Posté le 1 septembre 2013
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Flamme.

Le soleil se couchait sur la plage. Une vue à couper le souffle, des couleurs profondes et l'étendue sombre et écrasante de liberté de l'océan.
Un feu de bois brûlait vivement sur le sable, de ces flammes hautes qui vous réchauffent le coeur et vous réconforte si vous n'allez pas bien. Ce soir là, ils étaient quatre autour du foyer. Quatre personnes hétéroclites, et pourtant si unies que personne ne semblait pouvoir les séparer. Quatre amis. Ils étaient heureux, leurs regards le montraient expressivement. D'un sourire plus lumineux que la lune pleine, la seule fille du groupe se blottit contre l'homme le plus proche d'elle. Pâle, mais si belle et fragile... Elle glissa ses mains autour de la taille de son amant, et il fit de même.
Respiration.
Silence.
Un air de guitare perça doucement ce dernier, et la fille, doucement, se mit à chanter.
-To make you feel alive ... Just open your eyes, open your eyes and see that life is beautiful...
Sa voix paraissait usée par le temps et rauque, malgré son jeune âge. Elle sourit à nouveau. Les chansons se suivirent, celles qui avaient bercé leurs vies à chacun, celles qui étaient synonymes de souvenirs, celles qui leur tenaient à coeur ; le feu diminua, la nuit se fit plus profonde et leurs voix s'éteignirent doucement. Main dans la main, les quatre amis s'étaient allongés sur la jetée, et regardaient maintenant les étoiles. Dialogue silencieux, promesses échangées, magie. Sourires. La pâleur de la fille se faisait mainteant marquante, et elle semblait avoir pris dix ans en un soir, comme une violente gifle du temps. Mais elle souriait toujours, d'un sourire maintenant faible et calme.
Assise en tailleur, elle regardait l'horizon. Le bruit des vagues, l'odeur salée et le vent marin l'apaisaient. Elle se leva soudainement et s'avança dans l'étendue miroitante, telle un fantôme. Elle se retourna et vit ses trois amis à ses côtés, qui posèrent chacun une main sur son épaule.
Une maladie peut-elle séparer des âmes si proches ? Non. Ils se regardaient, buvaient dans ces regards tout ce qu'ils pouvaient encore s'échanger.
La jeune fille tomba à genoux, et sa respiration se fit sifflante. Elle souriait toujours.
Une maladie sépare simplement les corps. Les âmes telles restent à jamais liées.
Telle un ange déchu, Claire bascula sur le côté, dans un dernier soupir rauque.
-Will you swear on your life, that no one will cry, at my funerals ? ...
Sa voix avait été murmure, et ses yeux se fermèrent. Elle mourut dans la nuit, s'éteignit avec les étoiles, le sourire aux lèvres. Mais sur la grève, Théo, Maxime et Christian laissaient maintenant leurs larmes couler, confiant leurs cris silencieux au soleil levant.

Des années avaient passé, mais Théo, Maxime et Christian étaient toujours là, sur la plage. Chaque premier août, ils le passaient ici, ensemble. En souvenir de Claire et de sa courte vie, tantôt souriant dans les souvenirs, tantôt pleurant dans l'idée de l'absence. Mais aucun regret. Ils l'avaient accompagnée jusqu'au bout, même si les médecins auraient pu la garder bien plus longtemps en vie. Acharnement thérapeutique. Mais elle ne voulait pas de cette fin-là. Elle voulait profiter de chaque instant avec sa famille, ses amis. Peu lui importait de vivre plus lontemps pour souffrir d'autant plus. Elle était perdue, son coeur ne pouvait plus la tenir en vie bien longtemps, alors autant ne pas mourir branchée à des machines, entre quatre murs. Elle avait choisi sa fin et voulait la partager avec ces trois hommes. Son amour et ses deux meilleurs amis. Et la savoir partir avec une vision heureuse était leur souhait ultime, s'ils ne pouvaient la garder à eux pour toujours. En cette nuit de recueil, ils pouvaient même sentir la présence de la jeune femme à leurs côtés. Comme avant. Pour un soir, un soir par an, ils étaient Théo, Maxime, Christian et Claire, main dans la main.

La mort sépare les corps, mais l'âme partie vit toujours au fond de chaque personne ayant partagé un instant de vie avec elle. A jamais. Et même si la flamme s'éteint doucement, l'avoir vue brûler joyeusement apaise un peu la douleur infinie de ceux qui restent. (2013, Chloé/Niwya).

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