Posté le 10 mai 2014
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Shola resserra sa cape autour d'elle, et ajustait sa coiffe. Assise sur un des nombreux bancs aux abords d'Astrub, elle commençait à s'impatienter. Elle jeta deux trois coup d’œil, puis souffla. D'après ses récentes informations de source sûre, et non plus d'un vieil énutrof gâteux, le fruit de long mois de recherches devrait bientôt entrer dans son champs de vision.

Enfin, c'est ce qu'elle espérait, et redoutait aussi. Espérait depuis 7 ans, ce fol espoir qu'il n'était eut-être pas mort noyé. Redoutait depuis presque un an, lorsque ce groupe d'aventurier était passé à Murof, et où ce crâ lui avait annoncé qu'il était toujours vivant. Elle avait depuis vécu dans l'attente, son seul but étant de le retrouver.

Et maintenant qu'elle était proche du but, elle avait peur. Peur de faire face. Elle en espérait presque que ses informations soient fausses. Car que ferait-elle si elle lui faisait face ? Que se passerait-il ? Se souviendrait-il d'elle ? Lui en voudrait-il ? Ou serait-il heureux de la revoir ? Était-il lui même à sa recherche ?

Autant de questions qui pour l'instant se trouvaient sans réponses. Shola leva la tête. Le soleil semblait décliner. Depuis combien de temps attendait-elle ici, assise sur ce banc ? Elle avait arrêté de compter.

Un autre long moment passa, sans aucune trace de quiconque de suspect ou de familier. D'un brusque mouvement, de frustration ou de rage, elle se leva et se dirigea en marmonnant derrière son masque, tout en rajustant sa coiffe. Elle tourna au coin d'une rue, et percuta deux personnes. Elle recula de quelques pas sous le choc puis releva la tête.

- Vous pourriez pas faire attention ou vous marchez, les zygotos ?

- Dixit la fille qui marche pas devant soi, railla une voix.

Shola releva ma tête suspicieuse. Un jeune zobal, une quinzaine d'année à vue, et un sram en parka, qui devait avoir dix ans de plus, lui faisait face.

- Et bien je suis dééésolééée messeigneurs d'avoir osé vous percuter. Puissiez-vous a voir pitié de la pauvre zobale que je suis.

N'ayant cure de la mauvaise humeur de Shola, le jeune zobal commença à rire. Shola voulut se renfrogner, mais se figea soudain. Ce rire, cette voix. Plus grave que dans ses souvenirs, mais la même intonation. Elle pensait ne plus l'avoir entendu depuis presque sept ans…. Ne se trompait-elle pas ?

- Bah, allez, faut pas faire la tête, comme ça, mademoiselle. Tu vas avoir des rides, même si on ne pourra pas les voir, ajouta-t-il en tapotant son masque.

Shola recula d'un pas, que le zobal ne vit pas. Seul le sram sembla le remarquer, mais ne fit aucun commentaire, se contentant de plisser des yeux.

- Impossible.

- Pardon ?

Elle n'avait pu s'empêcher de parler à haute voix. Car cette voix, elle était sure de la reconnaitre. Cependant, la logique voulait que ce soit impossible.

- Impossible, répéta-t-elle. Tu es mort.

- Qui, moi ? demanda le zobal, intrigué. Non, j'ai vérifié.

Shola frissonna. Elle y était enfin. Elle l'avait retrouvé.
Elle sentit les sourcils du zonal se froncer sous son masque. Voyant qu'elle ne disait toujours rien, sous le choc, le sram haussa les épaules.

- Elle a l'air d'avoir fondu un plomb. Allez, viens, Malo, on se bouge.

Malo.
Le nom qui confirmait ce qu'elle était déjà presque à cent pour cent sure. Elle resserra sa cape autour d'elle, comme pour se donner du courage. Comment aborder la chose ? Elle ne pouvait décidément pas se présenter à l'improviste, "Salut, je suis ta sœur, ça farte depuis ta noyade y a sept ans ?", alors qu'elle ne savait même pas ce qu'il savait d'elle.

Mais elle n'avait pas le temps de tergiverser. Le sram commençait à entrainer Malo, elle ne devait pas le laisser filer.

- Hey, attends !

Super. Très original comme interjection. Elle était sûre qu'on avait fait mieux.

- Quoi ? fit le sram en levant les yeux au ciel et en s'arrêtant.

- Est-ce que… est-ce que tu connaitrais pas une Shola, par hasard ? demanda-t-elle au Zobal sans faire attention au sram.

Feindre d'être une tierce personne. Quelle belle prise de responsabilité, pensa-t-elle ironiquement. Mais elle voulait savoir. Juste savoir. Il avait bien vécu sept ans sans elle, si ça se trouvait il pouvait se passer d'elle. L'avait oublié. À cette mention son cœur se serra. Mais elle ne pouvait plus reculer.

Elle vit Malo se crisper imperceptiblement.

- Non.

Réponse sèche. Rapide. Trop rapide. Le ton de Malo avait subitement perdu toute sa chaleur et son humour, pour faire place à une voix froide et impersonnelle. Shola sentit son cœur s'accélérer.

- Menteur, risqua-t-elle d'une voix qu'elle voulait ferme.

Allons, elle allait se faire intimider par un gamin de même pas quinze ans ? … Accompagné d'un sram à l'allure douteuse et au regard d'assassin, m'enfin. Malo se dégagea sèchement et s'approcha de Shola.

- Pourquoi ?

LA question. Elle voulut répondre, se jeter à son coup, pleurer et lui avouer, mais elle ne le put pas. Cette douleur qu'elle voyait dans ses yeux, cette colère qui blanchissait ses jointures quand il serrait les poings la dissuadèrent. Elle opta pour une solution tierce. Comme toujours.

- Et bien… je la connais assez bien. Elle m'a parlé de toi, et bon, je sais qu'elle cherche son frère depuis un moment. Alors je t'ai vu, j'ai tenté ma chance.

- Elle me cherche ? répéta-t-il sur un ton acide. Elle me cherche, tu dis ?

Sa voix était devenue tranchante comme une lame de rasoir. Shola tenta de calmer ses tremblements. Il s'avança, et pointa impunément un doigt sur la gorge de Shola, accusateur.

- Alors tu lui diras ceci de ma part : OÙ était-elle, il y a sept ans, quand je suis tombé dans cette rivière ? OÙ était-elle quand je me suis réveillé, seule et presque amnésique ?

- Elle te croyait mort, balbutia Shola, la voix tremblante. Et elle ne savait pas nager...

- Elle me croyait mort, ne savait pas nager ? Parce que moi, je savais nager, peut-être ? Elle m'a abandonné, laissé pour mort, et maintenant, sept ans plus tard, elle cherche à me revoir ? Je suis désolé, mais non. Je m'en suis tiré sans elle jusque là, et je m'en suis très bien sorti.

Shola tenta de retenir les tremblements de ses membres. Chaque mot était un coup au cœur, à ses maigres espoirs, réduisant à néant tout ce pour quoi elle luttait depuis l'année dernière. Et le fait d'avoir fait croire à une tierce personne était encore pire, car Malo ne mâchait pas ses mots. Mais elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, après tout.

- Un an, deux ans, peut-être. Mais sept ans, c'est sept ans trop tard, acheva-t-il, le regard déterminé.

Elle croyait qu'elle ne pouvait pas avoir plus mal, pourtant cette phrase fut le coup fatal. Elle aurait voulu que le jugement de Malo soit erroné, mais il s'avérait juste. Trop juste. Et seule la vérité faisait mal à entendre.

Elle avait eu peur. Peur du rejet, qu'elle savait inévitable. Et en se cachant, elle avait précité la chute. Alors que Malo achevait cette dernière phrase, elle sentit quelque chose se briser en elle.

Elle avait perdu.

Perdu espoir, et ce définitivement. Il ne voulait plus d'elle, désormais.

Perdu le but qu'elle poursuivait. Qu'allait-elle faire à présent ?

Elle avait l'impression de ne plus sentir son corps, d'être en état d'apesanteur. Elle sentit vaguement les larmes rouler sur ses joues, et passa une main tremblante sur son visage, oubliant qu'elle portait son masque. Elle hésita à le soulever, puis, prise d'une rage incontrôlée, se l'arracha et le jeta au sol, ou il resta intact.

Malo recula de plusieurs pas, sur le coup de la surprise. Si Shola avait prêté attention, elle aurait vu les pupilles du zobal s'agrandir de surprise, puis de stupéfaction mêlée de terreur en reconnaissant son visage au travers de sa coiffe.

Mais Shola voyait rouge, au travers de ses larmes, et ne se rendit compte de rien. Malgré son état de fureur, ce fut d'une voix étrangement calme qu'elle parla. Calme et brisée.

- Alors c'est trop tard ?…

Elle serra les poings. Il fallait qu'il sache, même s'il n'en n'avait rien a faire. Fini de se cacher, elle en avait eu assez.

- Après que tu sois… tombé, j'ai passé presque quinze jours d’affilée à te chercher. Quinze jours à chercher sans relâche, nuit et jour, à s'en crever de faim et de soif, de sommeil et de fatigue. J'ai passé la région au peigne fin. A chercher parmi les torrents, l'eau à la taille, qui auraient pu me broyer au moindre faux pas. J'ai fallu me noyer à mon tour. Puis Sheila m'a trouvé sur le bord de la rivière. Elle m'a aidé. Je voulais toujours partir à ta recherche, mais je ne pouvais décidément pas le faire toute ma vie. Alors oui, il a fallu que je fasse mon deuil. Mais qu'aurais-tu fais, à ma place ? Pendant sept ans, j'ai revécu cet instant, toutes les nuits. À ne pouvoir rien faire. Chaque moment passé seule est un instant où je pensais à toi. A pleurer sur ma faiblesse, à me torturer sur ce que j'aurais du faire.

Elle reprit difficilement sa respiration. Le plus dur était passé.

- L'été dernier un de tes amis, un crâ, est passé avec une amie et sa guilde. Elle m'a appris que tu était vivant. J'ai repris mes recherches. Je dors moins. Je mange moins aussi.

Elle leva les yeux vers Malo, mais ne voyait rien à travers ses larmes.

- Je suis fatiguée, Malo. Je voulais tellement te retrouver, mais je me rends compte que je n'aurais jamais du. Tu étais bien mieux sans moi. J'aurai souffert de mon côté, mais je n'aurai jamais du venir remuer tout ça. Je suis désolée. Tellement désolée. Mais tu as raison, sept ans, c'est trop tard.

A ces mots elle remit son masque, et fit volte face pour prendre le zaap direction Murof.

Elle avait au moins sa réponse.

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