Une ombre colossale se situait tout près des deux amis. Lorsqu'elle passa sous les reflets de la lune, les deux compagnons purent contempler avec horreur la réalité de la chose. C'était un gros chat au poil gras et foncé, avec de multiples plaies sur tout le corps, dont certaines qui étaient encore à vif. Il fît quelques pas vers les souriceaux, et rugit d'une force que ni l'un ni l'autre n'avaient encore vue. Il chargea en direction de la catapulte, lorsque Nyda trancha la corde qui retenait le tir. Les deux amis s'envolèrent, laissant derrière eux cette vision de cauchemar.

L'allure était tout bonnement faramineuse. Ils passèrent le trou tant convoité, et Matt pu sentir le vent violent s'engouffrer dans son poil. C'était comme une délivrance. Un pur sentiment de liberté. Mais cette agréable sensation fut de courte durée. Matt tombait, sa vitesse de chute s’agrandissant à chaque mètre parcouru. Puis, ce fut la fin. Il heurta le sol, et tout devint noir.

Il s'écoula un temps infini avant que la désagréable sensation de froid ne le réveille en sursaut.
- Ah bah enfin, Tu te réveilles. Dit calmement Nyda, une feuille trempée à la main.
- Mmmmmh... Où sommes-nous...? Demanda fébrilement Matt, encore sonné par sa chute.
- Dehors.
En effet, ils étaient à l'extérieur d'Arathi. Nyda avait traîné son compagnon à l'abri d'un buisson. Matt risqua un regard au dehors, et ce qu'il aperçut le laissa de marbre. Ils se trouvaient sur une grande colline, ornée d'une végétation assez dense. En contrebas, on pouvait apercevoir une plaine verdoyante, parcourue par un fleuve tranquille. Le soleil se reflétait dans son eau cristalline et le bruissement de la bise à travers les feuilles printanières donnait à Matt une sensation de bien-être extrême. Pour la première fois, il put toiser dignement son ami Nyda. C'était un souriceau au poil nuancé de gris, qui possédait une carrure assez intimidante. Il portait une immense épée entre les omoplates.
- Waouh ! Où tu l'as trouvée ? s'exclama Matt, stupéfait.
- A la garnison, il y a de cela deux lunes. Elle avait été abandonnée dans le caniveau.
- Quel est l'abruti qui aurait pu abandonner une telle arme ?!
- J'en sais rien.
Réciproquement, Nyda put à son tour observer Matt. Quant à lui, il était un souriceau au poil noir comme la nuit, qui portait une marque étrange à l’œil gauche. Il n'avait aucune tenue particulière, mise à part son fourreau en peau de vipère, bien attaché à sa taille.

Après un moment de repos, les deux amis décidèrent d'explorer les lieux. Ils marchèrent pendant quelques heures à travers la plaine, jusqu'à arriver à la lisière d'une forêt. Là bas, ils aperçurent un régiment de rongeurs, probablement en pleine patrouille. Le bataillon les remarqua et vint interpeller les deux étrangers.
- D'où venez-vous ? Demanda le souriceau qui devait être le capitaine de ce régiment.
- D'Arathi. Nous avons survécu à l'attaque féline. Répondit Matt.
Le capitaine le toisa d'un air interrogatif.
- D'Arathi, dîtes-vous ? Je m'excuse, mais il me semble ne pas connaître cet endroit.
- Comment ça ? Interrogea Matt.
- Ecoutez, je ne vois pas de quoi vous parlez. Tout ce que je peux vous dire, c'est que ces lieux ne sont pas sûrs. Venez, prenez une place sur Mousson à l'arrière, c'est le lièvre au poil brun. Nous allons vous amener à la capitale. Vous y serez plus en sécurité.
En effet, tous les membres du régiment chevauchaient des lièvres tous plus différents les uns que les autres. Toujours sous l'admiration de ces rongeurs, les deux amis prirent place à l'arrière du convoi. Soudain, trois félins surgirent de la forêt sans crier gare, et fonçèrent vers le bataillon.

Le premier était plutôt frêle, pas très grand, au poil roux. Mais quelle vitesse de course ! Les deux derniers devaient être jumeaux, puisqu'ils avaient exactement la même posture agressive, et tout deux un poil tricolore mélangeant gris, blanc et marron. Sans hésiter une seule seconde, Nyda sauta du dos de Mousson, dégaina son estramaçon, et le balança avec rage dans les airs, en direction du félin au poil roux, qui était assurément le plus vif des trois. La lame siffla, et trancha net la jugulaire de l'agresseur. Un râle de douleur se fît entendre, et la bête s'écroula aux pieds du guerrier. Ce fût alors au tour de Matt d'agir. Trop occupé à s'assurer que le premier prédateur était mort, Nyda ne vît pas le second arriver par derrière, en embuscade. Matt sauta à son tour de Mousson, et courut en direction de son ami. Il le poussa en dehors de la portée du félin, et reçut un méchant coup de griffe dans le dos, dont il étouffa un spasme de douleur. Ignorant sa blessure, il se releva et bondit vers son adversaire.

Comme sa précédente victime, il sauta sur la nuque du félin, mais au lieu de le tuer d'un coup précis, il se laissa aller à sa rage intérieure. il déchaîna une nuée de violentes attaques dans les cervicales du chat, ce qui eut pour effet de l'énerver de plus belle, et qui plus est, beaucoup plus intensément qu'avant. Le chat donna un coup d'échine pour tenter de faire tomber Matt, mais ce dernier tenait bon, bien qu'il manqua de glisser et de faillir à sa tâche. Dans un dernier revers de serre, il acheva le prédateur, en lui crevant les deux yeux. La bête était criblée de blessures sanglantes, mais elle était morte. Ils en avaient tué deux. Quant au dernier, il avait pris la fuite. Matt descendit du dos de son trophée, cependant il ne se sentait pas bien. Un malaise s'empara de lui, et sa vue se troubla, comme si de l'eau sombre coulait sur ses yeux. Il chancela, puis s'écroula au sol. Et tout devint noir à nouveau.