Je nettoyais vigoureusement mon pelage blanc dans l'espoir d'en retirer toute la poussière. Rien que mon reflet dans la rivière m'avait hérissé le poil, et, de toute façon, nous avions tous besoin d'un bain. Pas question que les plaies de Vyx s'infectent, même si celui ne s'en inquiétait pas plus que ça. "Jamais arrivé jusqu'à maintenant." Je l'avais tout de même poussé à l'eau, avec l'aide d'Ewell qui sauta à pied joint dans l'eau à sa suite. Rose, impassible, examinait le plan de la région que je lui avait prêté. Enfin, elle se leva et s'approcha de moi, observant d'un œil critique le soin que j'apportais à rincer chaque poil, comme pour me purifier du voyage. "J'ai suivi une souris qui devait me mener jusqu'à Erne, pas un bourgeois mystique. Soyons honnête : tu sais très bien que cette mission est un suicide. Et pourtant, tu as laissé une gamine s'embarquer dans l'aventure. Tu ne sais pas te battre. Avoue que ton arme n'est là que pour la déco. Si elle le voulait, la Déesse aurait pu lever une armée entière pour éradiquer ce mage, déclama Rose d'une traite." J'arrêtais un moment ma toilette minutieuse pour lui répondre. "J'ai un contrat. Je dois le tenir. C'est tout. - Dis-moi au moins que tu ne comptes pas faire de nous quelques autres cadavres sous ses pattes. - Je ne peux rien te promettre. Ma seul commanditaire est la Déesse. Cependant, tu as raison, Elle ne veut pas de nous pour victimes. Fait-moi confiance, s'il-te-plaît, car les fils du destin te ramèneront dans tous les cas à moi." Rose grogna quelques mots incompréhensibles avant d'aller aider Kaya avec ses moineaux. Elle savait très bien que je disais la vérité. Ceux qui usurpaient le titre de Voyageur étaient sévèrement punis, tant et si bien que nul n'avait tenté cette folie ces derniers siècles. Et puis en plus c'était pas vraiment un boulot gratifiant. Je remarquais Vyx qui me fixait depuis sûrement quelques minutes. Il avait allumé un feu, comme d'habitude, et attendait sans doute que j'en finisse avec cette rivière. Le connaissant, il serait même capable d'y provoquer un tsunami pour que j'en sorte. Cela faisait plus d'une semaine que nous voyagions ensemble, nous rapprochant sans cesse des montagnes qui délimitaient l'entrée sur les champs de bataille, et aucun exilé n'avait tenté de nous attaquer. Le plan était en marche, et c'était presque excitant de savoir que j'étais le seul au courant. Une sorte de frémissement me parcourut quand la Créatrice approuva notre avancement dans la quête d'un signe psychique. Je détestais quand elle faisait ça, mais bon, depuis la Grande Guerre Magique elle ne pouvait plus parler aux Chamanes ainsi sans leur autorisation, et il ne lui restait de contrôle que sur les Voyageurs.