NATURE DES MANIFESTATIONS
Les manifestations représentent un degré d'existence intermédiaire entre Dieu et l'humanité. De même que l'humain est supérieur à l'animal parce qu'il possède certaines qualités que l'animal ne possède pas (celles de son âme immatérielle par exemple), de même les manifestations possèdent des qualités qui font défaut à l'homme ordinaire. Ce n'est pas une différence de degré, mais plutôt une différence d'espèce qui distingue une manifestation des autres êtres humains. Les manifestations ne sont pas simplement de grands penseurs humains ou des philosophes qui possèdent une compréhension ou une connaissance supérieure aux autres. Elles sont, par leur nature même, supérieures à ceux qui ne possèdent pas une telle capacité.
Il a été relevé ci-dessus que les êtres humains avaient une double nature : le corps physique qui se compose d'éléments et fonctionne selon les mêmes principes que le corps animal; et l'âme humaine immatérielle, rationnelle et immortelle. Les manifestations, nous enseigne Bahá'u'lláh, possèdent elles aussi ces deux natures, mais elles possèdent en plus une troisième nature propre à leur condition : la capacité de recevoir la révélation divine et de la transmettre infailliblement à l'humanité.
" Sachez que, bien qu'elles aient des degrés de perfections infinies, les saintes manifestations n'ont, d'une manière générale, que trois états. Le premier est l'état physique, le deuxième, l'état humain qui est celui de l'âme rationnelle et le troisième, celui de l'apparence divine et de la splendeur céleste.
L'état physique est contingent; il se compose d'éléments, et tout ce qui est composé est inévitablement sujet à la décomposition... Le second est l'état de l'âme rationnelle qui est la réalité humaine. Il est lui aussi contingent et, de ce point de vue, les saintes manifestations partagent le sort de toute l'humanité... L'esprit de l'homme a un commencement mais n'a pas de fin; il dure éternellement... Le troisième état est celui de l'apparence divine et de la splendeur céleste : c'est le Verbe de Dieu, la Bonté éternelle, l'Esprit saint. Il n'a ni commencement ni fin..., la réalité d'un prophète, qui est le Verbe de Dieu et l'état parfait de manifestation, n'a pas eu de commencement et n'aura pas de fin; son apparition est différente de toutes les autres et est comparable au lever du soleil."
[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 158.]
'Abdu'l-Bahá a expliqué que même l'âme individuelle de la manifestation est différente de celle de l'homme ordinaire :
" Mais la réalité individuelle des manifestations de Dieu est une réalité sainte et, pour cette raison, elle est pure et distincte de toute autre chose en ce qui concerne sa nature et sa qualité. Elle est semblable au soleil qui, en raison de sa nature même, produit de la lumière et ne peut être comparé à la lune... Ainsi, les autres réalités humaines sont ces âmes qui, tout comme la lune, prennent leur lumière du soleil; mais cette réalité sainte est lumineuse par elle-même. "
[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 161.]
La manifestation n'est donc pas simplement une personne ordinaire que Dieu a choisie à un certain moment de sa vie naturelle pour être son messager. Bien au contraire, la manifestation est un être particulier, ayant une relation unique avec Dieu et envoyée par Lui, depuis le monde spirituel, pour être l'instrument de la révélation divine. Bien que l'âme humaine de la manifestation ait pris naissance en ce monde, elle existait néanmoins dans le monde spirituel avant sa naissance physique. Les âmes immortelles des hommes ordinaires n'ont, elles, aucune préexistence semblable; elles naissent au moment de la conception. Sur la préexistence de l'âme des manifestations, Shoghi Effendi dit :
" Les prophètes, contrairement à nous, sont préexistants. L'âme du Christ existait dans le monde spirituel avant sa naissance dans ce monde. Nous ne pouvons imaginer à quoi ressemble ce monde là, et les mots ne parviennent donc pas à décrire son état en tant qu'être. "
[Nota: Shoghi Effendi, High Endeavours, Messages to Alaska, p. 71.]
La manifestation a, depuis sa tendre enfance, la conscience de sa réalité et de son identité, bien qu'elle puisse ne pas enseigner et instruire ouvertement les autres avant un âge avancé. Puisqu'elles sont les réceptacles directs de la révélation divine, les manifestations ont une connaissance absolue des réalités de la vie. Ce savoir inné, divinement révélé, leur permet seul de formuler des enseignements et des lois qui correspondent aux besoins et aux conditions de l'humanité à un moment donné de l'histoire :
" Étant donné que les saintes réalités, les suprêmes manifestations de Dieu enveloppent l'essence et les qualités des créatures, transcendent et contiennent les réalités existantes et comprennent toutes choses, leur savoir est le savoir divin et non pas un savoir acquis - c'est donc une sainte bénédiction, une révélation divine..., les suprêmes manifestations de Dieu sont conscientes de la réalité des mystères des êtres. Elles établissent par conséquent des lois qui sont adaptées et conviennent à l'état de l'humanité, car la religion est le lien essentiel qui procède de la réalité des choses..., les suprêmes manifestations de Dieu ... comprennent ce lien essentiel et, par cette connaissance, établissent la loi de Dieu. "
[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, pp. 164-165.
Ce passage fait apparaître clairement que les lois de Dieu sont inhérentes à la structure de la réalité : la manifestation comprend ces lois, mais ne les a pas créées. L'homme peut, par conséquent, découvrir certaines de ces lois par lui-même, mais les Écrits bahá'ís soulignent à d'autres endroits que l'homme se détruirait lui-même s'il n'était pas guidé (c'est-à-dire sans révélation divine) dans leurs découvertes.
Aucun homme ne peut devenir une manifestation de Dieu. Chaque âme, individuellement, est capable d'être touchée par l'Esprit de Dieu et peut, par conséquent, progresser spirituellement, comme cela a été expliqué précédemment. Mais la manifestation reste à un niveau élevé au-delà de ce que même le plus parfait des hommes est capable d'atteindre.
Pour développer l'analogie du miroir, les âmes des êtres humains ordinaires peuvent être comparées à des miroirs mais, à la différence des manifestations, ils sont imparfaits. En d'autres termes, chaque être humain peut réfléchir les attributs de Dieu, mais seulement d'une manière imparfaite et limitée. Pour l'être humain ordinaire, le progrès spirituel implique qu'il doit parfaire, purifier, polir le miroir de l'âme afin qu'il réfléchisse plus clairement encore les attributs de Dieu. Dans différents passages, Bahá'u'lláh a explicitement utilisé l'exemple de la purification du miroir en tant qu'analogie pour le progrès spirituel. Cette analogie souligne le fait que nous avons été créés imparfaits, avec toutefois un potentiel illimité pour la perfection, tandis que la manifestation est déjà un être parfait.
Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá ont enseigné qu'il n'y avait aucun autre degré d'existence consciente que les trois degrés décrits précédemment : les êtres humains, les manifestations et Dieu. Il n'y a aucune hiérarchie de démons, anges et archanges. Dans la mesure où ces termes ont une quelconque signification, ils sont considérés comme symboliques des différentes étapes du développement de l'humain, l'imperfection étant démoniaque et la spiritualité angélique. Les manifestations sont déjà dans l'état de perfection, tandis que les autres hommes sont potentiellement parfaits dans ce sens que chaque âme renferme le potentiel nécessaire pour réfléchir les attributs de son créateur. Cet ultime état de perfection pour nous, ainsi que l'explique 'Abdu'l-Bahá, est un état de servitude absolue envers Dieu :
" Sache que les différents états de l'existence sont limités aux états de servitude, de prophète et de divinité, alors que les perfections divines et contingentes sont illimitées... Et, de même que les perfections divines sont infinies, ainsi sont les perfections humaines. S'il était possible d'atteindre la limite de la perfection, l'une des réalités des êtres pourrait devenir indépendante de Dieu, et le contingent parviendrait à l'état de l'absolu. Mais il existe pour chaque être un point qu'il ne peut dépasser..., celui qui est inhérent à l'état de servitude, aussi loin qu'il puisse progresser dans l'acquisition de perfections infinies, il n'atteindra jamais l'état de divinité... Pierre ne peut pas devenir le Christ. Tout ce qu'il peut faire, dans l'état de servitude, c'est d'acquérir des perfections infinies... "
[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 235-236.]