[Sortir]

Le monde extérieur. Un monde hostile. Entre ces abominables nuisances sonores n'ayant pour but que de crever les tympans de quiconque osait s'y aventurer, l'effroyable soleil brûlant la peau dans d'atroces souffrances, cet air si pur qu'il agressait sans préavis les pauvres poumons habitués au confort du casanier, le monde extérieur ne pouvait être que néfaste.
Et pourtant, c'était bien là que se trouvait Sofian à 7h30 un samedi matin. Dehors.

– Brrr... qu'est-ce que je fais dans cette jungle....

C'était la première fois que Sofian sortait de chez lui sans but précis. D'habitude, lorsque le jeune brun mettait un pied dans la jungle humaine, c'était pour une raison banale comme aller au lycée, aller acheter quelque chose à la supérette du coin, suivre une délinquante de rang SS, fuir quatre demoiselles en furie en espérant qu'elles se calmeront à son retour...
Mais aujourd'hui, RIEN. Sofian était dehors, juste pour être dehors. Il n'avait STRICTEMENT rien à faire. Lui, un être d'intérieur, un être d'inaction, n'était définitivement pas dans son élément.
Finalement, Sofian se dirigea vers le parc de Mérouville, pour trois raisons évidentes.
Déjà par conventionnalisme, le parc de Mérouville était l'endroit par excellence où tous ceux qui n'avait rien à faire s'y retrouvait. Judicieusement placé au centre de la ville, c'était l'endroit idéal pour faire des rencontres.
Ensuite, Sofian était à Mérouville, alias, la ville où rien ne se passe. Absolument rien. Au nord, un sombre quartier industriel, au sud, quelques petites boutiques sans prétentions, à l'ouest, un petit quartier résidentiel plus dortoir qu'autres choses, et à l'est, l'ancien quartier résidentiel quasiment abandonné de nos jours.
La seule attraction de la ville serait l'anciennement célèbre Arène Roche, cependant, depuis que l'ancienne championne, Roxanne, avait quitté son poste pour rejoindre la Devon SARL à plein temps, rien n'allait plus. Surtout que son remplaçant était aussi fort qu'un Toudoudou sous acide avec ses deux Nodulithe. C'était à se demander comment il était arrivé là. La légende raconte que Roxanne, lasse de trouver un remplaçant capable, aurait simplement déclaré «  Qui veut ma place ? » et ce type était le premier à avoir levé la main. Triste époque.
Et la troisième raison était que Sofian avait entendu suffisamment de vannes pourries aujourd'hui pour mettre les pieds au Thunderbolt.
Du coup, il ne restait que le parc.

– Mmmh...

Sofian faisait le tour du parc, sans but aucun. L'endroit était relativement fréquenté, entre couple, ami, famille... auparavant, Sofian aurait analysé et critiquer chacun des actes de ses compères humains. Or, depuis quelque temps, le brun commençait à comprendre que les liens qui unissaient les êtres n'était pas que des « données à analyser », il y avait autre chose, autre chose que l'œil seul ne pouvait voir et donc, ne pouvait juger.

– Mais par contre, par Arceus, bon sang que ce groupe là-bas ne va pas ensemble ! Sérieusement, il ne ça parle quasiment pas, sauf pour demander de la nourriture ! Personne ne sourit, ils ont l'air d'avoir conclu un forfait tête d'enterrement à durer indéterminée... soit c'est une famille aussi pourrie que la mienne qui tente de retrouver un semblant de vie en communauté, soit c'est un groupe d'inconnu qui se sont retrouvé là complètement par hasard... mais bref, je ne suis pas là pour ça...

Tout d'un coup, Sofian remarqua une petite forme connue, assise sur une jolie petite nappe, sous un arbre, bien en retrait avec le reste de la populace.

– Tiens ! Mais c'est Ilyana Manyula ! Qu'est-ce qu'elle fait ici ?

Le brun s'approcha discrètement de la petite délinquante, qui savourait en ce moment même une grosse part de gâteau. Et au vu des pâtisseries qui traînait devant elle, ce ne serait pas sa dernière.

– ....... elle a l'air heureuse. J'irais bien la voir, mais j'ai peur de me faire dé-Shiki-queter... me faudrait un plan...

[Y aller au naturel]

[Tenter de la corrompre ]

[ Lui faire une plaisanterie]

***

Sofian se releva péniblement, recouvert de multiple taillades.

«  Finalement, geignit t-il, je n'ai pas pu éviter la dé-Shiki-sation... »

– Humf.

Visiblement courroucée, Ilyana se rassit, et croqua furieusement une part de gâteau. Constatant avec grande surprise que la délinquante n'essayait pas de la chasser, Sofian s'assit lui aussi sur la nappe. Ilyana soupira.

– ... tu veux vraiment me faire chier, hein ? Cronch, Cronch.
– Je... je passais juste dans le coin ! s'efforça Sofian de dire la vérité. Je me suis dit « tiens ! Et dis, tiens ! et si j'allais faire un petit coucou à mon assistance N°3 ! 
– Tsst. Cronch, Cronch.

La délinquante détourna les yeux, méprisante. Sofian sentait que l'ambiance commençait à s'approcher de plus en plus du zéro absolu, alors il tenta le tout pour le tout.

– ... désolé, lâcha t-il en baissant la tête.

Ilyana releva la tête, intriguée.

– ... Cronch ?
– ...... tu devrais vraiment arrêter de manger quand on te parle... bref, euh tu sais, quand on 'est rencontré, à la cafétéria... j'ai cassé ta table et tout... bon s'était de la pure légitime défense, hein ! Mais voilà, j'aurais dû me renseigner avant...
– ........

Sofian baissa encore plus la tête, tout gêné.

– ...... humf.
– ..... voilà, voilà...

Un petit silence s'installa, jusqu'à ce que...

– .... merci.

Sofian sursauta jusqu'à la lune.

– Qu... quoi ?!
– Quoi, t'as un problème ?! grogna Ilyana. Je dis encore ce que je veux, non ?! Et puis Nelly ma tout expliquer pour le déjeuner surprise de la dernière fois, et je n'ai jamais pu te remercier en face... alors... raaah et puis merde ! Tu me fais chier !! SHIKI !!
– GYAAAH !!

Le gros furet des glaces apparu. Sofian recula instinctivement.

– I..Ilyana ! La... la violence ne résout rien !!
– Non au contraire !! grogna la délinquante. La violence résout TOUT !
– G-G-G-GYAAAAH !!

***

Lorsque Sofian se réveilla, la grande horloge annonçait 11h00, Ilyana était déjà partie.Le pauvre brun était lacéré de toute part, il dût passer une bonne demi-heure avant de vérifier que toutes ses connexions nerveuses étaient toujours en place.

– B...bon j'arrive encore à bouger mes bras et mes jambes... c'est l'essentiel... ggnnnaïe... faudrait que je passe à l'infirm...... non, plutôt mourir....

Sofian soupira longuement, plaignant son triste sort. Puis, son regard se posa soudainement sur un petit gâteau, tout simple, poser bien en évidence devant lui.

– ... elle l'aurait oublié ? Nan, vu le personnage, c'est impossible... bref, autant le prendre, je n'ai pas le cœur à le laisser pourrir ici...

***

13h00.
Sofian se décida tout de même à passer au Thunderbolt, après avoir pansé ses petites blessures.
Lorsque le brun ouvrit la lourde porte du bar, il fut surpris de se retrouver nez à nez avec...

– Oh, salut.
– Hm.

... Nelly Strike. Qui était visiblement très pressée, puisqu'elle partit dans la seconde, sans crier gare, en contournant simplement le brun. Sofian plissa les yeux.

– ... alors ça, ce n'était pas un vent que je me suis pris, mais un typhon !

Mais le brun se remit rapidement de ses émotions et se dirigea vers le comptoir. Thomas Raibolt l'attendait avec un grand sourire.

– Sofian quelle bonne...

Le blondinet plissa les yeux à la vu des nombreux pansements recouvrant le brun.

– ... tu reviens de guerre ?
– C'est tout comme, soupira tristement Sofian.
– J'ai hâte de savoir ce qui t'es arrivé, souffla Thomas. La dernière fois que j'étais aussi meurtri c'était après une session de bonda... , euh non rien, haha !

Sofian plissa les yeux, pas sûr de comprendre.

– Mouais, suspect. Bah, j'ai juste rencontré un gros chat sauvage un peu violent...
– ... un gros chat ?
– Un très gros chat.
–... je vois.

Sofian soupira de plus bel, désireux de changer de sujet.

– Au fait, ce n'est pas Nelly qui vient de partir, là ?
– Ah oui, se rappela le barman. Tu l'as manqué de peu.
– Elle avait l'air pressé...
– Tu sais ce que c'est...
– Pas vraiment, non.

Thomas soupira lourdement.

– Les combats sauvages.
– Mmmh...
– Elle t'en a déjà parlé, non ?
– Oui..., et j'ai toujours du mal à le croire.
– Elle doit avoir ses raisons.
– Mmmh...

Le barman sourit légèrement.

– Je rêve, ou tu t'inquiètes pour elle ?
– ... c'est normal, non ? C'est mon amie, je ne veux pas qu'elle se blesse.
– Oooh.
– ... quoi ?
– Avant, tu aurais nié tout lien sentimental avec un autre être humain. Tu as changé Sofian.
– .... et toi tu restes toujours le même...
– Haha ! s'amusa Thomas. C'est vrai, j'ai peut-être atteint le pinacle de l'évolution humaine, qui sait !
– Si c'est vrai, l'humanité est condamnée.
– Elle l'est depuis toujours...

Sofian haussa un sourcil surpris. Il ne s'attendait pas à ce que son ami réponde aussi sombrement à une remarque aussi légère.

– Mais ne t'inquiètes pas, reprit le blond. Nelly sait se débrouiller.
– Oui, je l'ai déjà vu combattre au lycée...
– Haha ! Impressionnant n'est-ce pas ? Et pourtant ça ne devait être que la moitié de ses capacités.
– ... quoi ?
– Nelly Strike ne se bat sérieusement que dans les combats sauvages. J'y étais, une fois, s'est époustouflant. Il n'est pas rare que certains la défie juste pour « s'entraîner », et dans ces cas-là elle est beaucoup moins forte. Même si elle reste impressionnante.
– ... gasp.

Sofian déglutit instinctivement. Pourtant, lors du combat contre Ilyana, il lui avait bien semblé que Nelly était au top de sa forme.

– Tu l'as vu utiliser des combos ?
– ... hein ?
– Des combos d'attaques, tu sais, les trucs que les gens qui, contrairement à nous, savent se battre, utilisent.
– ... merci de t'inclure dans le clan des nuls...
– Je ne peux nier la vérité indéfiniment, soupira Thomas.
– Et pour répondre à ta question...

Sofian réfléchit un instant. Maintenant qu'il y repensait, Nelly ne faisait que donner des ordres simple. Seule Ilyana utilisait des combos, comme sa technique de Tranche-Nuit et Vent-Glace.

– ... non. Elle n'en utilisait pas.
– N'est-ce pas, conclu Thomas. C'est la preuve qu'elle n'était pas sérieuse à 100%.
– Elle doit être terriblement puissante..., frémit Sofian.
– Je la soupçonne même d'être une sorte de boss de fin d'un jeu vidéo , souffla le blond.
– Tu m'étonnes...

Thomas inspira longuement.

– Mais c'est un monde que les faibles comme toi et moi ne peuvent pas comprendre ! Alors comme d'habitude, tu passes de l'autre côté ?
– Ouais, le frigo ne se remplit pas tout seul, malheureusement...

***

Sofian Aaken.
Il ne le savait pas encore, mais bientôt, son choix allait être déterminant.
Du moins, c'était ce qu'elle pensait.
Un choix qui risquerait de changer la face même du monde.
Si seulement il faisait le bon.
Elle l'espérait.
Car elle le savait.
Il ne le fera pas.
Il se trompera et choisira le mauvais camp.