Sur la Plaine de l'Oubli, entre les Monts de Lune, tout était calme. Pas une voix, ni une seule présence. Pas une seule ?
Si. Une silhouette se découpait dans la profonde obscurité. Elle semblait forte, mais à la foi si fragile et esseulée. Perdue. C'était une silhouette masculine, elle avançait, lentement. Désespérément. Le clair de lune faisait briller son armure, sa lame et son bouclier. Guerrier. Apeuré... Il était seul, ici, perdu. Pour toujours ?
En cette terre hostile qui avait abrité la Bataille de l'Ancien Temps, il ne lui semblait plus aucune issue. Les montagnes étaient des pics acérés qui fermaient leurs mâchoires glacées sur lui, et les Quatre Portes étaient gardées strictement par l'Ennemi. Il était à jamais prisonnier. Plus rien ne pouvait le sauver. L'once d'espoir qui brûlait dans ses veines s'éteignit, et le combattant tomba à genoux, jetant armes et défenses au sol d'un geste rageur. Fallait-il toujours que la Fortune abandonne son chemin ?
Il avait trouvé dans ce désert oublié la clé qu'il avait cherché si longtemps. Le Cristal d'Etoile, clé de la victoire, clé de l'anéantissement de cette Nuit qui n'en finissait plus. Mais à quoi bon maintenant, et comment accomplir cette quête s'il était retenu ici pour toujours ? L'aurore n'avallait donc jamais plus se lever ?
Au loin, dans le ciel, la lune se moquait, solitaire. Non, l'aube ne lèverait jamais plus son voile.
D'une voix faible, il chanta l'un de ces vieux chants des recueils oubliés :
"Lorsque la Nuit tombera
Que l'Obscuité vaincra
Les Etoiles d'Ethleïel guideront nos pas
Et l'espoir jamais ne tombera
Jamais l'aube ne faillira
Le doux soleil sur nos rêves brillera"
Alors que des larmes perlaient à ses yeux, et chassait presque toute trace de vie en lui, une faible lumière s'alluma loin dans la plaine. Puis une autre, dix autres, cent autres. Plus proches. Toutes s'avançaient. Le Guerrier leva la tête et regarda autour de lui. Des silhouettes. Ces lumières étaient des silhouettes humaines. De toutes tailles, âges et sexes. Et elles s'avançaient, d'un même pas, mues par un même but. Milles autres, cent mille autres. Il n'était plus seul, non. Emerveillé, Aethel leva les yeux vers la lune et lui sourit insolamment. Avait-il donc encore une chance ? Il semblait que les légendes mêmes s'étaient réveillées pour lui. Shëlas, Enfants des Etoiles, porteurs d'un nouvel espoir. Tous s'étaient arrêtés en cercle autour de lui. Un cercle, une flamme d'avenir.
Seule une silhouette s'avança. Aethel ne bougea pas. La Fille des Etoiles le regarda dans les yeux, perçant ses secrets et chassant ses craintes, et entama une douce mélodie :
"Thaë-nor Ezhey Ëlas Aethel Dewan Fhëh Teu" (Tu ne tomberas pas, Aethel Guerrier des Etoiles, le destin du Matin est à toi)
Elle arqua son dos et rejeta sa tête en arrière. Au même instant, aux côtés de la lune menaçante, s'allumèrent des milliers d'étoiles joyeuses, qui semblaient descendre sur la Plaine de l'Oubli. Il n'était plus seul.
Le cercle des Shëlas s'ouvrit à l'Est, et c'est là qu'Aethel posa son regard. Il ramassa son épée et son bouclier , sans quitter la Porte du Soleil Levant des yeux. Son regard brillait maintenant à nouveau, d'une flamme nouvelle et en ses veines soufflait un vent guérisseur. Il se mit en marche, d'un pas décidé. Il n'était plus seul, et jamais il ne l'avait été.
Derrière lui, un courant puissant d'espoir, l'Armée Légendaire des Etoiles, qui illuminait sa route et fixait son destin. Il passerait la Porte et chasserait la Nuit. C'était écrit.

Au loin, sur les Terres Possédées, un souffle nouveau murmura. L'Histoire était en marche. Guerrier des Etoiles. (Chloé / Niwya).