Partie 2 :
Un cœur brisé peut-il aimer de nouveau ?
Résumé : Depuis que j’ai appris la trahison de mes amis, je suis blessée, brisée, ma vie a totalement changée : après une année de première très difficile, j’ai enfin réussis à ne me ressaisir, toutefois, je ne pense plus qu’à moi, devenant ainsi une fille détestable. Pourtant, si je suis ainsi, c’est pour ne plus souffrir : je rejette tout le monde et suis seule, bien, tranquille. Plus personne ne peut me faire souffrir. Néanmoins, cette année un certain Grégory, un de mes camarades de classe, s’intéresse beaucoup à moi car nous avons de nombreux de point communs. Un cœur brisé peut-il aimer de nouveau ? L’amour peut-il être plus fort que la haine et la rancœur ?
Chapitre 1 :
Aujourd’hui, ça fait exactement un an que j’ai appris la trahison de mes amis. Je suis sûre que vous voulez savoir ce qu’il s’est passé entre eux et moi. Pour commencer, j’ai appelé Hugo et lui ai demandé de venir en urgence chez moi. Il est arrivé très rapidement mais lorsqu’il m’a vu pleuré et qu’il a voulu me consolé, je l’ai repoussé. Je lui ai dit que je savais tout, que j’avais tout entendu, il était anéanti. Il m’a littéralement supplié de le pardonné, me jurant qu’il m’aime...mais je lui ai demandé de partir. Il pleurait, je pleurais tant j’étais furieuse, je ne pouvais pas lui pardonner, j’avais, cette année, laissé passer beaucoup trop de choses et Mike m’a appris qu’il est inutile de donner une seconde chance à quelqu’un.
De temps en temps, je recevais des messages de Hugo qui me demandait de le pardonner, donc je l’ai bloqué, je ne voulais plus souffrir. Il m’a oublié l’année qui suivit et est sorti avec je ne sais quelle pute. Tant mieux pour lui, il a su retrouver sa joie de vivre.
Pierre s’en voulait, mais je lui ai pardonné car il m’a finalement tout avoué sans que je l’y oblige. Je ne lui parle plus quand même, mais lorsqu’il vient discuter un peu, j’accepte de parler.
Je n’ai jamais entendu parler de Courtney depuis ce jour, mais cette fille qui se prétendait ma meilleure amie n’a eu aucun scrupule lorsqu’elle a embrassé Hugo, alors je ne veux plus jamais la voir et, je sais que c’est vraiment méchant, mais j’espère qu’elle souffrira autant que j’ai souffert par sa faute.
Je n’ai plus jamais accepté de parler à Mike, ce mec est complètement idiot et ridicule en plus d’être fourbe et manipulateur.
J’ai rangé tout ce qui pouvait me faire penser à mes amis dans un carton que j’ai enfermé au grenier. Je ne veux plus songer au passé.
Comme je l’ai dis, cela fait un an exactement que j’ai tout appris, je vais donc bientôt entrer en terminale, dans quatre jours précisément.
Vous voulez savoir ce qu’il m’est arrivé à moi depuis que j’ai vécu cette trahison ? C’est assez long, je vous préviens...bon d’accord, alors voilà. Étant très sentimentale et sensible, j’ai vraiment mal pris ce qui venait de m’arriver. Après avoir appris ça, j’ai refusé de me nourrir, je me sentais ridicule, moche, idiote et par-dessus tout inutile. Si je disparaissais, à qui pourrais-je bien manquer ? Á mes parents ? Oui, et c’est pour cela que je n’ai pas quitté ce monde, pour eux. Mais pendant un mois je ne mangeais que très rarement, j’ai dû manger ce mois-là l’équivalent de ce que je mangeais en deux jours avant. Cela me rendait malade, mais je ne me sentais pas capable de manger, je vomissais tous les jours, mais je n’avais pas faim. Je suis devenue affreusement maigre, mes parents s’inquiétaient et j’ai dû aller à l’hôpital.
Deux jours après, je me suis remis à manger normalement, j’avais trouvé quelque chose qui me consolait : lire, écrire et étudier. Jamais un livre ne me trahirait comme l’ont fait ceux en qui j’avais confiance. Je savais que jamais plus je ne serais blessée. Je passais mon temps libre à lire des tragédies, comme Antigone que j’ai relus plusieurs fois, parfois j’écrivais des poèmes sur le sens de la vie, la trahison, la tristesse, la mort... J’écrivais mes sentiments et mes pensées. Mes parents, heureux de me voir remise de mon chagrin (enfin, ça c’est ce que je veux qu’ils croient), m’ont offert une bibliothèque de bois clair (que j’ai monté avec mon père), ainsi que de nombreux livres. J’aime vraiment mes parents, il n’y a qu’eux que j’aime. Pourtant, je passais la plupart de mon temps libre à étudier, à apprendre, oubliant le temps de l’apprentissage d’une leçon que ma vie était devenue triste et sans aucun sens.
J’ai étudié des heures durant, chaque jour. Je suis donc passé de quatorze de moyenne à dix-sept en première, mes profs croyaient que je trichais, mais après m’avoir fait passé des examens seule dans une classe vide, ils ont compris que ce n’était pas le cas. Les élèves voulaient sympathiser, mais je les ai rejetés, tous. Depuis, je suis seule, sans amis, je passe mes récréations à lire et à réfléchir.
Je ne suis donc pas appréciée par mes camarades qui se moquent de moi. L’humain n’est fait que pour vous briser, vous anéantir, puis rire de son œuvre. Personne ici bas ne sera jamais bon avec moi, personne ici bas ne me comprendra jamais. Je serai seule pour toujours, et cette idée me va parfaitement. D’ailleurs, vous le remarquerez sûrement au fil des chapitres, mais en voulant me « créer une carapace » pour me protéger de ses moquerie, je suis devenue une fille odieuse, méchante, détestable. Je n’arrive plus à donner ma confiance aux autres désormais.
Un cœur qui a été brisé, jamais ne pourra oublier, telle est ma devise. Je ne ferai plus jamais confiance à personne. Je ne referai plus cette erreur.
Chapitre 2 :
Je révise, nous sommes en vacances, mais je n’ai pas d’amis à aller voir, pas de personnes à qui téléphoner, je suis seule avec mes livres, dans ma chambre. Comme je connais par cœur chaque cours de l’année de première, que j’ai relus trois fois chaque livre qui se trouve sur ma petit bibliothèque et que je n’ai plus d’idées de poèmes pour le moment, j’ai décidé d’apprendre le latin, or j’avais déjà commencé en troisième, et j’ai terminé très rapidement de l’apprendre. J’ai donc décidé de me mettre à la sténographie. J’ai commencé à l’apprendre hier, mais comme c’est très simple, je connais déjà presque tout et je pense qu’à la rentrée, je pourrais écrire ainsi assez rapidement.
Je soupire et continue d’écrire des phrase en sténo, je n’ai que ça à faire de toute façon.
Le jour de la rentrée semble donc arriver très vite. Ce matin, j’ai cours de neuf heures à midi, enfin « cours », on va plutôt passer notre matinée à discuter.
Je m’habille, me coiffe avec un chignon rapide et prends le bus. Dedans, il y a un garçon assis seul sur un siège, l’air triste. Je me demande bien ce qu’il a, en plus je suis certaine d l’avoir déjà rencontré quelque part, mais où, ça je n’en ai pas la moindre idée, et je m’en fiche éperdument.
Dans la cour, les filles qui ne se sont pas vu depuis les vacances se sautent dans les bras en poussant des cris de joie. Quelles idiotes, elles me dégoûtent.
Je cherche mon nom sur la liste des élèves de terminale L. Il y a deux classes cette année, et je suis dans la première, avec les meilleurs élèves de première L, de toute façon, aucun n’était meilleur que moi, ils passaient leur temps à sortir et à boire. J’aimerais trouver quelqu’un qui aime autant que moi les livres. Je me rends devant la salle, mais en chemin, un mec m’interpelle et me demande :
« Tu es en quelle classe ?
- Qu’est-ce que ça peut te faire, lancé-je sans même lui lancer un regard.
- Je cherche la salle de classe des terminales L 1.
- Suis-moi. »
Je parle sèchement, comme toujours, car je ne veux pas que les gens s’attachent à moi et que je m’attache à eux par la même occasion. Je ne sais même pas qui il est, mais j’entends ses pas derrière moi, il me suit.
Après quelques couloirs et des escaliers, nous arrivons devant une salle où beaucoup d’élèves attendent déjà. Je m’éloigne du mec avec qui j’ai parlé et me mets dans un coin où personne ne me verra. Je sors un livre et bouquine. Pauline, une des élèves de ma classe depuis l’année dernière, vient vers moi et soupire :
« Toujours dans tes romans Laura, demande-t-elle avec un sourire mauvais au coin des lèvres.
- Ouah, répondis-je avec ironie, t’es maligne toi ! Tu l’as deviné toute seule ou en plus on a dû t’aider ?
- C’est ça, moque toi espèce de peste.
- Attends, tu viens vers moi, me dérangeant dans ma lecture, tu me demande quelque chose avec le même sourire que les méchants dans les films et après c’est moi la méchante ?! »
Les élèves sont tournés vers nous, mais je m’en fiche. Je suis devenue une fille acerbe, et j’en suis consciente. Elle s’écrie alors :
« Ne me parle pas comme ça !
- Eh, dis-je amusée, tu es consciente que tu te ridiculises devant toute la classe dès la rentrée ?
- Ah ouais, c’est moi la plus ridicule ? Alors que c’est toi qui est insociable.
- Ouais.
- Et pourquoi tu ne parles jamais à personne ? Ils le savent, eux ?
- Pour la plupart, oui.
- Et les nouveaux ? »
Je me crispe : elle n’oserait pas...
« Par quoi commencer ? Par le fait que ton copain t’ait trompé avec ta meilleure amie ou par le fait que même ton meilleur ami était au courant et ne t’a rien dit.
- Arrête, dis-je tout bas les dents serrées par la rage qui m’envahit tout à coup.
- Oh, et j’oubliais aussi qu’après ça tu es devenue anorexique.
- Tais-toi, la coupé-je toujours aussi bas.
- Et que pour soigner ça tu as dû aller à l’hôpital.
- La ferme ! »
Je crie ces derniers mots.
« Et voilà, susurre-t-elle, maintenant la plus ridicule, c’est toi. »
Je ferme mon livre et pars en courant, les yeux emplis de larmes : pourquoi s’en prendre à moi, je ne lui ai rien fait. Je veux juste vivre ma vie, seule. Je ne voulais pas qu’elle vienne vers moi ! Je voulais juste qu’elle parte ! D’accord, je lui ai mal répondu, mais...je veux juste être seule, je ne veux pas que les autres soient mes amis...je ne veux pas encore être blessée et prise pour une idiote. Cette fille est une sale conn*sse !
Au détour d’un couloir, je rentre dans un élève et nous nous étalons tous deux par terre.
« Désolée, dis-je entre deux sanglots.
- Ce n’est rien. »
Il avait l’air étonné, je le sentais dans sa voix. Je reprends mon livre que j’avais lâché et repars toujours aussi rapidement. J’ouvre les toilettes des filles et me poste devant un lavabo. Je lève les yeux vers le miroir et fixe mon reflet. J’ai l’air misérable...je suis misérable.
Je sèche mes larmes et prends une grande respiration. Bon, ça va mieux, je vais sûrement rejoindre ma classe maintenant.
Je repars et toque à la porte, tous sont déjà rentrés.
La prof me blâme pour mon retard et me demande d’aller m’asseoir. Or, il n’y a plus que deux places libres : à côté de Pauline ou à côté d’un mec dans le fond. Je décide d’aller au fond car pour rien au monde je n’irai à côté de la peste de service.
Le garçon ne m’adresse qu’un bref regard avant de murmurer, l’air étonné :
« C’est toi que j’ai croisé dans le couloir, non ?
- Croisé, soupiré-je doucement, c’est plutôt heurté. Encore désolée.
- Non, ce n’est rien, mais tu as pris mon livre par erreur et lorsque je m’en suis rendu compte, tu étais déjà partie.
- Vraiment ?
- Oui, ce n’est pas ton prénom, Laura ?
- Oh je suis désolée. Tiens. »
Je lui tends le livre que j’avais ramassé et il me tend exactement le même. Nous avons les mêmes goûts ? C’est fou, ça.
« Euh, murmuré-je hésitante, tu connais mon prénom, mais j’ignore le tien.
- Oh, oui, pardon. Moi, c’est Grégory.
- D’accord. »
Je me tourne et me plonge dans nos livres de cours : que de nouvelles choses que je m’empresserai d’apprendre une fois rentrée chez moi !
Chapitre 3 :
La matinée passe, c’est horriblement ennuyeux. Je pousse un soupir de soulagement lorsque la sonnerie retentit. Je sors, mon livre devant les yeux.
« Laura, attends ! »
Je me retourne, étonnée. Grégory me rattrape :
« Attends, j’aimerais te parler !
- Quoi, dis-je énervée qu’il me tire de ma lecture.
- Oh, calme-toi, je voulais juste te demander quelque chose.
- Dis, j’attends.
- Tu...tu ne connais pas un certain Mike ?
- J’ai connu, erreur.
- Alors c’est bien toi...je suis heureux de t’avoir revu.
- Tu...tu es Grégory, le cousin de Mike, n’est-ce pas ?
- Oui, c’est moi, mais je ne pensais pas te revoir.
- Moi non plus...mais, je pensais que tu vivais dans le sud ouest.
- Oui, j’y vivais. »
Á son air triste, je comprends que quelque chose s’est passé...mais je ne désire absolument pas savoir pourquoi, et puis ça le dérangerait de m’en parler, j’en suis sûre.
« Ah...ok. Bon, alors j’espère que ton année se passera bien ici. Je dois y aller. Ciao.
- Euh...bon, alors au revoir.
- Bye. »
Je m’en vais sans me retourner, sans sourire, sans lui lancer un regard. Je sais que c’est dur de subir ça, mais je ne veux pas d’amis, seule, je suis bien. Et lui, il se trouvera quelqu’un d’autre avec qui discuter, il y a beaucoup de personnes dans notre classe qui, j’en suis sûre, en valent la peine.
Une fois chez moi, je m’assois à mon bureau et commence à apprendre les leçons contenues dans mes livres. J’aime prendre de l’avance pour ne pas avoir à répondre faux devant tout le monde : tous se moqueraient de moi si je disais une ânerie. Je ne veux pas me faire remarquer, mais quand personne ne sait la réponse, les profs comptent toujours sur moi pour la donner, ça m’énerve, pourquoi moi ?!
Pourquoi suis-je si méchante avec mes camarades ? Parce qu’en en première, j’ai été critiquée par tous et maintenant, je hais encore plus les humains qu’avant. Je méprise chaque élève de ma classe, avec eux, je me comporte encore plus mal qu’une peste, je suis détestable. L’année dernière, je ne parlais pas trop mais j’aimais bien discuter avec quelqu’un de temps en temps...et j’ai connu Pauline. Á ce moment, je la trouvais sympa, et nous nous entendions bien. Mais un jour, elle s’est mise à vouloir me « casser » devant tous les élèves pour se rendre populaire, je crois qu’à ce moment, elle était attirée par je ne sais plus quel crétin. Après ses moqueries, j’ai eu le droit à ceux de toute la classe. Désormais, je ne fais plus confiance à personne, je hais tout le monde, je suis méchante, peste, je réponds à mes « camarades », je les envoie balader dès qu’ils veulent me parler...pire qu’une garce, ça existe : moi. Pendant les vacances d’été, j’ai décidé de ne plus jamais me laisser faire, mais la rentrée ne s’est pas passée comme je l’imaginais. Je n’ai besoin d’aucune vie sociale, je ne veux pas me sentir importante aux yeux de qui que ce soit, je veux juste me sentir seule et tranquille, et laisser mon esprit vagabonder tandis que je lis les livres que j’aime tant. Je suis devenue égoïste et méchante, je me suis créé une carapace pour me protéger des remarques des autres. Je me fais pitié, mais au moins, je ne souffre plus autant que j’ai souffert avant. Avant, j’hésitais tout le temps, je n’étais jamais sûre de moi, mais maintenant, j’assume chacun de mes choix et ne reviens jamais sur une décision, c’est plus simple. Et puis ce qui est fait ne peut être défait, c’est bien simple.
Cette journée m’a épuisée, je me couche vers dix heures, assez tôt donc, et m’endors rapidement.
Le jour qui suit, je commence un peu plus tard, j’ai donc encore plus de temps pour réviser, c’est cool (de mon point de vue, évidemment).
Dans le bus, je lis, mais lorsque je lève les yeux, je vois Grégory scruter le ciel par la fenêtre, l’air nostalgique, un sourire triste sur son visage. Et oui, dans la vie, ce n’est pas « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » comme disent certains élèves.
Au lycée, ce matin, je surprends quelques personnes à me regarder de travers. Allez vous faire voir bande d’idiots, je ne suis pas une attraction ! J’ai tellement envie de crier ! Depuis que j’ai appris ce qu’avaient fait mes « amis », mon cœur n’est remplit que de haine et de rancœur. J’ai toujours envie de crier ma peine et ma rage, je me surprends moi-même lorsque je constate que je leur en veux encore, et que leur en voudrai pendant longtemps.
Chapitre 4 :
En récréation, une fille de ma classe (un peu plus petite que moi, assez mignonne et l’air innocent, elle a les cheveux blonds jusqu’aux épaules et les yeux bleus : une vraie poupée) s’approche de moi en souriant et déclare :
« Tu es Laura ? Moi, c’est Nina, heureuse de faire ta connaissance.
- Hein, oui pareil, salut. »
Je ne lève même pas les yeux. Nina sourit, rit, puis continue :
« T’es marrante, toi ! On m’a dit que tu étais la première de classe toute l’année en première, c’est vrai ?
- Oui, et alors ?
- La classe ! Moi je ne suis pas très douée, surtout en anglais. Les langues, ce n’est pas mon truc.
- Et... ?
- Non, c’est tout. Qu’est-ce que tu lis ?
- Qu’est-ce que ça peut te faire ? »
Elle rit puis continue :
« Tu aimes bien l’humour noir toi, hein ? »
Nina prend mon livre sans perdre la page et regarde le titre.
« Roméo et Juliette, c’est vieux ça, non ?
- Quelle remarque perspicace.
- Ouais, un vrai génie se tient devant toi, dit-elle en s’esclaffant. Alors, c’est bien comme livre ?
- Oui, j’aime bien. »
Je me surprends à lui sourire. Là, je lui arrache mon livre des mains, tourne les yeux et soupire en regardant le ciel :
« Je suis désolée Nina, tu as vraiment l’air d’une fille bien, mais...je n’en suis pas une, moi. »
Je plante ensuite mon regard dans le sien et dis tristement :
« Je ne veux pas te blesser, alors laisse-moi s’il te plait, l’amitié, avec moi, ça ne marche pas. Je préfère être seule. »
Comprenant que je suis sérieuse, elle dit alors :
« Je vois...alors ce que l’on m’a dit est vrai, tu t’isoles.
- Oui.
- Tu sais, plus tard j’aurais aimé travailler dans la psychologie, mais je ne suis pas assez douée pour, je suis meilleure en philosophie et en espagnol.
- Ah...
- Et je voulais te comprendre en discutant avec toi.
- Tu as réussis à me comprendre alors, dis-je l’air sceptique.
- Un peu.
- Qu’as-tu compris ?
- Tu es froide envers tout le monde car tu ne veux pas être accablée par la tristesse, tu as probablement été toi-même blessée d’une façon très violente et cela t’a tant marqué que plus jamais tu ne veux accorder ta confiance. Pourtant, malgré cette carapace qui semble t’envelopper, on voit rapidement que si tu refuses de te lier aux autres, ce n’est pas seulement pour toi, c’est aussi parce que tu ne veux pas les blesser, eux. Pour oublier ta peine, tu te concentres sur l’imaginaire, sur le monde contenu dans les livres, ainsi tu compares ta vie en te disant qu’il y a pire. Mais tu te dis que bien qu’il y ait pire, ta souffrance ne partira pas si vite, et tu continues de lire, persuadée au fond de toi que ces livres tragiques t’apporteront le réconfort que les humains n’ont pas su t’apporter. »
Elle termine sa phrase d’un ton compatissant. Comment a-t-elle pu comprendre cela si précisément ? Nous n’avons pourtant parlé qu’une ou deux minutes...
« Alors, dit-elle en me souriant, j’ai visé juste ?
- Tu sais quoi, tu devrais vraiment t’essayer à la psychologie...
- Tu le penses vraiment ? Merci, c’est gentil.
- De rien. Et comme tu le disais, je ne veux pas que tu sois peinée à cause de ma méchanceté, alors s’il te plait, laisse-moi.
- Non, je ne veux pas te laisser, je suis sûre que tu es gentille, et que si tu te comportes ainsi, c’est parce qu’en fait tu ne veux pas me faire de peine. Tu te dis que peut-être que si tu me rejettes, alors j’irai vers d’autres personnes qui me rendront heureuse comme tu t’en sens incapable, mais ne t’inquiète pas, je suis sûre que nous pourrions devenir amie toutes les deux. Tu n’es pas méchante au fond Laura, ce n’est que l’extérieur que tu montres, là.
- Laisse-moi Nina.
- Non. Je sais que ce n’est pas très...poli ni même très discret, mais je veux savoir pourquoi tu es comme ça.
- Tu veux vraiment le savoir ?! Alors tu vas comprendre : le mec que j’aimais est sorti avec une autre fille alors que j’étais dans mon lit en train de vomir, mon meilleur ami était au courant mais ne m’a rien dit et mon ex en a profité pour demander à mon copain de me larguer sinon il me dirait qu’il s’est tapé ma meilleure amie. Cette dernière et mon meilleur ami devaient quant à eux essayer de me faire retomber amoureuse de mon ex. Tout ça dans mon dos, ça m’a vraiment choqué, ça m’a détruit, je leur avais accordé ma confiance, et eux, ils se sont foutu de ma gueule ! Tu sais ce que ça fait de se sentir nulle et idiote ?!
- Je vois...je suis désolée pour toi, mais je sais que tu peux surmonter ça, que tu peux reprendre ta vie en main.
- C’est ce que j’ai fais, j’ai décidé de ne plus jamais accorder à qui que ce soit ma confiance, mon amitié, mon amour, alors pitié, ne rends pas les choses plus difficiles et va-t-en, mais ne répète jamais ça à personne.
- Je...d’accord. »
Elle s’en va, l’air triste. Bof, elle s’en remettra.
Je replonge dans mon livre et la sonnerie se fait entendre.
Chapitre 5 :
En cours d’espagnol, nous travaillons aujourd’hui à l’oral, c’est trop facile, je n’ai pas envie de lever la main. Je tourne la tête vers la fenêtre et soupire tout en écoutant l’interview sur l’environnement que la prof nous passe. Je l’entends tout à coup s’exclamer :
« Laura, je vous dérange on dirait bien !
- Non, madame.
- Tu écoutais le cours ?
- Oui.
- Alors réponds à la question qui a été posée. »
Non, pitié, pourquoi moi ?! Je réponds donc :
« Si, pienso que proteger el entorno es necesario para el planeta (oui, je pense que protéger l’environnement est nécessaire pour la planète). »
La prof ne dit rien et continue son cours. Non mais...
Je prends des notes en sténographie, ça va plus vite. Á la fin du cours, Pauline vient vers moi et ordonne :
« Donne ton cours, je n’ai pas tout noté.
- C’est bien dommage, pourquoi ne pas le demander à tes amies.
- Ben parce que c’est à elle que je parlais, c’est pour ça que je n’ai pas le cours.
- Qu’est-ce que tu t’en fiches d’avoir ou non le cours puisque de toute façon tu seras chômeuse plus tard.
- Je ne serai pas chômeuse.
- Pari tenu, voici donc mon cours. »
Je lui tends ma feuille. Tout est écrit en sténographie, donc forcément, pour elle, c’est illisible, pire que du cunéiforme.
« Tu te moques de moi, là, dit-elle l’air étonné et en colère à la fois.
- Oui, un peu, mais c’est bien mon cours, par contre c’est en sténo.
- Garde le ton cours pourri, je demanderai à quelqu’un d’autre. »
Quelle nouille. Et après ce sont les blondes les idiotes...
Je m’apprête à rentrer chez moi déjeuner quand la prof demande :
« Pourrais-je te voir une minute Laura ? »
Si seulement ce n’était que pour une minute...dans ma tête cette discussion m’énerve déjà.
« Oui madame ?
- Tu as l’air de t’ennuyer dans mon cours. Pourquoi ?
- Non, je ne m’ennuie pas.
- Pourquoi regardais-tu par la fenêtre ?
- Je suivais le cours, et si vous ne le pensiez pas, veuillez m’en excuser, ce n’était pas mon intention.
- Bon, ce n’est rien. Mais tâche de t’intéresser un peu plus au cours la prochaine fois.
- Oui, madame.
- Au revoir.
- Au revoir. »
Pff, ça m’énerve. Elle n’a cas pas faire des cours de niveau de seconde si mon comportement lui déplait.
Je suis à l’heure à mon arrêt de bus, Grégory est ici aussi. N’ayant pas envie de m’asseoir vers lui, je reste debout, mon livre en main, poursuivant tranquillement ma lecture.
« Laura, je peux te parler, me lance-t-il soudainement.
- Non, pourquoi ?
- Ah...alors je te dérange...
- Bien vu.
- Oh...désolé. »
Il baisse les yeux, l’air déçu. Il est associable en temps normal alors s’il me parle, c’est sûrement important. Je soupire, énervée, et m’excuse :
« Désolée de t’avoir parlé ainsi. Je ne voulais pas dire ça. Qu’est-ce que tu as ?
- Je...je voulais juste te demander pourquoi tu as tant changé, Mike a refusé de m’en parler.
- Alors il y avait une raison.
- Oui, sans doute.
- Mais si tu veux tout savoir, j’avais des amis et tous m’ont poignardé dans le dos. Je ne veux plus me lier avec personne pour ne plus souffrir.
- Alors c’est pour cela que tu es si...distante ?
- Oui. Et toi, on dirait que tu n’aimes pas trop la compagnie non plus. Tu aimes les pièces tragiques et tout ce qui se situe dans le drame et le noir. Pourquoi ?
- En fait, je vivais dans le sud avec mes parents. J’avais des amis et j’étais l’un des plus populaires. J’aimais mon père et ma mère, mais un accident de voiture les a emportés il y a trois mois et par conséquent, je suis allé vivre chez ma grand-mère pas très loin de ma première maison. J’étais anéanti, mes parents, morts...j’ai beaucoup pleuré, je n’avais jamais versé tant de larmes avant, mais là...c’était trop dur. Ma grand-mère ne voulait pas de moi, elle ne m’aimait pas, tout simplement. J’ai donc trouvé refuge chez mon cousin Mike. Je n’ai jamais pu exprimer ma tristesse, je ne pouvais me confier à personne, tous mes amis se moquaient car je pleurais sans même chercher à comprendre pourquoi. Depuis, je me console en lisant des tragédies : il y a plus triste que moi, ça me console. Je ne veux plus m’attacher et que l’on se moque de moi ensuite car aujourd’hui encore, il m’arrive de pleurer. Je ne veux plus voir ces imbéciles rire de mes larmes. L’amitié n’existe pas, et je l’ai compris à mes dépens. »
Il regarde le livre que je tiens et m’adresse un sourire triste, les yeux perdus dans le vide. Grégory...il est comme moi. Nous sommes tous deux blessés, nous avons trouvé refuge dans l’imaginaire, nous ne nous sentons plus capable de vivre dans le réel, comme le dit si bien Nina. Lui a perdu ses parent, et comme il pleurait, ses amis l’ont pris pour un gamin sans même chercher à comprendre la raison de ses larmes. Cela l’a blessé, comme moi j’ai été blessée.
« Je...je suis désolée pour tes parents.
- Oui, si seulement ça les ramenait à la vie. »
Le bus arrive et nous montons. Je m’assois dans le fond et lis, mais je n’arrive pas à me concentrer sur mon bouquin, Grégory a vécu quelque chose de bouleversant et je compatis, je le comprends totalement. Au moins, nous sommes tous les deux d’accord : pas question de devenir amis. De toute façon, je suis sûre qu’il pense la même chose que moi : l’amitié comme l’amour blesse et ces sentiments ne sont pas nécessaires pour bien vivre.
Chapitre 6 :
Je descends à mon arrêt, Grégory m’adresse un signe de la main, je le regarde, mais ne lui réponds pas. Il Depuis quand on est potes, sans rire...
L’après-midi, je suis encore à côté de Grégory en cours, mais aucun mot n’est échangé. Rien.
Pendant la récréation, Nina revient vers moi, toujours avec son grand sourire duquel elle prend tellement soin qu’on dirait une pub pour du dentifrice.
Elle s’assoit à côté de moi, dans l’herbe. Je suis contre un arbre plongée dans ma lecture. Elle me fixe, sans dire mot, sans bouger. Je craque et demande (un brin d’énervement dans ma voix) :
« Quoi ?
- Je voulais juste discuter avec toi.
- Bon, alors maintenant qu’on vient de le faire, tu pourrais songer à partir.
- J’t’adore, t’es trop drôle ! »
Je soupire, ferme mon livre et lui explique :
« Comme tu l’as toi-même justement dit, je n’ai pas envie de me lier aux autres, or, toi, tu fais partie des autres, compris ?
- Mais, je sais que tu peux te montrer gentille.
- Oui, je peux, mais je n’ai pas envie de le faire. Je ne suis pas gentille, je suis une fille méchante, tu n’as pas à venir vers moi, je ne veux ni de ta bonté, ni de ta pitié. Désolée de te décevoir. »
Elle s’éloigne, puis se retourne, me regarde l’espace d’un très court instant, puis lâche :
« Une vie sans sentiments est une vie ratée car ils sont la seule chose qu’on ne peut encore acheter aujourd’hui. »
Nina s’en va, me laissant sans voix. Je n’avais encore jamais vu de fille comme elle. Elle m’intrigue beaucoup à vrai dire, je voudrais savoir pourquoi elle tient tant à venir vers moi, pourquoi elle est si gentille avec moi qui suis tout l’opposé. Je veux comprendre. Non, en fait, je me fiche de ce qu’elle peut bien penser de moi, et tant pis si elle voulait vraiment être mon amie.
Lorsque nous sortons, il est quatre heures et demie. Je suis à l’arrêt, assise sur le banc. Grégory est debout, pas très loin. Je me plonge dans mon livre.
« Quel est ce livre, me demande-t-il.
- Britannicus, répondis-je, de Racine.
- Et...c’est bien ?
- Oui, dis-je pour écourter la conversation.
- Vraiment ?
- Oui, j’aime beaucoup.
- Où l’as-tu acheté ?
- Je ne sais pas, ce sont mes parents qui me l’ont offert.
- Ah...je le chercherai sur internet ce soir.
- Pas besoin, je l’ai déjà lu quatre fois. Une de plus ou une de moins, cela ne fait plus de différence. Je te le prête.
- Merci. »
Voilà, maintenant il me lâche, ouf !
Dans le bus, je m’installe au fond, seule, et lui devant, comme toujours. Il commence à lire mon livre
Je rentre chez moi et une fois dans ma chambre, je plonge dans un de mes romans pris au hasard sur mon étagère. Encore Roméo et Juliette ?! Non, pas envie de le lire.
Donc je sors un de mes manuels et étudie.
Je m’endors, mais je suis réveillée par mon portable qui vibre, quelle idiote, j’ai oublié de l’éteindre...Qui peut bien m’envoyer un message à onze heures du soir ?
Je regarde l’écran qui m’indique qu’il s’agit d’un numéro inconnu. Encore un abruti qui ne sait pas composer un numéro. Pourtant, lorsque j’ouvre le message, je comprends qu’il ne s’agissait pas d’une erreur :
« Salut, c’est Grégory, est-ce que je te dérange ? »
Comment il a eu mon numéro...ah, c’est vrai, j’ai effacé celui de Mike, mais ce dernier n’a pas forcément supprimé le mien.
Qu’est-ce qu’il croit que je vais lui répondre « il est onze heures du soir, l’heure à laquelle je dors depuis près d’une demi heure, mais ne t’inquiète pas, tu ne me dérange jamais ». N’importe quoi. Je supprime le message et balance mon portable dans mon sac avant de me préparer pour aller dormir. Pourquoi à chaque début d’année les élèves veulent faire connaissance avec absolument tout le monde ?! Ce que ça peut être exaspérant !
Chapitre 7 :
Ce matin, super, on a philo. Moi qui n’aime pas parler en classe, on a un prof qui ne fait que ça : de l’oral ! C’est l’horreur, je n’ai pas beaucoup parlé de ses cours jusqu’à présent car je les trouvais inintéressant, mais aujourd’hui, c’est différent.
Déjà, dans le bus, je n’adresse pas un seul regard à Grégory, pour bien lui faire comprendre que je ne suis PAS son amie car ni lui ni moi n’y tenons.
Ensuite, devant la classe, je reste seule, à lire mon manuel d’anglais ce qui me vaut un regard moqueur de la part de Pauline et de ses sbires.
Et enfin, en cours de philo, le prof veut parler des émotions que l’humain peut ressentir. Nous commençons par une définition des sentiments puis nous donnons quelques exemples dont nous devons parler. Nous évoquons donc la tristesse, puis la peur, la haine, et enfin l’amour. Il va demander à un élève sa définition de l’amour. Pitié, faites que ça ne tombe pas sur moi !
Heureusement, juste avant qu’il ne désigne quelqu’un, ça sonne. Je remercie le ciel pour cela !
Comment Grégory définit l’amour, je me pose la question, ça m’intrigue. Je me demande si nous avons tous deux la même idée de ce sentiment.
Bref, la journée passe, sans aucun intérêt. C’est ennuyeux. La semaine suit, et le vendredi, à l’arrêt de bus, Grégory vient vers moi, mon livre dans la main :
« Tu avais raison, c’est un très bon livre.
- Oui, soupiré-je ennuyée qu’il me parle.
- Tiens, je te le rends.
- Merci. »
Je range mon livre et me retourne.
« Euh...Laura ?
- Oui, dis-je agacée.
- Non, rien, laisse tomber. »
Je ne réponds pas et me retourne. Je décide donc de l’ignorer. Ce n’est pas compliqué.
Le lundi matin, dans le bus, il reste devant, comme toujours. Je ne m’approche pas, je reste le nez dans mon livre.
Pendant le cours, je suis à côté de lui (heureusement que ce n’est pas ça dans tous les cours...) mais pas un mot n’est échangé. Nous nous concentrons sur ce que dit le prof. Au moins, il ne me dérange pas pendant le cours.
Á la récréation, Nina vient (encore) vers moi et s’exclame joyeusement :
« Alors, tu viens discuter avec moi Laura ?
- Non. »
Je ne lui jette même pas un regard. Qu’elle aille discuter avec ses amis et me laisse une bonne fois pour toute !
« Laura, j’aurais vraiment voulu te connaître avant que tu deviennes si méchante. »
Nina s’en va. Ses paroles m’ont blessées, mais je n’ai eu que ce que je méritais. Je ne sens même pas la larme qui glisse sur ma joue, mais lorsqu’elle tombe sur mon livre, je l’essuie rapidement.
Je continue ma lecture et rien ne vient plus me déranger.
Le soir arrive rapidement et nous sortons du lycée. J’arrive vers l’arrêt, Pauline y est aussi, accompagnée par ses idiotes d’amies. Elle me regarde en souriant (mais je qualifierais plutôt son sourire de rictus machiavélique). Elles s’approchent de moi et Pauline déclare :
« Alors, toujours toute seule ? Tu sais qu’on dit que c’est triste de mourir seule.
- Mieux vaut être seule que mal accompagnée, répliqué-je.
- Qu’est-ce que tu insinues ?
- Que jamais dans ma vie je n’avais vu pareille garce.
- Oui, je sais, je me débrouille plutôt bien, j’aime bien ce rôle de la méchante. Mais dans ce cas, tu me laisseras faire ça. »
Elle prend mon livre et arrache une page.
« Catastrophe, dis-je ironique, je connais ce livre par cœur.
- Tu m’as fait passer pour une idiote devant toue la classe !
- Ça n'a pas été très compliqué.
- C’est ça, moque toi. Mais sache que je vais me venger.
- Alors tiens, je te donne mon livre tout de suite. Fais mumuse avec.
- C’est très gentil, ironise-t-elle, merci. »
Chapitre 8
Elle prend mon livre et le jette dans une flaque. Quelle andouille...
Lorsqu’elle part, je reprends ma page mouillée qui se désintègre dans ma main. Je soupire et vais chercher le livre dans lequel elle se trouvait. Lui aussi et dans cet état. Alors que j’allais le prendre, quelqu’un le saisit lentement. Je me relève. Grégory me tend mon livre trempé.
« Je suis désolé, elle n’avait pas le droit de faire ça.
- Non, je l’avais cherché, répondis-je l’air las, c’est de ma faute.
- Même si tu l’avais cherché, elle n’aurait pas dû faire ça. »
Je le remercie du regard et pars me rasseoir.
Le lendemain, Pauline passe sans même faire attention à moi, que peut-elle bien manigancer ? De toute façon, si elle ne m’embête plus, tant mieux !
En cours cette peste se place à côté de Grégory, donc je suis seule devant à la place qu’elle occupait avant.
Je les entends discuter jusqu’ici ! Et elle n’arrête pas de rire bêtement, ce qu’elle m’agace tellement que j’ai envie de me lever pour l’étrangler !
Bon, tant pis, de toute façon je discute autant avec Grégory qu’avec Pauline donc ça ne me changera pas beaucoup.
Les jours passent et le mois d’octobre arrive rapidement. Entre temps, j’ai réussis à ne me faire aucun ami (super me direz vous). Pauline ne m’embête plus, elle est trop occupée à draguer Grégory pour ça. D’ailleurs, lui qui ne voulait plus aucun ami, maintenant, il traîne avec les mecs cools de la classe et leurs amies, les filles sexy et débiles. Super groupe... J’avoue être un peu déçue, je le pensais plus malin. Enfin, ça ne me dérange pas plus que ça car de toute façon, on ne se parlait déjà quasiment jamais. Mais...pour une fois qu’il y avait quelqu’un comme moi et dans ma classe...
Trêve de sentiments, je me concentre sur mes études. Et d’ailleurs, aux contrôles, j’ai presque toujours la note la plus haute. Je vais avoir une super moyenne ce trimestre ! Je suis trop contente ! J’ai travaillé encore plus dur que d’habitude pour oublier Pauline. Par conséquent, j’ai de bien meilleures notes qu’avant. Personne n’aura jamais vu de pareilles notes au lycée ! Mes parents seront fiers de moi, j’en suis sûre (même si ma mère dit toujours que quoi que je fasse, elle sera toujours fière de moi).
Nous sommes mercredi, le premier mercredi de novembre. Il fait frais dehors donc je sors en gilet avec un foulard pour couvrir mon cou. Je me rends à l’arrêt de bus et une fois montée dans le véhicule, je constate que Grégory n’est pas là, il est sûrement tombé malade (la dernière fois que l’on a eu sport, il faisait froid et il y avait du vent, or les garçons avaient trouvé intelligent de sortir jouer au foot en t-shirt. C’est malin un garçon, non ?
Une fois au lycée, je me rends vite compte que le sujet du jour est « où est Grégory ? Qu’a-t-il ? ». Si j’étais malade, je ne suis pas sûre que qui que ce soit s’en rende compte...pas même Pauline, la peste de service. D’ailleurs, elle va vers tout le monde pour savoir qui a de ses nouvelles.
Á peine trois minutes avant que la sonnerie ne retentisse, je sens mon portable vibrer contre ma jambe. Je le prends et regarde. Numéro Inconnu... Je regarde le message :
« C’est Grégory, tu peux m’apporter les devoirs ?
- Tu ne demandes pas à Pauline, lui demandé-je.
- Non, elle ne sait pas prendre un cours correctement, et puis elle ne fait que discuter avec moi c’est l’horreur.
- Mon pauvre...bon ça marche. T’es chez Mike de toute façon, non ?
- Ouais. »
Je ne réponds pas, la flemme, et puis je n’ai pas envie de taper de message non plus. Oh non, je ne vais pas pouvoir prendre mes cours en sténo, ça me gonfle, en plus c’est sûr que Pauline va vouloir les devoirs de son bien aimé pour les rapporter chez lui elle-même. Je n’ai pas envie de faire d’effort pour lui...
En cours, quand le prof demande qui prend les devoirs pour Grégory, je lève la main et constate que Pauline aussi (tiens, comme c’est bizarre, je ne m’y attendais pas). La prof nous regarde toute deux et soupire :
« Pauline, je ne suis pas aveugle, depuis le début de l’année, tu ne fais rien dans mon cours, je ne sais même pas si tu as copié la leçon d’aujourd’hui. Laura, c’est toi qui lui apporteras tes feuilles. »
Je baisse la tête et souris pour la première fois de l’année : je jubile, comme c’est drôle de voir cette fille ridiculisée devant la classe ! Enfin elle a ce qu’elle mérite ! Elle a l’air dégoûté, c’est très amusant (je sais que ce n’est pas gentil de se moquer du malheur des autres, mais vous ne la connaissez pas comme je la connais : la pauvre, pour exister, se sent obligée de détruire la réputation des autres filles de la classe et elle sait très bien s’y prendre...c’est même la seule chose qu’elle sait faire).
Á la fin du cours, je vais donc à mon arrêt de bus. Et là, sur qui je tombe ? Pauline, super...
« Alors, commence-t-elle, contente de pouvoir amener ses devoirs à Grégory ?
- Super même, ironisé-je, je vais devoir rester plus longtemps dans le bus, aller dans la chambre de quelqu’un de malade puis repartir à pied chez moi parce que je n’ai pas pris assez pour me payer un trajet de bus supplémentaire...je suis au comble de la joie.
- Alors pourquoi tu ne m’as pas laissé faire ?
- Parce que j’ai beau ne pas aimer Grégory, je préfère qu’il ait des cours qui veulent dire quelque chose. »
Elle ne trouve rien à redire (et de toute façon, elle n’avait rien à redire). Mon bus arrive, je la laisse donc plantée là et monte.
Une fois arrivée devant chez Grégory, je sonne. Comme je stresse, ça fait si longtemps que je n’étais pas venue ici, et je n’ai aucune envie de tomber sur Mike.
Chapitre 9 :
C’est la mère de Mike qui m’ouvre (ouf !), elle est étonnée de me voir car depuis un an, je n’ai pas donné de nouvelle. Elle m’invite à boire quelque chose, mais je décline poliment son offre et lui raconte le but de ma visite.
« Ah, c’est vrai, Grégory et toi êtes tous deux en L. J’espère que vous vous entendez bien.
- Et savez-vous où je peux le trouver ?
- Il est dans sa chambre. Il lisait quand je suis allé le voir pour la dernière fois.
- D’accord, merci.
- C’est la dernière porte au fond.
- Merci madame. »
Je prends les devoirs de Grégory et les leçons qu’il a manqué puis me rend dans la pièce indiquée. Je toque...pas de réponse. Il a sûrement mis des écouteurs.
J’entre et le vois, un livre entre les mains, endormi. J’avais oublié à quel point c’était mignon de voir quelqu’un dormir. Je souris et pose mes affaires sur son bureau avant de m’éclipser à pas de loup. Je reviens dans la cuisine. La mère de Mike y est toujours. Je la salue et m’apprête à partir quand j’entends des pas. Je me retourne et vois Grégory, il est pâle et a une main posée sur le mur, il semble avoir du mal à tenir debout. Il me couve du regard avant de lâcher :
« Je savais que tu viendrais...merci Laura.
- De...de rien. »
Je pars et sens son regard posé sur moi me suivre jusqu’à l’extérieur.
Quelle est cette sensation que je ressens soudainement ? De la joie ? De l’affection ? Non, ce n’est pas exactement ça, c’est un peu différent...je ne saurais mettre un mot dessus, je me sens heureuse de l’avoir aidé, je suis contente qu’il m’ait sourit J’ai retrouvé ce sentiment que je croyais effacé, ce sentiment que l’on ressent quand quelqu’un nous remercie de l’avoir aidé, une sorte de fierté mêlé à de la joie. Pour une fois que je suis heureuse d’aider quelqu’un... Je ne pensais pas revivre ça un jour (déjà aider quelqu’un je ne pensais pas revivre ça donc vous imaginez qu’en être contente ne m’effleurait même pas l’esprit).
Je rentre chez moi à pied, et comme il pleut, ça me rend grincheuse. Je n’aime pas la pluie...bon, après, je ne suis pas comme toutes ces filles qui, quand la pluie arrive s’exclame « Je boucle ! Je boucle ! » et qui, deux jours après, disent « Comment qu’j’aimerais trop avoir les cheveux bouclés ! » (avec un accent très bête vous voyez, genre la fille qui n’a que ça à faire de sa vie de penser à ses cheveux). Donc je rentre chez moi rapidement et je décide d’aller à mon bureau écrire.
Là, je compose un poème. Un petit poème plutôt joli (mais ça, ce n’est que mon avis). Je fais tomber mon crayon rose derrière mon bureau...zut ! Bon, ce n’est pas grave, je le récupérerai quand j’en aurai besoin.
Je me couche, encore intriguée par tout ce qui me revient...tous ces sentiments : l’amitié, la joie, la sincérité, la gentillesse, la fierté que l’on ressent lorsque l’on aide quelqu’un (qui est un peu différente à mon sens de celle que l’on éprouve lorsque l’on a une bonne note)...je sais ce que vous pensez, mais non, je ne l’aime pas, et je ne l’aimerai jamais. L’amour, c’est inutile, ça vous détourne de vos études et à la fin, ça vous rend malheureuse au point que vous souhaiteriez en mourir.
Enfin bref, le jour suivant, Pauline vient vers moi. C’est fou quand même, j’ai l’impression de voir une collégienne pourrie gâtée alors que toutes deux nous avons dix-sept ans.
« Alors, comment c’était chez Grégory ?
- Ben...comment veux-tu que ce soit ? Il était malade, je ne suis pas restée longtemps.
- Tu n’es même pas allé le voir ?
- Juste pour lui donner les affaires dont il aurait besoin. Je suis partie juste après.
- Il t’a remercié ?
- Oui, comme tous les gens polis auraient fait.
- Tu ne lui as pas parlé ?
- Presque pas, non.
- Tu n’as vraiment pas de cœur.
- Merci, j’en prends bonne note. »
Elle s’en va sans un mot de plus. La garce...
Chapitre 10 :
Enfin, je ne dois pas y penser, sinon ses mots risqueraient de me blesser...non en fait, même si j’y faisais attention ça ne me ferait rien. Je crois que je préfère encore un hamster à Pauline. Un animal a tellement plus de conversation...
Et voilà, la journée passe, personne ne m’adresse la parole, Nina me lance quelques regards de temps en temps que j’évite de croiser, faisant semblant de lire mon livre.
Le lundi suivant, Grégory est de retour au lycée. Pauline s’empresse de le serrer dans ses bras. Les profs avaient décidé qu’il était préférable que Grégory rattrape les cours sur internet et ils lui ont envoyé sur sa messagerie du lycée. Je ne savais même pas que c’était possible, on en apprend tous les jours décidément.
En récréation, il vient vers moi, je suis assise sur un banc, tranquille.
« Salut, je voulais te remercier pour les cours.
- Hum, ouais, ouais. De rien. »
Il s’en va. Tant mieux.
En cours, le prof nous apprend que nous aurons un voyage à Paris d’ici deux semaines et qu’il faut ramener trois euros. Comme ce n’est qu’une journée, ce n’est pas cher et le lycée prend la quasi-totalité du coût en charge. Je déteste Paris, en fait, je déteste bouger. Au moins, il fait beau ces temps-ci, il fait d’ailleurs chaud pour la saison.
Tous les élèves ont ramené l’argent dès le lendemain. Ils ont tous l’air ravi d’aller à Paris, je suis sûre que Pauline se voit déjà sur le pont des arts en train d’embrasser Grégory. Faut dire, il est quand même le beau mec un peu mystérieux et sportif. Les deux parlent souvent, mais ça se voit qu’il ne lui porte absolument aucune attention. La pauvre croit vraiment qu’il l’aime autant qu’elle l’aime. C’est pathétique de voir à quel point ses tentatives de drague sont flagrantes : si au moins elle était discrète, qu’elle n’essayait pas de rire bêtement à chaque chose qu’il dit, là peut-être qu’elle aurait une chance. Mais son caractère est changeant, c’est horrible. Grégory l’a sûrement déjà compris, il a dû bien rigoler quand elle a commencé essayer de sortir avec lui.
Bref, nous irons donc à Paris dans deux semaines, super...j’ai hâte (ironie, d’accord ?)... L’emploi du temps de la journée est d’ailleurs pourri : visite à l’assemble nationale, puis nous irons assister à une émission de radio l’après-midi (mais pas un truc sympa, une radio d’info) et nous irons voir la Tour Eiffel, le pont des arts (super...) et nous rentrerons ensuite.
Pauline est très, très, très heureuse. Elle me regarde avec un grand sourire. Je ne comprends pas très bien pourquoi...
En sortant, elle m’attrape par le bras et dit avec son air idiot :
« Alors, tu comptes venir à Paris...
- Non, j’ai donné l’argent mais c’est mon frère qui ira à ma place.
- Ah bon ?
- Mais elle est con celle-là ! Bien sûr que j’y vais, je n’ai même pas de frère !
- Tu me le paieras
- J’ai hâte de voir ça. Tu comptes faire quoi, me frapper ? Bon, tu m’excuseras, mais je dois y aller. »
Je pars sans même lui laisser le temps de répondre. Pff, quelle nouille, en fait, je crois qu’elle pense que j’aime Grégory et que c’est pour cela qu’elle se rapproche de lui ces temps-ci. Décidément, les humains jouent avec les sentiments des autres, c’est un truc de fou.
Le lendemain, super, on a philo (je...c’est de l’ironie, d’accord ?). Nous sommes toujours sur les sentiments, et les élèves ont défini l’amour. Pour eux, c’est quelque chose de merveilleux et patati et patata, que des élèves ridicules.
« Un dernier élève pour définir l’amour ? »
En entendant le prof, je baisse les yeux (comme s’il allait se dire « Elle baisse les yeux, malheur ! Je ne peux pas l’interroger ! »). Je vois Pauline lever la main.
« Oui, vas-y. »
Et là, je vous jure que c’était épique : elle plonge son regard dans celui de Grégory et déclare :
« L’amour véritable, c’est d’aimer quelqu’un pour ce qu’il est, Spinoza définit l’amour en disant que ce n’est autre que la joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure (ce que le prof venait de dire).
- Très bien. Quelqu’un d’autre ? »
Il demande ça comme s’il n’avait pas vu le regard de Pauline posé sur Grégory. D’ailleurs, ce dernier lève la main.
« Bien, dis-nous ce qu’est pour toi l’amour, jeune homme. »
Grégory imite Pauline en plongeant ses yeux dans ceux de l’adolescente et, comme une réponse à la déclaration qu’elle venait de lui faire, il dit tout haut :