Auteur : Bryanna
Posté le 14 juin 2017
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Leiftan - Souffrances

Les gens ne peuvent me comprendre. Personne ne connaît le mal dont je souffre. Aucun remède n'existe à mon état, et nul médecin ne saurait me soulager. Depuis ma plus tendre enfance, je vis un calvaire quotidien auquel il m'est impossible de m'habituer. Tout me ramène en permanence à cela. Privations, réveils en sursaut, rêves brisés. Tourment infâme qui refuse d'épargner mon être.


Je pense que mon entourage a oublié ma souffrance. J'ai trouvé le moyen d'éviter les regards attristés des gens devant ma situation. Jamais ils ne voient mon visage se crisper de douleur puisqu'ils fixent davantage mon ventre que le reste. Béni soit mon couturier ! Si leur regard se détache de mon ventre pendant que je me retiens d'afficher mes sentiments, il me suffit de fermer les yeux et de leur sourire avec gentillesse. La plupart du temps, cela ramène leur attention sur mes abdominaux, que je contracte un peu plus. S'ils ont eu le moindre doute quant à mon état, il s'évapore alors sur-le-champ. Pour le plus grand bonheur des fétichistes qui ne seraient pas attirés par mon ventre approchant la perfection, mes orteils sont à l'air libre. Il me suffit de les agiter, et les voilà hypnotisés par cette charmante petite danse. Dans le pire des cas, je peux toujours appuyer avec prudence ma tête sur mon bras, dans une position que tout le monde m'a déjà vu prendre. Et, doucement, sans me brusquer, je la hoche, soulignant ainsi à mon interlocuteur toute l'intention que je lui porte. Ce mouvement les apaise et ainsi l'illusion se maintient. Même le souvenir de mes plus vieux amis se trouble et ils oublient eux aussi mon fardeau quotidien.


Certains jours, je dois prendre garde. Une mauvaise nuit, un stress un peu plus intense et la douleur revient, plus forte que jamais, mon corps étant plus tendu que de coutume. Comme une armure, je revêts mon manteau. Atout charismatique selon certains, il offre surtout un rempart contre le mal. Maintenant mon être au chaud -mais exhibant toujours mes abdominaux en cas d'urgence- il me permet de tenir une journée supplémentaire. Ma coiffure que certains trouvent particulière, a aussi pour but de parer à la douleur. Tous les matins, je me peigne avec soin, de sorte que mes deux tresses aient la même taille et ainsi équilibrée, ma tête peut se maintenir le plus droit possible. Leur balancement tranquille parvient même à m'apaiser lorsque je marche ou que je dois presser le pas, appelé à effectuer une mission importante.





Hélas, lorsque je me focalise trop sur la crainte de la douleur, celle-ci devient réelle et je ne peux m'en défaire. Il m'est arrivé dans le passé de ne pouvoir faire illusion toute une journée. Alors le drame se produit, et l'embarras se saisit de mon âme. Mon torticolis se manifeste, violent, immobilisant ainsi toute une partie de mon corps.
La souffrance est indescriptible. Privé de mes capacités motrices, je ne suis plus que souffrance et honte. Incapable d'user de mon charme dans cette situation, j'ai néanmoins un allié de choix, mon Panalulu, qui s'arrange pour détourner toute l'attention de ma personne. Ses talents de distractions sont plutôt extraordinaires et il m'importe peu de devoir m'excuser par la suite, tant que l'honneur reste sauf. Cela ne doit pas se savoir. Qui m'accorderait encore sa confiance, si on savait qu'en réalité je souffre d'un handicap si lourd ?




Je ne me souviens pas avec précision du jour où tout a basculé, j'étais beaucoup trop jeune pour cela. Il semblerait que j'aie par mégarde avalé une potion d'énergie de familier, et me retrouvant alors avec une bathory sur le crâne, le poids trop lourd de la chevelure aurait endommagé ad vitam æternam mes cervicales. Heureusement, aucun témoin n'a assisté à cette scène. Certains auraient parlé de miracle, mais hélas, je n'ai donc pas pu recevoir les soins appropriés à temps. Ça n'est que lorsque je suis allé voir une infirmière quelques jours plus tard que j'ai avoué ce qu'il s'était passé. Elle fut incapable de me soigner, je ne connais la raison précise, en revanche il semblerait que ça ait un rapport avec la potion que j'avais ingurgité.
Voici pourquoi ma détermination à rejoindre la Garde d'Eel était si forte. Mon désir d'y entrer était motivé par des raisons diverses et variées, mais je me suis longtemps raccroché au rêve que là-bas on pourrait trouver un remède. Je souhaitais devenir le Chef de l'Etincelante pour pouvoir ordonner l'accélération des recherches sur les soins, cependant de façon très ironique, une fois de plus, mon torticolis m'a empêché de réaliser mes rêves. En effet, je n'ai pas pu me rendre devant les jurés le jour de ma promotion, étant cloué au lit. Pire encore, avec la destruction du Grand Cristal, mes espoirs à moi aussi ont été brisés. La douleur est désormais plus forte que jamais et je doute que nos priorités nous amènent à trouver un antidote à mon supplice.





En plus de nuire à mes capacités de combat, cette torture m'empêche également de connaître l'amour. En effet, il m'est déjà arrivé lors d'un rendez-vous amoureux nocturne, pris par un élan de romantisme de vouloir montrer à l'être aimé la beauté du ciel et des astres lancés dans leur danse éternelle et immuable. Cependant, il me fut impossible de lever la tête et de lui déclamer que mon adoration pour elle égalait l'immensité des cieux. Bien sûr, j'aurais pu m'allonger au sol et l'inviter à faire de même, mais elle aurait sans aucun doute fuit devant cette proposition quelque peu inconvenante lors d'un premier rendez-vous. Quelque peu pris au dépourvu, j'ai tenté une déclamation maladroite, comme quoi l'amour que j'éprouvais à son égard dépassait le fourmillement de la vie qui parcourait la terre sous nos pieds. Peu flattée d'être comparée aux insectes peuplant les couches souterraines de notre monde, le résultat fut le même que si je lui avais proposé de s'allonger à mes côtés : elle a tout bonnement pris ses jambes à son cou. Voilà encore quelque chose que je suis dans l'incapacité de faire.





Ma lutte continuera jusqu'à ce que la souffrance cesse. Peu m'importent les voies que je devrais emprunter pour trouver mon remède ni les personnes que je devrais manipuler afin de parvenir à mes fins. Je pense pouvoir affirmer que nous avons tous une part d'ombre en nous. Voici la mienne.

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