Posté le 6 février 2019
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Mon vieux René,

Tu ferais bien de venir reprendre ici ta vieille boîte de « Demorphêne » truqué et de te souvenir entre autres choses que je t'ai prié à plusieurs reprises de ne plus te mêler de mes affaires. Je me fous en long et en large vois-tu du «LÉGISLATEUR DE LA LOI SUR LES STUPÉFIANTS, et je m'en f… depuis 1925 et avant (tu n'as qu'à relire « l'Ombilic des limbes ») puisque c'est au sujet de ce livre que, nous avons fait connaissance et que tu m'as invité à dîner chez toi : ce n'est pas à un vieux marchand d'héroïne comme toi à faire la police des désintoxiqués, et encore moins celle des intoxiqués, car tu n'as jamais été intoxiqué toi-même et l'opium tu ne sais pas ce que c'est. Tu n'as jamais vendu que des drogues truquées d'ailleurs : ton héroïne était truquée par les soins de Paul Sabiani, et elle était truquée au cyanure de potassium, et c'est pourquoi tant d'héroïnomanes mouraient. Et ton « Demorphêne » aussi est truqué au cyanure de potassium, et c'est pourquoi la désintoxication au « Demorphêne » est pour tout le monde un supplice d'enfer, surtout quand c'est toi qui apporte la boîte car c'est alors que les 2 ampoules en deviennent spécialement empoisonnées.

Si j'étais médecin traitant je te soignerai toi-même avec la boîte de « Demorphêne » que tu as eu le culot d'apporter ici, car un lypomaniaque comme toi a besoin de lipoïdes pour guérir sa lypomanie. Et la graisse appelle la graisse n'est-ce pas, surtout quand c'est de la graisse truquée (voir Homéopathie). Tu es plein d'adiposités vieux René, et ce sont les pires que tu dissimules. Elles constituent en toi la boursoufflure morale et psychologique de tes remords. Car tu n'as jamais pu guérir d'avoir laissé étrangler ta première femme, et de lui avoir fait avant quelle ne meure et pour la guérir de son affreuse agonie une piqûre de ce poison Indien avec lequel tu desséchas déjà le cadavre d'Henri Gauthier, de Jean Hugo, de Paul Deharme (1 manière) et avec lequel tu as essayé moi, de me faire dessécher vivant tandis que j'étais en cellule à Rouen et que 2 ou 3 infirmiers à ta solde m'ont fait de force ta piqûre en me frappant à coup de talons sur les pieds.

Et c'est bien le Dr Minkowski n'est-ce-pas qui remarqua sur le cou de ta femme Yvonne les traces noires de l'étranglement et donna quand même le permis d'inhumer. Seulement comme de juste tu es de la police, et les Initiés t'ont toujours protégé : Même quand tu payais des employés de laboratoire, pour empoisonner le LAUDANUM du laboratoire de l'HOTEL de VILLE. Et c'est parce que j'ai percé à jour ton sale jeu depuis bien des années que tu me poursuis de ta haine morbide, car cee haine est la haine d'un fou. Et tu es complètement fou, pauvre vieux psychanalyste des crimes qui vas pérorer en public devant les jurés sur la criminologie.

La plupart de tes psychanalysés sont d'ailleurs des espions de police. Et évidemment dans le tas comme de juste il y a des naïfs, des innocents et des gogos qui te servent de couverture.

Et qu'as-tu fait de Colette Prou ?

Quand un de tes psychanalysés ne sert plus tu le rejettes. Et combien as-tu touché de la main de sa famille et de ses frères sur la part d'héritage qui revenait à Colette Prou ?

Et pour cacher ce crime de plus il n'est pas impossible que les Initiés ne ressortent un sosie quelconque de la pauvre Colette, voire même une Née-de-la-sueur !

Débine toi, affreux, et qu'on ne te voie plus par ici. Vas te cacher au bout de la terre, et crie dans la terre comme le Roi MIDAS; car si tu as été mis à l'abri des lois humaines, tu n'es pas à l'abri de la justice de Dieu.

Puisque tu es un Initié tu sauras lire ce petit signe, vieux Vichnouiste, affreux conservateur.— Pour avoir voulu conserver ce qui était la propriété des autres, tu seras conservé le temps d'un INFINI dans les abîmes, dans la saumure de tes hideux remords.

Et que cette lettre t'atteigne ou non, et au cas où un Initié du genre chrétien aurait pour toi la charité de ne pas te montrer ma lettre elle t'atteindra occultement, elle t'atteindra occultement.

Au plaisir de ne jamais te revoir et de n'avoir plus jamais de tes nouvelles.

Antonin Artaud.

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