon. Le regard brillant de Gabriel rappela à Robert de vieux souvenir, quand Edward avait découvert la navigation.

Le jeune homme ne se rendait pas compte à ce moment-là de ce qu’il venait de se passer, mais il venait de trouver sa passion, d’une manière surprenante. Assis à côté de du noble musicien, il l’écouta jouer, émerveillé, tout l’après-midi, au point de raté plusieurs de ses cours. Captivé, fasciné, c’est à la fin du récital complet qu’il demanda au monsieur d’une manière osé, voire impoli, pour un homme bien éduqué, de lui apprendre la musique. Le jeune homme, regarda droit dans les yeux le plus jeune, et lui prit la main. Cette finesse et le regard qu’il avait vu tout à l’heure suffisait à convaincre le vieil homme de prendre Gabriel sous son aile pour des cours particuliers. Il le lui annonça, tout en tenant toujours sa main, et lui donna son nom.

« Je m’appelle Hans, et je serais enchanté d’être votre professeur de Musique, Messire Gabriel. »

La vie de Gabriel reprit alors un cours « normal », bien que les leçons de musique du jeune homme prirent le pas sur ses tentatives de se faire des amis parmi les garçons de son âge. En quatre ans, le jeune homme apprit bien plus que certains hommes en dix, et surtout, il comprit une leçon que peu d’individu peuvent se targuer d’avoir intégré : si grande soit la maîtrise d’un homme de son instrument, il reste toujours une voie infinie à parcourir pour attendre la perfection musicale. Fort de cette leçon d’humilité, le jeune homme de dix-sept ans connaissait désormais les bases de plusieurs instruments, et préférait jouer du violon, du saxophone ou bien du piano, avec lesquels ils se sentaient bien plus à l’aise. Ses parents ne l’avaient pas empêché de faire ce choix, puisqu’ils en attendaient bien peu de la part de leurs troisièmes fils avec une apparence si féminine. Toutefois, le fait qu’il commence à bien jouer de ses instruments fétiches avaient été utilisés par les géniteurs de Gabriel pour l’introduire dans les salons mondains et lui faire rencontrer les autres nobles, et surtout les filles de bonnes familles.
« Mon fils, lui avait même dit son père, maintenant que tu as dix-sept printemps, il serait temps que tu te cherches une épouse, si possible de bonne famille, afin que nous puissions tisser une alliance si tu te marries. Tu es bon musicien, et, le grand Engrenage le bénisse, tu n’es pas né laid ; ton côté… frêle te vaudra même un certain succès auprès des femmes. Va dans les salons et ramène-nous donc un bon parti. »
Pour le jeune homme n’ayant pas encore profité de son adolescence et n’ayant pas connu l’amour, cela ne paraissait être qu’une contrainte raisonnable. Contrairement à ses frères aînés, Gabriel n’avait jamais éprouvé d’envie pour les femmes, puisqu’il n’en fréquentait pas. Son arrivée dans les salons allait être tardive pour un noble, et de nombreuses rumeurs couraient déjà sur lui comme un génie solitaire et ténébreux. Sans qu’il ne le sache, des prédatrices affûtaient leurs serres pour attirer ses faveurs, car, plus que l’amour, seul le fait d’être en compagnie de personne au centre de l’attention attirait ces femmes-là. Ainsi, Gabriel sentait que son quotidien bien réglé allait bientôt être chamboulé, sans toutefois savoir la puissance de ce chamboulement… (Et seul le Narrateur peut le savoir à l’avance ! Ahahah!)

De salon en salon, de soirée mondaine en réception immense, Gabriel prit peu à peu la mesure du monde qui l’entourait. S’il était attaché à la noblesse et la hiérarchie sociale, il ne comprenait pas les habitants de toutes ses festivités sociales qu’il se forçait à fréquenter. Les femmes lui paraissaient fade et insipide, toujours à demander sans jamais offrir, dans leurs vêtements attisant l’envie sans toutefois qu’elles ne s’en départissent lors de leur tête à tête. Gabriel découvrait en même temps que la féminité, la vraie, les fantasmes, les désirs refoulés, et une lutte s’engageait en lui et le déchirait. Son corps avait envie du corps de ces femelles et du mélange animal, de l’acte entre lui, mâle en pleine possession de ses moyens, et la femme, qui l’attirerait dans ses filets, mais son esprit ne pouvait se satisfaire de la compagnie de personne aussi creuse et plate que ces demoiselles. Bien souvent dans le noir, le jeune puceau satisfaisait des fantasmes irréels en maudissant toute cette mascarade et ces femmes si imparfaites. Et ironiquement, alors qu’il voulait fuir ses soirées si éprouvantes et la compagnie de ses dames trop étranges pour lui, sa renommée en tant que musicien l’y enfermait. Car on parlait de lui et de ses compositions, on le jetait sur le devant de la scène, au milieu de ses femmes, comme un bout de viande dans la cave des fauves affamés. Combien de temps aurait-il tenu sans cet événement, serait-il rentré dans le moule de la noblesse, à se contenter de ses esprits creux et vains ? Nul ne le sait… Sauf moins, évidemment, mais je ne le vous dirais pas, de toute façon.

Cet événement, donc, c’est Remy. Et Remy, c’est… Oh, vous allez voir quand je vais vous raconter ce soir d’hiver… Alors que Gabriel se rendait, son violon sur l’épaule, vers une autre de ses soirées festives qui l’agaçait, le jeune homme dû traverser le marché, alors vide à cause de l’heure. Il ne se méfiait pas, le jeune noble, et pourtant il aurait dû… Vif comme une ombre, un individu de petite taille le bouscula, et attrapa sa précieuse mallette, celle qui contenait le violon. Et l’ombre de s’en aller en courant. Le musicien se jeta bien sur à sa poursuite pour récupérer son bien, et tenu le plus longtemps possible… Plus que le voleur, qui n’avait décidément pas assez d’endurance. L’attrapant par l’épaule, Gabriel le força à pivoter pour voir sa tête et lui ordonner de lui rendre son bien, quand il croisa deux rubis d’un rouge profond du regard. Ces deux pierres précieuses se trouvaient dans un écrin d’une rare blancheur, encadré par des fils dorés et des perles sombres sur les côtés.

Surpris, le noble relâcha l’humaine haletante, qui en profita pour reculer un peu. À y regarder de plus près, elle ressemblait un peu à une bête, avec sa maigreur et la saleté sur son visage et ses bras nus. Vêtu de ce que nous pourrions comparer à un sweat, à la propreté douteuse, et d’un pantalon fait de tissu rigide, comme les jeans des Terriens, la jeunette serrait contre son torse dénué de poitrine l’étui de violon de notre Musicien. Lui restait devant la femme, hésitant, ses yeux détaillant malgré eux le corps maigre de la jeune fille. Puis son regard se fixa sur son étui, et il lui demanda, avec timidité :
« J-je ne sais pas qui vous êtes, et pourquoi vous vous êtes déguisé, n-ni pourquoi vous avez fait ça, mais j’aimerais que vous me rendiez mon violon… S’il vous plaît. »
Reprenant son souffle, la jeune fille haletait lentement, mais cela ne l’empêcha pas de lever bien haut la jambe pour cueillir Gabriel au menton.
« J’suis pas déguisé, connard ! T’vu ta gueule dans ton costume de grand noble de rien dut tout ? »
Gabriel vacilla suite à cette « attaque » aussi surprenant que douloureuse, et ne réagit pas instantanément quand elle se retourna pour commencer à s’enfuir. Il n’avait à vrai dire pas encore remarqué qu’il s’agissait d’une femme, ni même compris la nature de son trouble, mais une chose était sûre, il ne voulait pas perdre son violon ! C’est pourquoi, il attrapa à nouveau de sa main qui ne tenait pas son menton le bras frêle de la femme, et la força à s’arrêter. Elle se retourna et voulu le frapper à nouveau en lui lançant une insulte, mais la deuxième main de Gabriel attrapa la poignée de la mallette et la força à changer de stratégie. Un duel de regard se lança entre la voleuse, qui ne voulait pas perdre le prix de son larcin, et le musicien qui n’allait pas laisser son précieux instrument se faire la malle. Leur volonté s’affrontèrent comme deux épées, avant que Remy ne cède la première et tente de tirer la mallette à elle. Mais l’homme tint bon et essaya à son tour de récupérer son bien. Seulement, il laissa une ouverture, dont la blonde profita. Elle lui envoya un kick dans le tibia, le genre de balayette bien méchante qui te fait super mal. D’ailleurs, Gabriel grimaça et en lâcha l’instrument. Sauf que pour ne pas qu’elle s’enfuit, dans une tentative désespérée, le musicien se jeta sur elle et l’écrasa de ton son poids. Scroutch, fit la mallette qui avait été plus conçu pour son design que pour sa robustesse, et scroutch, fit le violon de Gabriel quand son torse l’écrasa violemment. À plus violon maintenant.
Le noble ouvrit de grands yeux en se relevant, pour deux raisons. D’une part, le voleur qui l’avait pris pour un homme était en fait une femme, et d’autre part, son précieux instrument gisait dans les débris de mallette, décédé à cause de sa bêtise. Remy aussi, ouvrit de grands yeux de surprise, pour deux raisons également. Déjà, son espoir de rapporter quelque chose de rare à son chef était devenu inexistant -qui voudrait d’un instrument cassé ?- et d’autre part… Ce fils de chien était en train de lui toucher les seins.
« Connard ! Cria la blondinette en lui faisant goutter une salade de phalange, façon martial, dans la figure. T’as osée foutre ta main dans mes miches, sale pervers de merde ! »
Autant dire que Gabriel recula brusquement, pour se mettre hors de portée de la folle. Elle se releva et jeta les débris par terre, fulminant contre le connard à coté d’elle, tandis que lui ne savait pas trop comment réagir. Elle avait envie de lui en mettre une autre en pleine tête, pour lui apprendre, avec son air ahuri, que quand un Punk aussi classe qu’elle vous faisait les poches, on se barrait bien gentiment au lieu de tenter de reprendre son bien ! Putain, mais sérieux, quel…

« Espèce de débile ! T’pouvais pas fuir la queue entre les jambes comme tous les couillons de pesudo noble à la con qui vivent dans votre taudis géant ?! À cause de toi, mon plan est ruiné, et le chef va encore tirer la gueule ! Sérieux, j’ai jamais vu un noble aussi con ! Et t’imagine si j’avais eu un couteau ?! T’aurais eu l’air fin avec vingt centimètres de lame entre les côtes !! Sérieux, je…
- Je n’ai jamais vu de fille comme vous… En fait, on dirait un garçon, mais avec des attributs féminins et un bien joli visage… »

La fille fut coupée net dans son élan, tandis que Gabriel, comprenant qu’il avait laissé s’échapper ses pensées. Il devint écarlate, tandis que la jeune fille s’interrogeait. Elle n’avait bien sur pas décolérer contre cette tanche incroyable, mais elle avait suffisamment de jugeote pour ne pas l’insulter sur le vif. Surtout que ce qu’il venait de dire lui donnait une sorte d’avantage assez intéressant… Elle pourrait peut-être exploiter ça dans le futur. La jeune femme laissa s’échapper un sourire à cette idée, et s’avança vers le garçon, avec un côté théâtral dans ses gestes. Son boss lui avait dit, elle avait un don pour attirer le regard, quand elle s’y mettait… Elle se mit devant le jeune homme inclina légèrement la tête, comme s’il elle voulait paraître songeuse, avant de lâcher d’un air mi-sérieuse, mi-amusé :
« Tiens,c ‘est marrant, ça à des cheveux longs et un corps de nana, mais ça semble en avoir dans le pantalon… Ça s’rait un mec pas viril, en fin de compte ? R’marque qu’il est choupi comme ça aussi, le nobliau... »
En entendant cela, Gabriel devint à la fois énervé et troublé, entrant dans le jeu de la petite, qui se doutait bien que chez les nobles comme ailleurs, on s’en prenait avec facilité aux personnes un peu différentes physiquement. Et les punks n’échappaient pas à la règle, puisque l’entraide entre eux valait bien les vacheries qu’ils s’envoyaient lorsqu’ils étaient ensemble. Mais bref, la jeune fille s’approcha de lui et lui plaça le doigt sur le torse, en s’inclinant vers lui.
« Écoute bien, boy, t’es pas dégueu et j’ai l’air de t’plaire, alors on peut p’être faire un deal, tu vois ? Genre, tu me ramènes des babioles de chez toi, tu dois bien avoir ça non, t’es riche, et moi, j’accepte de t’voir à des rendez-vous. Vu, mec ? »
Gabriel hésita et fuyait du regard celui de Remy, qui s’amusait intérieurement de la situation. Il pesait le pour et le contre, avant de se rendre compte que c’était plutôt un bon échange. Même si elle était bizarre et semblait ne pas avoir pris de bain depuis quelque temps, elle était sans doute noble elle aussi, et son père lui avait enseigné de toujours tisser des liens avec les autres familles, afin d’en tirer parti dans un futur plus ou moins lointain. Naïf comme il était, il n’envisageait même pas que la fille soit autre chose que de la noblesse, puisqu’elle était de la Cité-Engrenage ! Elle était sans doute une excentrique de bonne famille, qui jouait un personnage… Néanmoins, avant qu’il ne puisse lui répondre, un bruit de cavalcade attira leur attention à tous les deux. Elle releva la tête, soudainement, et recula, sur le qui-vive. Un vrai animal. Gabriel n’eut pas le temps de lui demander ce qu’il se passait que déjà, la jeune fille lui lançait un des « bijoux de peau » qu’elle portait, en lui donnant rendez-vous dans le port dans une semaine, en soirée. Puis, elle partit sans se faire repérer par la patrouille qui se dirigeait vers le noble. Les officiers l’aidèrent à se relever, et lui demandèrent ce qu’il lui était arrivé. Le noble répondit qu’il avait trébuché et que ça allait, bien que son violon était fini. Il avait dissimulé dans sa poche le bijou, et repartie chez lui, sans mentionner à personne cette curieuse mais fascinante rencontre.

Une semaine plus tard, ils se revirent dans l’ombre discrète du port. Il lui rendit son bijou et lui offrit un parfum, et elle lui ria au nez en lui disant qu’elle voulait pas ce genre de bidule. Lui se sentait maladroit face à elle, et agissait de travers, comme une personne timide, et elle le raillai gentiment. Ils ne firent que discuter de tout et de rien, sans que Remy ne trahisse son origine ni que Gabriel ne soupçonne qu’elle ne soit pas noble. Une chose concernant Gabriel avait été cependant été établi, en son for intérieur : il était déjà fou amoureux d’elle. Il s’en était rendu compte car ses pensées journalières étaient occupées par la blonde, et que les femmes des mondanités lui avaient paru d’une fadeur incroyable. Il était attiré physiquement par Remy, et admirait l’esprit nouveau dont elle fit preuve au cours de cette soirée, qui dura jusqu’au matin. Gabriel prit à nouveau rendez-vous auprès d’elle, et de fils en aiguille une relation platonique débuta, entre nos deux personnages. Je vous épargne le récit de ses rencontres, et vous en livre ici un court résumé. Jamais Gabriel ne tenta d’approcher physiquement la jeune fille, et jamais elle ne tenta de le séduire de son côté. Elle apprit ses passe-temps, ses opinions, et découvrit qu’elle appréciait la musique qu’il savait tirer de ses instruments. Lorsqu’il mûrit, elle se moqua de sa voix aléatoire par moment, et admira la carrure qui commençait à naître entre ses deux épaules. En fin de compte, elle se prit d’affection pour ce timide maladroit qui n’avait d’yeux que pour elle. Lui, de son côté, mentait à ses parents, quand il lui cherchait promise : il avait déjà crucifié son cœur sur l’autel de Remy. Ses fantasmes tournaient autour de la nuque frêle, de la douceur de la peau pâle, de son air de garçon manqué, bref, de la blonde, la nuit elle l’ hantait, le jour il composait pour elle. Il avait cru deviner son origine, mais étrangement, il n’en avait cure : qu’un groupe de personne vivait dans le sillage de la Cité-engrenage et exécrait les nobles, il s’en moquait si ce groupe contenait sa muse. Un jour, ils échangèrent plus que des mots, plus que de simple bavardage. Des secrets personnels franchirent leurs lèvres pour mourir sur la couverture de tissue qui leur tenait lieu de nid secret, des hontes et des peurs intimes furent dévoilés à l’autre.
Si Gabriel se savait amoureux à mourir de sa belle, le cœur de Remy s’attendrissait, et au bout d’un an de rendez-vous galant fréquent, elle ne savait plus qui d’elle ou du personnage elle dévoilait à l’homme. Elle finit par lui avouer son origine, et lui ne s’en offusqua pas. Leurs derniers rendez-vous platoniques de cette année-là laissa même entrevoir un futur étrange à cette relation à basé sur les cadeaux de Gabrielle et le jeu d’acteur de Remy.

« Dit, Gaby… »

La nuit était tombée depuis bien longtemps sur le port, et le silence les encadrait tous les deux et leur tenait compagnie. Nul œil ne les observait dans le noir complet de ce hangar, et les deux individus se savait à l’abri des patrouilles par expérience, car ils avaient déjà élu domicile pour ce genre de rencontre dans l’endroit. Ils étaient tous les deux couchés sur la couverture. Lui portait des vêtements simples, une chemise de soie, un pantalon de toile fine et brodée, elle s’habillait à la garçonne, un short court révélant ses cuisses féminines et un T-shirt ample cachant sa poitrine. Il appréciait tous les deux de discuter en se regardant, et en regardant le ciel par le toit ouvert du bâtiment. Ce rituel était souvent accompagné par de quoi grignoter, ce que Gabriel chapardait en cuisine. Gabriel répondit à la jeune fille par un haussement de sourcil, qu’elle prit pour un oui. Elle joua avec le bord du tissu de leur nid, cherchant ses mots dans le vocabulaire plus élaboré qu’elle avait acquis à force de le côtoyer. Finalement, elle se décida et lança, d’une voix un peu timide quelque mots. Mais était-ce encore le jeu d’actrice de la femme, ou bien était-elle en train de se dévoiler ?

« Finalement, on est quoi, tous les deux… ? Juste des potes, ou bien un peu plus… ? Faut dire que tu n’as jamais cherché à m’faire quoi que ce soit, et pourtant tu ne te lasses pas de nos rendez-vous galants, et tu m’apportes toujours des cadeaux… »

Il eut un temps de réflexion, se demandant si elle avait fini et cherchant une réponse à sa question, tandis que cliquetait le collier qu’il lui avait offert et qu’elle avait au coup. Elle se redressa sur son coude, et lui poka la joue, avec une moue boudeuse, puis elle changea d’approche, pour le faire parler, car il semblait avoir choisi de ne pas répondre.

« Est-ce que t’a déjà eu des envies sur moi… ? Est-ce que t’as déjà pensé à moi lorsque tu... »

Gabriel devint écarlate à ses mots et bégaya trop fortement pour être honnête. Il ne savait pas comment elle le prendrait, et il ne souhaita pas répondre à ce genre de question, mais elle avait déjà mis les pieds dans le plat. Pire, elle semblait s’amuser de la situation et de son aveu clair et net, à cause de sa réaction. Elle lui poka à nouveau le nez, puis la joue, avant d’éclater de rire, car la rougeur de Gabriel atteignait des sommets. Si son visage avait en un an prit un aspect plus viril, plus masculin, il gardait toujours cette gêne facile qui fleurissait et qui amusait la Punk. Elle se colla à lui, tandis qu’il n’osait pas la regarder dans les yeux, avant de rapprocher son visage de celui de Gabriel. Devant le regard moqueur de la jeune fille, l’homme ne savait plus ou se mettre. Il aurait aimé être une souris pour se cacher dans un trou du mur, mais il ne pouvait malheureusement pas le faire. Alors, la jeune femme prit la tête de l’homme entre ses mains, et le força à le regarder, avant de l’embrasser. Ce n’était pas vraiment un french kiss, plus un rapide bécot, mais elle avait franchi en cinq minutes un cap que Gabriel n’avait pas atteint en un an. Devant les yeux écarquillés du noble, elle partit dans un fou rire, avant de lui dire, essuyant des larmes, entre deux crises de rire.

« Relax, mec ! Vous, les nobles, vous êtes si coincés ! Bordel, c’est incroyable ça… Chez nous, c’est presque normal de discuter sexe, on s’affole pas comme ça… Et c’est pas un kiss qui va nous perturber… V’z’êtes trop drôle, vous autres… »

Vexé par la remarque, Gabriel attrapa les côtes de la jeune fille et se vengea comme il pouvait, en la chatouillant. Un terrible duel s’ensuivit, dont la violence et la cruauté ne seront pas contés entre ses lignes. Finalement, après un fou rire mutuel des deux parties, ils s’effondrèrent tout deux sur la couverture, visage face au ciel, et cheveux en bataille. Comme au temps de leurs premièrement rencontre, ils haletaient, mais cette fois, les deux souriait comme des gamins. Leurs pensées n’étaient en cette instant pas semblable, et si du côté de Gabriel, on avait un « J’Y CROIS PAS PUTAIN, ELLE M’A EMBRASSÉ! », du côté de Remy, c’était un doute sur ce qu’elle venait de lancer et la voie périlleuse qu’elle allait emprunter…

« Tu sais, reprit-elle en rompant le silence qui était revenu après le rire et une fois qu’ils avaient reprit leurs souffles, j’ai déjà eu plusieurs relations avec des mecs de mon groupe… Et des nanas, aussi, naturellement… Ça heurtera pas trop ta pruderie de noble, d’être avec une fille comme moi… ? »

Elle avait tendu sa main vers lui, paume ouverte, et lui comprit aussitôt qu’elle voulait qu’il la rassure. Même si le grand Engrenage maudissait ce genre de comportement, il lui prit la main pour la rassurer, et lui adressa un sourire en pressant la paume. Le silence les avala tous les deux dans la tranquillité de la nuit, tandis que la nature de leurs rendez-vous suivants allait évoluer petit à petit…

Et en effet, ils évoluèrent. De simple rendez-vous galant entre deux individus qui discutait, ils se changèrent en rendez-vous d’amoureux, où le noble se surpassait pour surprendre et faire plaisir à sa princesse. Parfois, c’était juste des baisers échangés furtivement, d’autre fois de longue embrassade dans la soirée, mais jamais ils ne franchirent le cap pendant les six mois qu’ils suivirent. Gabriel allait alors sur ses dix-neuf ans, à moins qu’il les ait déjà atteint entre temps. Il avait désormais une carrure d’homme et des épaules plus large, ainsi qu’une voix assez grave de basse, et portait ses cheveux attachés en une queue de cheval. Chaque journée se découpait selon un rituel bien établi, et certain soir, il partait à nouveau rejoindre sa douce amie. Il lui offrit des présents de qualité, allant jusqu’à dépenser son pécule dans des endroits discret pour éviter que des rumeurs se propagent et arrivent aux oreilles des « noblettes » qui n’inspirait plus qu’à Gabriel l’ennui. Une soirée, il offrit même à cette Remy si peu féminine une robe, d’une rare blancheur, qu’il avait fait tailler par un noble, dont le silence avait coûté plus cher que le tissu. Lorsqu’il la tendit à Remy, il lui annonça qu’il souhaitait lui montrer « son monde à lui », avec un sourire assez timide. Si Remy fut touchée par ce présent, l’idée du noble l’attirait tout autant qu’elle l’inquiétait. Est-ce que ce que l’on disait sur les riches étaient vrai ? Vivaient-ils réellement dans un monde de paillette… ? Remy prit trois rendez-vous pour se décider et céder au désir du noble, qui avait des étoiles dans les yeux quand elle lui répondit « oui ». Une date fut vite trouvé, un jour où la famille de Gabriel se rendait à l’étranger et où les domestiques avaient eu un congé, et bientôt, Remy sortit sous le soleil dans la Cité-Engrenage, accompagné par un Gabriel joyeux comme un enfant.
Ils passèrent la journée à faire le prince et la princesse comme des enfants dans le manoir des Von Neurman, et s’amusèrent énormément, sans croiser aucun autre individu. La blonde rayonnait dans sa robe blanche, et les cadeaux de Gabriel ainsi que le bain qu’il lui offrit -avec les produits de beauté de sa mère et ses sœurs- avait rendu Remy aussi présentable qu’une noble. Dans la salle de bal, Gabriel joua du piano à Remy, et elle dansa sous son regard amusé, tout à sa joie guillerette. Enfin, c’est au terme de la journée qu’elle le remercia par un baiser sous le soleil couchant. Elle lui expliqua qu’elle avait adoré son cadeau, et qu’elle s’était follement amusé, ce que Gabriel voulait bien croire, tant elle avait perdu cet air un peu trop sérieux qui la caractérisait par moment. Elle avait eu une journée à se comporter comme une enfant noble, effaçant son origine étrange et son passé lourd pour un peu d’amusement, le temps d’une journée. Néanmoins, elle tenait à sa liberté, et lorsque Gabriel se mit à genou, elle sentit son cœur se serrer en devinant la suite…

« Remy, ça fait longtemps que nous nous fréquentons, et… Ces rendez-vous m’ont permi de me rendre compte que ce que je ressentais pour toi était bien durable… C’est fou, un noble et une punk ensemble, mais pourtant, ça marche, je crois… Enfin, je… Je voudrais te prendre pour épouse devant le grand Engrenage… Ça peu paraître idiot, mais regarde-toi, tu ressembles à une noble, comme ça ! T-tu pourrais te faire passer pour une noble d’une autre Cité, et comme ça je…
- Gaby. »

Un seul mot avait contraint au silence le noble, qui regardait avec un air mi-suppliant, mi-amoureux la jeune femme, comme pour la convaincre. Elle se tenait les bras croisés devant son ventre, dans la robe blanche, et le regardait tandis que le couchant lui envoyait sur le corps de chaud reflets orangés. Elle prit une inspiration, chercha ses mots, pour ne pas blesser Gabriel. En un sens, sa proposition la touchait beaucoup, mais…

« T’es une putain de tanche ! » affirma-t-elle en lui envoyant un coup de pied dans la figure. Attends, quoi ? Elle lui envoie un coup de pied en pleine gueule alors qu’il vient de faire sa demande en mariage ? Bah putain. Cette Remy a un sacré culot. « Je suis pas une noble, r’garde moi ! J’suis une Punk et je le revendique ! C’est pas ton monde pailleté régit par ton carcan social idiot qui m’attire ! J’aime la liberté, je veux pouvoir vivre comme je l’entends sans me soucier des autres ! Compris ? J’préfère être un loup libre et affamé plutôt qu’un chien bien nourri et en laisse. »

L’autre était sur le cul, au propre comme au figuré, la marque de chaussure de la jeune femme sur la joue droite. Bigre, elle frappait fort, et il ne l’avait pas vu venir, celle-là… Enfin, c’était là le signe qu’elle n’avait pas changé, c’est tout. Il eut un sourire un peu triste, et se releva tandis que la fille sortait de son corsage un carnet de feuille à cigarette et du tabac à rouler. Oui, les Punks fumaient, et Gabriel avait pris l’habitude de la voir s’en griller une. Elle grommelait dans sa barbe, et lui la rejoignit et s’accouda comme elle au balcon.

« ‘Toute façon, on a jamais baiser, j’peux pas épouser un mec qui me satisferait pas au lit. Ni une nana, d’ailleurs. Et même si il me satisfait, l’épouserais pas, et tu sais pourquoi ? Parce que je veux pas d’un collier. »

Elle conclut sa phrase en lui soufflant la fumée au visage, et ria en le voyant s’étouffer. Puis, elle regarda le couchant, la cigarette dans sa main posée négligemment sur le balcon. Le regard perdu dans le vague, elle murmura que, quand même, elle avait vachement aimé cette journée… Et depuis quelques rendez-vous, elle avait prise l’habitude de lui ramener des bricoles, de temps en temps, pour le surprendre. La prochaine fois, se dit-elle en son for intérieur, il allait falloir le surprendre… Elle réfléchissait à des idées, en fumant sa clope, le regard vers l’horizon et le couchant mourant, quand le noble lui vola la cigarette et lui attrapa la tête, pour l’embrasser passionnément pendant un petit moment. Quand il la relâcha, elle eut un sourire, et voulu lui reprendre la cigarette, qu’il mit par jeu hors de portée. Une courte bataille s’engagea pour l’objet, bataille que Remy… perdit. Elle dut donc se rouler une autre clope, tandis que Gabriel souriait à pleines dents. Toutefois, ce qu’il ajouta ensuite manqua de lui faire renverser son paquet, tant c’était surprenant.

« Je suis plutôt content que tu aies rejeté ma demande, en fait. Finalement, j’aurais dû m’en douter, tu ne changes jamais… Mais, si tu ne viens pas dans mon monde… Je peux peut-être aller dans le tien ? »

Il tira un bouffé sur la cigarette pour se donner un air plus théâtral, et s’étouffa avec la fumée, ce qui fit rire la fille à côté de lui. Lorsqu’elle calma son fou rire, elle ajouta, amusé :

« Si tu ne supportes pas une simple cigarette, t’pourras jamais vivre dehors. C’est rude, mais c’comme ça. » Un air triste traversa le visage de Remy, tandis qu’elle ajouta, plus pour elle-même. « Mon monde à moi est pas fait pour les gens de la lumière, y’a trop de sombre, de sale… Et je parle pas forcément de ce que tu crois... »

Il sembla à Gabriel que Remy avait frissonné, mais il ne le sut jamais vraiment, au fond, car elle profita de cette tirade pour s’en aller, mettant fin à leur rendez-vous.

Parfois, les Punks ont une conception assez spéciale des relations humaines. Souvent, il leur arrive de ne pas voir pendant plusieurs mois des compagnons, et de les recroiser ensuite, et de leur parler comme s’il s’était vu hier. C’est pourquoi Gabriel ne comprit pas que les deux mois qui séparèrent sa demande du rendez-vous suivant n’étaient pas là pour le punir ou lui faire comprendre une erreur, mais simplement parce que Remy était occupé ailleurs à ce moment-là. Il s’était rendu plusieurs fois dans leurs nids habituels dans les premières semaines, puis avait avec tristesse pensé que Remy l’avait abandonné. Ses jours lui semblait morne, et il se traînait lamentablement au lit tout les soirs, au bout d’un mois sans la voir. Et puis un jour, alors qu’il avait abandonné tous espoir de la revoir avant un bout de temps, une pierre brisa sa vitre tard dans la nuit. Il se leva pour constater que ce n’était pas une pierre, mais l’un de ses cadeaux à Remy, une robuste boucle d’oreille. Se penchant à la fenêtre, il la vit en contrebas, en train de lui faire coucou et de l’inviter à descendre. Surpris, il enfila un simple peignoir et la rejoignit à l’extérieur. Elle portait ses vêtements habituels, et une lueur de malice se lisait sur son visage. Elle l’emmena dans un endroit qu’il ne connaissait pas, mais où se trouvait de quoi s’allonger confortablement. Elle ne lui avait pas dit mots pendant le trajet, et l’avait toujours précédé en courant de quelques mètres, afin de vite l’attirer dans l’endroit.

Lorsqu’il fut là, elle alla se jeter dans ses bras, pour le serrer, et s’amusa de sa stupéfaction. Elle lui expliqua qu’elle avait un peu réfléchit et qu’elle avait été occupée ailleurs, mais qu’elle avait fini par se décider à une bricole. Puis, elle le poussa dans le lit en riant, et lui se laissa faire, rassurer de ne pas avoir fait une bévue. Riant, elle le fit s’installer confortablement, et s’assit sur ses jambes avec un sourire. La chemise de Gabriel était légèrement ouverte, et montrait son torse imberbe sous la lueur laiteuse de la lune au-dessus d’eux. La femme s’amusa à défaire le tissu, sans que Gabriel ne comprenne trop. Ceci dit, elle l’avait déjà fait avant pour voir comment il était fait, et il était habitué aux subites excentricités de la Punk, si naturelle par moment.
Ce à quoi il ne s’attendait pas, c’est qu’elle attrape le bas de son sweat à elle, et qu’elle le retire d’un ample mouvement. Sous la lumière de la Lune, Gabriel vit pour la première fois les petits seins nus de la demoiselle, ce qui le surprit tout autant que vous. Il eut un moment de stupéfaction, s’attendant à se manger une droite de la part de la punk, mais ne parvint pas à quitter du regard cette nouvelle vision de la femme. Elle, elle eut une crise de fou rire quand elle vit sa tête, ce qui faisait tressauter ses deux collines pâles, et provoquait un émoi étrange chez le musicien. Puis, il comprit qu’elle ne plaisantait pas lorsqu’elle se coucha contre lui, et qu’il sentit la chaleur du corps frêle contre son torse. Il ne sut que dire, et elle lui caressa la joue du doigt, avant de faire une moue boudeuse et de lui appuyer de son index sur ladite joue.
« Eeeeh, dit quelque chose, je sais pas, réagi ! T’es coincé ou quoiii ? 
- ...Je pensais que tu n’avais pas de forme, comme les mecs. C’est très surprenant. »

La gifle qu’il se mangea aussi, surprenait. Depuis qu’elle avait commencé à devenir femme, on ne lui avait jamais sortie une telle chose. Enfin, si, mais pas avec un air aussi parfaitement sincère et naïf. La jeune femme était énervé par Gabriel et son commentaire, et lui était surpris lorsqu’elle se releva, et lui tourna le dos, comme une gamine boudeuse. Il se tenait la joue, qui allait être bien rouge le lendemain, et hésita un peu, avant de s’approcher d’elle et de lui passer les bras autour de la taille. Elle murmura un petit ‘connard’, mais ne le repoussa pas. Alors, il l’embrassa dans le coup en s’excusant, et elle eut un sourire. Ils retournèrent sur la couverture ensemble, et ce qu’ils firent à deux dépassa le cadre habituel de leur relation, sans toutefois que Gabriel perde son pucelage. Les rendez-vous suivant furent tout aussi nouveau pour le nobliau, tant en termes de sensation personnelle que de railleries de la part de la fille, qui elle, avait l’expérience des relations de couple. Il fallut toutefois huit semaines pour que le musicien puisse enfin sortir l’instrument de son étui et fasse ses premières expériences dans un nouveau type de mélodie, et quatre semaines supplémentaires pour qu’enfin il arrache à Remy un compliment après l’amour. Et qu’elle promette de ne plus le traiter de précoce. Et de novice.

Comme chacun le sait, le Narrateur est celui qui vous raconte l’histoire, qui dépend les décors, qui vous emmène vers d’autre pays, vers d’autres Univers, vous fait voyager dans des endroits inconnus… Ce que vous ne savez pas, c’est que le Narrateur est prisonnier de son rôle, comme un rameur enchaîné à une galère. Pas le choix, on doit faire avancer le récit, sinon, vous jetez le livre ou fermez la page, et on se retrouve sans emploi. Triste rôle pour de triste sire… Vous savez, j’aime bien Gabriel et Remy, mais vraiment. Et ça me fend le cœur de devoir vous conter la suite de l’histoire. Si seulement j’avais le droit de la modifier à mes goûts, je le ferais, mais ne suis-je pas que le témoin silencieux de ces événements ? Alors soit, pas de « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants et trois chats » aujourd’hui. On replonge dans le sombre, la tristesse et les larmes. En ce jour, Remy est morte, et l’on assiste tous avec tristesse à sa chute. De Punk libre, elle est devenue un cadavre inerte, condamnée à ne plus jamais se mouvoir par la fatalité. Quoi ? Comment c’est arrivé ? Eh bien, il me faut vous conter un peu d’histoire britanienne pour que vous compreniez correctement…

Ce qui cause la fin des Univers, c’est la divergence de la trame originel des mondes. Voyez les Univers comme des petits trains : ils sont sur des rails, et suivent un chemin pré-établi, même s’ils peuvent « choisir » leurs devenirs grâce à des bifurcations dans la voie, des embranchements. Eh bien… Parfois, les Univers déraillent. C’est triste, mais c’est ainsi, quand on quitte la suite logique des événements, on est voué à disparaître… Et en l’occurrence, ce qui causa la perte de cet Univers, c’est l’absence des deux grandes Guerres et des millions de morts qu’elles engendrèrent. La seule guerre qui eut lieu, ce fut la guerre des Punks , entre les Punks et les Britaniens nobles. Et si chacun se doute des gagnants, il faut préciser qu’aucune arme de destruction massive ne fut utilisé, les Punks furent tués par les patrouilles qui les avaient localisés, et… par des citoyens proches de l’âge adulte, afin de les endurcir un peu. À grand coup de « sus à l’ennemi », « tuons ces gueux » et autres « voleurs de ressources », ce fut toute la jeune génération de garçon qui fut poussé par les plus hauts gradés à tirer au mousquet sur les Punks qui fuyait. Et parmi les tireurs, Gabriel. Et parmi les fuyards, Remy. Retrouvons donc Gabriel, sur les remparts.

Entre ses mains, le poids froid de l’acier, qui malgré sa dorure qui lui donnait un aspect chaud, restait inerte et glacial, lourd à cause du fardeau qu’il représentait. Contre son épaule, le bois de la crosse, lui appuyant sur la clavicule et lui rappelant sa présence. Devant les yeux de Gabriel, une mire de métal, pointant le dos des rebelles, les visant sans pitié. Dans le canon d’acier, une seule cartouche, au potentiel létal incommensurable. Environ trois kilos, peut-être moins, voilà le poids que pesait la vie d’un homme entre les bras trop frêles de Gabriel. Il visait sans tirer, de la sueur coulait de son dos, choisissant une faible trahison envers les siens pour s’assurer que les corps au sol, déjà abattu par les ouailles les plus ferventes du grand Engrenage, ne contiennent pas de cheveux blonds ni de sweat sombre. Une goutte de sueur roulait sur son dos. L’ordre avait été donné à l’aube, et la milice avait fait mander brutalement tous les jeunes nobles. À peine habillé qu’un canon leur était donné et le plan, annoncé. Le repaire des « rats » serait enfumé, et, tous au rempart, ils tireraient d’en haut pour leur apprendre à voler les biens d’autrui. La milice serra en bas, leurs avait-on dit, pour éviter que les rats ne se terrent. Et au fond de lui, Gabriel priait pour que son aimée s’en sorte. Il n’avait pas pu la prévenir de la catastrophe, parce que, pouvait-on prévoir l’imprévisible ? Assurément non, aucun des deux n’aurait cru qu’une chose pareille se produirait un jour. L’inquiétude se lisait dans le visage du musicien, tandis qu’il priait pour que la Punk arrive à se mettre hors de portée de tir. Si jamais elle était contrainte de fuir ailleurs, il n’aurait qu’à la rechercher en devenant ambassadeur auprès des autres Cité-Engrenages… Un rayon de soleil l’aveugla momentanément, tandis que la voix de l’instructeur résonnait dans le lointain. Gabriel avait du mal à se concentrer, le ventre noué d’inquiétude. Il se rappela la moquerie du militaire qui lui avait tendu le bout de ferraille mortel, et qui lui avait dit qu’il allait apprendre sur le terrain à se servir d’un autre instrument. Un « Recharger !» le fit sursauter, et il se remit à scruter, jusqu’à l’apercevoir, courant avec ses frères de cœur entre les nuages de fumées soulevés par le sable lorsqu’une balle l’atteignait. Elle était encore trop proche… Soudain, les pas de du sergent furent à coté de lui, et l’officier lui cria de tirer sur ses « gredins ». Il sentit son doigt trembler, sa vue se brouillait, ses oreilles sifflaient tandis que le sweat gris dansait devant la mire… « Tire, femmelette, tire ! » devenait un slogan reprit par tous, dans sa tête, tandis que sa chemise se mouillait de sueur. Ses cheveux le gênaient, ses mains étaient moites, la bile remontait dans sa gorge et son cœur battait à toute allure. Il essayait de se calmer, mais l’officier plaça une de ses lourdes paumes sur son épaule, et le musicien se sentit seul comme jamais, au centre de cette scène immense où il était le seul acteur, il ▐███████▐███ ████▐███▐██████▐███████ ███████ ▐████████████ ████████ ▐██████████████ ▐████████ ▐█████████████ ▐██████████████████████ ▐████████████████ ▐██████████████ ▐███████████████ ▐███.

Noir.
Détonation.
Rideau.

Connaissez-vous les principaux syndromes d’un état dépressif ? Moi, non, mais comme je suis un Narrateur consciencieux, qui s’inquiète pour les personnages qu’il dépend, j’ai cherché sur Internet. Bien sur, pas sur doctissimo, sur des sites sérieux… Saviez-vous qu’un état dépressif se caractérise par plusieurs choses ? Une perte du plaisir et de l’intérêt lié à l’existence, des dysfonctionnements au niveau de l’organisme, notamment au niveau de l’appétit et du sommeil, et un ralentissement de l’activité motrice et psychique en sont les signes annonciateurs. Pour Gabriel, ces états étaient devenus son quotidien.
Je ne sais pas personnellement depuis combien de temps il est prostré sur son lit. Une semaine ? Un mois ? Un an ? Entouré de son violon brisé et de son saxophone broyé, sale comme jamais, crasseux, détestable, portant les même vêtements depuis bien trop longtemps, le jeune noble était devenu l’ombre de lui-même. Il ne vivait plus, restait prostré dans ses draps, dans le noir, seul. Parfois, de violentes crises de larme le terrassait, et le secouait pendant des dizaines de minutes. Puis, elles le laissaient brisé, anéanti. Seul. Il avait renvoyé tout ses domestiques après avoir tranché ses cheveux lui-même, en signe de deuil, et les médecins étaient incapables de comprendre son mal. La musique qu’il adorait le révulsait désormais, il ne mangeait plus, et ses muscles avaient comme fondu pour lui coller à la peau. Des plaies lui couvraient le corps, mal fermé, quand il avait tenté à plusieurs reprises de mettre fin à ses jours. Sans succès. L’une d’entre elle s’était infecté au niveau du ventre, et laissait sur la peau anormalement pâle des traces allant du violet sombre au verdâtre. Il ne dormait quasiment plus, ou alors sombrait pendant de longues heures dans un sommeil profond, parfois plusieurs jours d’affilés, comme pour fuir ce monde ingrat. Au bout d’un certain temps, la fièvre le prit, à cause de sa blessure infectée, mais même elle ne parvint pas à le tuer. Les cernes de Gabriel montraient clairement son état : ni mort, ni vivant, il était une chose inerte et brisé.

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