De part ma fenêtre
Protégée derrière les murs de ma maison, au chaud, je regarde la neige tomber. Flocon après flocon, un tapis blanc inviolé commence à se dessiner, et au fond de moi, je me demande comment quelque chose d'aussi beau peut causer autant de ravage.
Je me souviens encore de cet hiver là. Bien que trentes ans se soit écoulés entre les deux, à jamais ce souvenir restera gravé dans ma mémoire, à jamais une plaie béhante déchirera mon coeur, à jamais son visage me hantera.
Comme aujourd'hui, il avait énormément neigé, et les enfants du village étaient partis dehors jouer avec la neige. Moi, j'étais restée dans la maison. Une grippe me clouait au lit, et je regardais mon frère jouer dehors. Le rire illuminait leurs visages, et j'aurais aimé les rejoindre. Je ne sais vraiment combien de temps ils sont restés dehors... Mais ils ne sont jamais rentrés.
J'étais seule chez moi lorsque c'est arrivé. Maman était partit faire les courses en ville.
Il y eu un tremblement de terre. Personne ne s'en était inquiété car c'était courant ici. Petit village perdu dans les Pyrénées, qui s'en préoccupe ? Le tremblement de terre a déclanché une avanlanche. Une terrible avalanche qui ne fut remarquée que lorsque ce fut trop tard.
Je regardais toujours par la fenêtre, et je voyais maintenant la peur, l'horreur sur les visages des enfants. Le rire avait disparu, et de ma fenêtre, je regardais leurs corps tétanisés. La neige arrivait sur eux. A travers la cloison de ma maison, j'entendais les parents hurler à leurs enfants de rentrer s'abriter, de fuir. De faire quelque chose, mais de ne pas rester sur le chemin de la neige.
Mon frère commença à courir vers la maison, mais il avait mis trop de temps à réagir. Il le savait lui aussi, mais il espérait encore.
Jamais je n'oublierais son visage lorsqu'il compris que c'était trop tard. Comment oublier le regard d'un enfant de six ans lorsqu'il comprend qu'il va mourir ?
On ne peux pas.
Je voyais dans ses yeux la terreur et les larmes s'accumuler. Puis la neige le rafla,et je ne vis plus que le blanc. Le blanc éternel tandis que dans ma maison la neige commençait à s'accumuler. Elle entrait par la cheminée et éteignait le feu.
J'avais peur, mais j'aurais préféré mourir que de voir et revoir les yeux paniqué de mon frère, car ils me suivaient, me suppliaient, me demandaient de les aider. Et coincée dans mon lit, je ne pouvais que pleurer. Pleurer et espèrer qu'il soit encore en vie.
Puis la neige s'arrêta de dévaler la montagne. Les sauveteurs arrivèrent, et ils firent sortir les rescapés de leur maison. Il retrouvèrent les corps des enfants. Certains avaient survécu, et étaient encore tremblant de peur et de froid. Mais de mon frère ne restait qu'un corps gelé, sans vie.
Alors, je compris le danger de la neige, et je me mis à la hair de cette beauté qui faisait tomber notre méfiance.
Depuis, une terreur sans nom m'étreignait lorsque je voyais les premiers flocons de neige tomber. Et alors que tout le monde s'extasiaient devant les magnifiques paysages qui se créaient, moi je revoyais la mort de mon frère, encore et encore.
Année après année.