[ Rendre visite à Rosalie Koratta ]
Sofian ne pensait pas un jour retourner de lui-même aux égouts, juste pour le plaisir. D'un autre côté, égouts et plaisir se mariaient en général assez mal. Cependant, malgré la puanteur et l'immondice des lieux, il s'agissait du repère de Rosalie Koratta, une étrange femme se faisant passer pour un homme, et qui en plus prenait un Grotadmorv géant pour son père.
Le première fois que Sofian avait arpenté ces lieux infects, c'était à la poursuite d'un Rattata, le petit rongeur ayant chaparder la fameuse « Chupa Chups » d'Ilyana Manyula.
En y repensant, Sofian avait trouvé la réaction d'Ilyana extrêmement ridicule. Qui pouvait bien entrer dans un tel état de rage suite au vol d'une simple sucrerie ? Sauf que cette « Chupa Chups » n'était pas qu'une simple sucrerie justement. Il s'agissait ni plus du moins du dernier cadeau de son frère aujourd'hui évanoui dans la nature. Plus qu'un amas de glucose, c'était un trésor inestimable aux yeux Ilyana.
Sofian se sentait un peu stupide de l'avoir jugée trop vite, comme quoi, les apparences pouvaient être bien trompeuses.
– Yo !
Sofian arriva finalement dans la « chambre » de Rosalie, si l'on pouvait appeler cette hideuse pièce ainsi. Cette dernière, assise derrière un bureaux moisie, se retourna vers lui, étonnée.
– … un visiteur ?
Sofian grimaça de dégoût malgré lui. Le « Suzerain » des égouts étaient décidément toujours aussi impropre avec ses guenilles digne de Miss Clocharde.
– Attendez, vous êtes déjà venu ici vous ! se souvint Rosalie. Vous êtes... le type qui a violé mon père !
– NAON ! hurla Sofian. Et vous saviez que ce n'était pas ça !!
De douloureux souvenir envahirent brusquement le brun, des souvenirs qu'il aurait voulu oublier...
La dernière fois, Ilyana avait avalé un bonbon expérimental ayant pour effet secondaire de la faire revenir en enfance. Oui c'était étrange mais à force Sofian avait commencer à se faire à tous ces événements sans queue ni tête. Et donc, pour la soigner, Sofian et Miya avaient dû récupérer des ingrédients, comme de la morve de Grotadmorv. Sofian faillit vomir en se revoyant insérer profondément sa main dans le corps de la créature, pendant que cette dernière poussait des gémissements suspect...
– Ah non ! fronça Rosalie des sourcils. Assumez vos responsabilités ! Depuis que tu as fait « ça », mon père ne cesse de parler de toi en rougissant !
– … s'il te plaît, plus de détails..., geignit un Sofian qui regrettait sérieusement d'être venu.
– Mouais, du coup, j'imagine que tu n'es pas là pour signer le contrat de mariage !
– Je crois que je vais rentrer...
– Hé non ! paniqua Rosalie. Je plaisantais ! Reste, c'est tellement rare que j'aie de la visite !
– Tu plaisantais réellement ? plissa des yeux un Sofian soupçonneux.
Petit moment de flottement. Rosalie sourit faiblement.
– …. dis toi que si l'envie te prends de te marier avec mon père, le contrat est déjà prêt... !
– Rappelle moi de ne plus jamais remettre les pieds ici.
– Rhoo ! Je ne vois pas ce qui te déplaît tant, il est sympa ! Et en plus je pourrais être ton beau-fils !
– … peut-on parler d'autre chose... ?
Rosalie soupira, constatant que son plan matrimonial connaissait quelques accrocs.
– Dommage ! Mais parler d'autres choses ? Je ne sais pas, il ne se passe pas grand chose ici. Ah si ! Il n'y a pas longtemps, j'ai confondu un Tadmorv avec de la gélatine ! Faut dire que j'avais sacrément la dalle... Je ne te raconte pas comment j'ai dégueulé après !
– … euh... autre chose... ?
– Quoi, ça ne t'intéresse pas ? C'était super marrant pourtant !
Sofian leva les yeux aux ciels, blasé, mais néanmoins soulagé. Rosalie n'avait pas changé, toujours dans son délire et surtout, elle n'avait pas parlé du « cercle ». Peut-être qu'elle n'était même pas au courant d'ailleurs, vu qu'elle passait le plus clair de son temps sous la surface.
– Mmh, réfléchit le Suzerain des égouts. Mais j'y pense, tu dois être sacrément déboussolé pour revenir ici ! Ce n'est pas vraiment un endroit où les personnes saines d'esprits passent leur temps normalement !
– Heureux que tu en soit consciente !
– Conscient ! grommela Rosalie. Je suis un homme, donc pas d'accord, d'accord ?!
Soudainement Rosalie s'illumina, comme si elle venait d'avoir l'idée du millénaire. Elle se dirigea vivement un gros tuyau d’égout désaffecté qui lui servait d'étagère et en sorti un petit coffret étonnamment propre, munie d'une serrure à code.
– Je sais ! s'exclama t-il. Si tu t'ennuies, que dirais-tu d'une petite énigme ?
– Une... énigme ?
– Huhu, tu dois savoir que le Suzerain des égouts est très friand de ce genre d'exercices ! N'as tu pas résolu moult énigmes la première fois ?
– Ah oui, effectivement ! se souvint Sofian.
– Dans ce cas ! sourit joyeusement Rosalie.
Tout-à-coup, Rosalie s'éloigna de Sofian, et l'expression brusquement dramatiquement sérieuse, elle poursuivit exagérément.
– Ahem ! Ceci est ta dernière épreuve, toi, héros envahissant l'aaaantre du Suzerain des égouts. Réussis-là , et je reconnaîtrai ta puissance. Voici une série de nombres, retiens-les bien : 33 ; 17 ; 65 ; 47 ; 50 ; 21. Sans effectuer aucune addition, multiplication, division, ou autre opération de ce genre, déchiffre s'y le code secret à six caractères ! Cette combinaison secrète sera celle permettant d'ouvrir ce coffre légendaire. Allez, à ton tour héros de la lumière ! Fais chauffer tes neurones !
– Une combinaison à trouver, hein ? réfléchit Sofian. Un code à six caractères, et une série de six nombres pour indice, il doit forcément avoir un lien...
/!\ Note de l'auteur : La réponse se trouve sous ce spoil, si vous avez la flemme de réfléchir, précipitez-vous dessus ! Pour les autres, si vous voulez jouer le jeu il vous servira à vérifier votre raisonnement ! /!\
Spoiler - Révéler
– Ah ! sourit Sofian. La réponse est évidente, elle est dans la série de six nombres. En réalité, le premier chiffre du nombre est à séparer du second. On obtient donc les duo : 3 et 1 ; 1 et 7 ; 6 et 5 ; 4 et 7 ; 5 et 0 ; 2 et 1.
Comme ça, ça ne veut rien dire, mais on constate après réflexion que le premier chiffre de chaque duo peuvent se suivre, 3 ; 1 ; 6; 4 ; 5 ; 2 ou dans l'ordre, 1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6.
Ces chiffres sont une indication d'ordre, « 1 » signifie « premièrement », donc dans le duo « 1 et 7 », il faut comprendre « premièrement 7 », et ainsi de suite. Si l'on traduit donc la série « 33 ; 17 ; 65 ; 47, 50 ; 21 » en entier, on obtiens donc :
« Troisièmement 3, premièrement 7, sixièmement 5, quatrièmement 7, cinquièmement 0, deuxièmement 1 ». Ce qui nous donne ainsi le code : 713705.
Rosalie écarquilla les yeux, sincèrement stupéfiée.
– … tu es sûr que tu ne veux pas épouser mon père ?!
– …
– Haha ! je plaisante... à moitié, finit-elle néanmoins par marmonner. C'est exactement ça ! Hé bien, je ne ne pensais pas que tu la résoudrais aussi vite. Effectivement, la clef pour comprendre cette énigme était de séparer les deux chiffres de chaque nombre et de comprendre que le premier était une indication sur l'ordre du second. C'est un code simple – quoique long – à déchiffrer pour ceux qui en connaisse la méthode, mais incompréhensible pour les autres. Note que ça marche aussi avec des lettres ; il suffit de remplacer les nombres par un duo de lettre, tant que le mot que l'on veut crypter ne possède pas plus de 26 lettres, ça marche ! C'est un moyen très efficace pour s'envoyer des messages sans risque.
Rosalie sourit légèrement, nostalgique.
– J'utilisais souvent cette méthode avec une ancienne amie à moi. Haha, c'était vraiment la bonne époque. Mais c'est du passé maintenant, je dois tourner la page...
A son grand étonnement, Sofian vit un éclat brillant luire dans l’œil de la maîtresse des énigmes.
– Alors ?! reprit-elle brusquement d'un ton plus dynamique. Qu'est-est-ce que tu attends ? Ouvre le coffret !
Toujours un peu surpris, Sofian composa le code sur la serrure mécanique du coffret et après des petits cliquetis, le trésor dévoila son contenu.
– Un... soleil ?
Précieusement installée sur un petit coussinet, une magnifique pierre rayonnante de mille feux en forme de soleil faillit aveugler Sofian.
– Une Pierre Soleil, pour être plus exacte, s'approcha Rosalie. D'ailleurs, tu l'as peut-être remarqué mais le code « 713705 » signifie « Soleil », si on l'inscrit sur une calculatrice et qu'on la retourne. Soleil..., elle m'appelait comme ça, aussi.
Encore une fois, la voix de Rosalie prit une étrange teinte mélancolique, presque triste.
– … merci, finit-elle par souffler. Désolé de m'être servie de toi, je voulais revoir cette pierre, mais je n'avais pas le courage de rouvrir moi-même le coffret.
– Cette pierre est si importante que ça ?
– … si elle est importante ? Haha, ce serait un euphémisme. Pour le commun des mortels, c'est n'est peut-être qu'un caillou, mais pour moi... cette pierre est primordiale.
« Comme la « Chupa Chups » d'Ilyana, ne put s'empêcher de penser Sofian.
– Tu sais, souffla Rosalie, plus une chose est heureuse et plus elle est éphémère. Alors c'est pour cela que tu dois en profiter à fond tant qu'il est encore temps, avant d'avoir des regrets. Mais surtout, une fois le bonheur disparu, tu ne dois pas vivre dans le passé, même si tu es envahi de regrets ; il y a toujours un avenir lumineux qui se cache.
Rosalie lâcha soudainement un petit ricanement.
– Hahaha ! Me voilà à dire des stupidités, je dois vraiment être fatigué !
– Non, réfléchit sérieusement Sofian. C'était très profond, au contraire...
– Ah…, sourit bienveillamment Rosalie. Décidément, tu n'es pas un type normal, pas étonnant que tu passes ton temps libre dans les égouts !
– Hé ! Qu'est-ce que ça veut dire, ça ?!
– A toi de le deviner !
Sofian resta encore quelque temps à discutailler avec le Suzerain des égouts. Étrangement, il sentait qu'il la comprenait un peu mieux désormais. Le femme se faisant passer pour un homme pouvait se montrer étonnamment sensible, qu'avait-elle bien pu vivre pour qu'elle en arrive là ? Sans doute quelque chose de particulièrement difficile.
Au bout d'un dizaine de minutes, Sofian prit congé de la femme/homme. Il avait encore des connaissances à voir...
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