[Prendre la Géogemme]

Après avoir envoyé Sofian au Belvédère, Vesna Natura se demanda si elle avait fait le bon choix. En envoyant l'agent d'Eve vers la Géogemme, elle fixait définitivement son destin en tant que perdante. Elle ne savait absolument pas ce qui lui arriverait ensuite, mais elle se doutait bien que ça n'allait pas être plaisant. Peut-être risquait-elle même de disparaître, mais après tout, même la mort semblait plus alléchante que cette vie morne et inintéressante ; si Eve voulait tant que ça gagner à ce jeu stupide, soit.

Elyess et Liselsia affrontaient encore Gaïa, le titan d'Avalon. Un petit sourire se dessina sur les lèvres de l'Impératrice. Pour l’œil commun, on aurait dit deux guerriers se battant vaillamment contre un monstre colossal, cependant, Vesna le voyait bien. Leur mouvement était cryptés, toujours les mêmes techniques, exécutées de la même manière.

– Comme tous les autres...

Et cela, Vesna n'en pouvait plus. Mis à part Eve Vylnamore, toutes autres êtres « vivants » d'Avalon réagissaient selon un programme très précis, ces deux-là par exemple. Elyess était programmé pour être cynique et toujours réprimander sa sœur, et pour sa part Liselsia ne faisait preuve d'aucun réserve, impulsive à souhait.

Même les deux nations n'étaient que chimère, Eve Vylnamore était une férue de technologie alors elle avait façonné Nasachi selon sa volonté , de même que pour ses sujets, vu qu'elle était petite, elle les avait modelés à son image.
Vesna Natura avait fait de même bien entendu, mais pas par choix, parce qu'elle y était obligée. Tout ça selon les caprices d'un dieu espiègle. Ridicule. L'impératrice de l'empire fantôme maudissait sa destinée, pourquoi avait-il fallu qu'elle naisse ici ? Sa « sœur » aurait bien pu se débrouiller toute seule, elle qui aimait tant ce jeu abject. Cependant, le Dieu d'Avalon – dans un autre de ses caprices – voulait absolument voir deux entités s'affronter.

L'impératrice redirigea son regard vers le combat titanesque. N'importe qui aurait pu être impressionné de voir ces deux petits êtres entourés l'un d'un feu vengeur et l'autre d'une tornade dévastatrice affronter bestialement une montagne mouvante. Mais pas elle. Elle n'était que lasse de toute cette mascarade.

Soudainement, le Belvédère brilla légèrement, et dans une traînée nébuleuse, un jeune homme brun apparu au pied de la tour. Il tenait une gemme éblouissante. Vesna sourit tristement. Voilà, tout été terminé, elle avait perdu. Elle était enfin libérée. D'un geste de spectre, elle réduit son golem colossale en poussière, au grand étonnement des deux guerriers. Ce monde était ainsi fait, d'un simple geste, tout pouvait être anéanti.

***

– Mais puisque je te dis que c'est moi qui l'ai achevé !
– Tss, avec tes coups de brutes sans cervelle ? Impossible. Je frappais certes moins forts, mais je visais ces points faibles moi, et pas sa cuirasse impénétrable comme certaine...
– Rien n'est impénétrable pour ma grosse épée !
– …. si tu pouvais éviter se genre de formulation...
– C'est sûr que toi, tu ne peux pas en dire autant !
– Ahem ! tonna une voix autoritaire.

Dans la salle du trône du palais de Nasachi, Eve Vylnamore commençait légèrement à perdre patiente. Cela faisait maintenant une bonne demi-heure que Liselsia et Elyess se disputaient afin de savoir de qui avait donné le coup de grâce au titan. Sans bien sûr savoir qu'il était parti de lui même, sous la volonté de Vesna.
Cependant, le regard blasé de la petite reine s'illumina bien vite lorsqu'elle posait les yeux sur la magnifique Géogemme que lui avait généreusement offert Sofian.
D'ailleurs, ce dernier était un peu plus sombre dernièrement, évitant de regarder quiconque en face.

– Enfin, elle est en ma possession, souffla Eve avec convoitise, mon billet gagnant...

Reprenant un peu de sa contenance, Eve Vylnamore tenta d'effacer son regard gourmand et se concentra plus sur ses sujets.

– Je suis fière de vous ! Grâce à vos efforts, notre bon royaume possède enfin la clef de la victoire ! L'Empire Iokoï ne sera bientôt qu'un vague souvenir !
– … mais on pourra toujours se battre avec eux, hein ? s'avança Liselsia avec inquiétude.

Un petit rictus marqua légèrement le visage de la reine.

– Crois moi, tu ne t'en préoccuperas bientôt plus.
– Mmh ?
– Quand à toi, Sofian Aaken, habitant de l'autre monde, je ne te remercierai jamais assez pour ton aide. Sans toi, le Belvédère me serait resté fermé pour l'éternité.

Sofian acquiesça, sans vraiment le penser ; la tête encore remplie d'interrogations et surtout, le sourire carnassier de la petite reine était encore gravé en lui. Voyant le changement d'attitude du brun, Eve congédier le frère et la sœur Blauenarcht, se retrouvant ainsi seule avec Sofian.

– …. tout ça n'est qu'un jeu ? lâcha finalement ce dernier.

Eve soupira longuement en secouant la tête.

– Je vois que ce dieu bavard a encore fait des siennes, tu n'étais pas censé être au courant de ces détails.
– Alors c'est vrai..., Liselsia et Elyess, ce ne sont que des personnages créés de toutes pièces.
– Exactement, je les ai créés, ainsi que ce royaume tout entier. Plutôt réaliste, hein ? Je dois avouer être plutôt fière de moi !
– … que va t-il se passer maintenant que vous avez « gagné le jeu » ? Avalon va disparaître ? Dans quel but ?
– Tu poses beaucoup de questions, mais soit. Avant tout, tu dois savoir en quoi consistait exactement le jeu. En substance c'est assez simple, moi, Eve Vylnamore, devait battre Vesna Natura, dans cette espèce de simulation de civilisation géante. Plutôt grisant non ? En tant que « joueuse » je peux tout faire ! Créer des bâtiments, des nouvelles technologies, même des êtres vivants, et tout cela, à volonté ! Je comprends pourquoi les dieux sont aussi orgueilleux, c'est tellement grisant, cette sensation de toute-puissance !
– …
– Enfin, je m'emporte, se calma la petite reine. Le problème, c'est que Vesna n'a jamais voulu jouer au jeu et n'a jamais rien fait pour tenter de me surpasser. Résultat, je devenais de plus en plus forte, alors qu'elle, elle stagnait. Nous en sommes donc arrivé au point critique, je devais me rendre au Belvédére, un endroit où seul ceux qui ne sont pas de ce monde peuvent ouvrir l'accès, et en retirer la Géogemme qui me conféra le surplus de pouvoir suffisant pour gagner définitivement l'avantage.
– Ça ne répond en rien à mes questions...
– J'y viens ! grogna Eve. Vient donc maintenant le sujet de la « récompense » promis au vainqueur. C'est ce qui t'intéresse non ? Hé bien c'est tout aussi simple, en tant que gagnante de l'ancien jeu, j'ai un avantage considérable sur le second.
– … ce qui veut dire ?

Le sourit d'Eve s’élargit.

– Il a du te le dire, n'est-ce pas ? Il y a une suite a Avalon, tu peux l'appeler Avalon II si tu veux, qu'importe. C'est autre jeu bien plus intéressant que celui-ci...
– Cesse de tourner autour du pot ! s'ernerva Sofian
– Ouh ! souffla Eve. Tout doux ! Tu n'as pas compris qui été le plus fort tout à l'heure ?
– … ! se figea le brun.
– Voilà, j'aime mieux ça, pouffa la petite reine. Concernant cette « suite » donc, avant tout je souhaiterais éclaircir un point : Avalon ne disparaîtra pas. Du moins, pas tout à fait. Il va fusionner et changer. Et c'est de cette fusion que résultera « Avalon II ».
– Fusionner ? … avec quoi? ou qui ?
– Haha, effectivement, on fusionne rarement tout seul ! Tu poses les bonnes questions petit, j'aime ça. Malheureusement, je ne peux pas t'en dire plus.
– Qu... !

Eve Vylnamore se leva brusquement, le regard condescendant.

– Ah, deux choses. Merci pour ton aide. Et profite bien du temps qui te reste.

Eve adressa un Sofian un sourire diablement angélique, avant de claquer des doigts. Et aussitôt une colonne de lumière irisée enveloppa le voyageur des dimensions.

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Lundi 8 février
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Ce début de semaine était frais et silencieux. Encore vêtu comme la veille – puisqu'il n'arrivait plus à dormir –, Sofian observait le ciel de sa modeste véranda. Il n'arrivait pas à digérer tous les événements précédents, trop de mystères s'accumulaient simultanément dans sa tête.
Qu'avait-il fait exactement ? Il avait simplement remis une gemme magique à une reine d'un autre monde. Assez irrationnel formulé comme cela.
Le brun soupira, sans lâcher des yeux la voûte céleste. Avait-il vraiment fait le bon choix ? Ou une terrible erreur ? Qui pouvait le dire ? Et la question à mille points ; ces actions de la veille étaient-elles responsables de l'énorme cercle noir surplombant les nébulosités de Mérouville ?