Édité le 9 juin 2021
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Je suis asexuel.le et j’aime le sexe.
Je ne ressens pas de plaisir quand je fais du sexe. J’ai essayé beaucoup de choses,
beaucoup de pratique et je suis tout le temps déçu.e. J’ai l’impression d’habiter un corps mort qui ne ressent rien. D’être seulement de la chair désordonnée qui occupe de l’espace. C’est comme ça et j’y suis en train de m’y résoudre.
C’est drôle quand on parlait jeune du sexe, c’était quelque chose de mystérieux et on se demandait toujours les un.e.s et les autres “Tu la fais ?”. C’était vraiment
un rite de passage. Moi j’étais terrorisé.e par cela. J’avais un corps que je détestais et l’idée de faire du sexe hétéro m’horrifiait au plus haut point.
C’est d’ailleurs que très récemment que j’ai fait du sexe “vanille” ou le plus
hétéronormé possible, bah c’était un peu nul. En plus de m’avoir procuré aucune
sensation, je ne comprends toujours pas pourquoi la terre entière se précipite
dessus.
En vérité, on aurait pu se demander pourquoi je continue le sexe si cela ne me
procure absolument aucun stimulus. C’est vrai je pourrais me concentrer sur ma
collection de macramé et faire de la pâte à modeler. En faites je me suis
surprise à me délecter du plaisir de mes partenaires. J’aime voir les yeux
révulsés, leurs respirations saccadées, les soupirs mais aussi les râles, les
gémissements, les couinements. A défaut de ressentir du plaisir, je peux me
nourrir du plaisir de mes partenaires en m’abreuvant de ses stigmates. Ce n’est
pas alors un plaisir sexuel mais un plaisir purement cérébral. Un plaisir
empathique. Le cerveau n’est-il pas après tout selon les nombreuses études sur
le sexe, l’organe du plaisir ? J’ai l’impression d’être une sangsue à plaisir.
Si mon/ma partenaire est peu expressif.ve, eh bien, me voilà bien embêté.e pour
prendre mon pied également. Pour l’anecdote aussi j’essaye de simuler un peu
quand j’ai des partenaires enflammé.e.s, pour ne pas donner l’impression de
coucher avec un corps mort, c’est assez amusant.
Bref, je n’ai peut être pas d’orgasme, pas de papillons dans le ventre, pas de plaisir qui pulse et irradie à travers le corps mais un plaisir peut être plus simple,
moins charnel où je suis récompensé.e à chaque fois qu’il y’a un sourire de
contentement sur le visage de mon/ma partenaire.



Kink empathique et sexualité par procuration
La procuration c’est l’histoire de ma vie, j’utilise beaucoup l’écriture pour vivre à travers mes personnages des sensations. Je disais que j’étais assexuel.le dans mon précédent article, néanmoins je peux ressentir du plaisir quand j’écris. En vérité j’ai l’impression d’être comme un.e chaman.e qui se fait posséder par son personnage. J’épouse ses sentiments, ses pensées… Je fais véritablement corps avec lui. L’inverse peut aussi m’arriver, je “contamine” l’état d’esprit de mon personnage par le mien. A titre personnel j’aime plutôt cela. En jeu de rôle, on appelle cela le bleed quand il y’a une porosité entre personnage et joueureuse. Et c’est comme cela que (parfois, trop peu souvent à mon goût) je prends mon pied aussi.

Pour bien comprendre, je vais prendre l’exemple du masochisme d’une de mes partenaires. J’ai pu en parler avec elle pour qu’elle me décrive ses sensations mais aussi l’observer durant sa douleur. Ce qui m’a permis d’écrire des personnages masochistes où je ressentais physiquement la douleur mais qu’est-ce que c’était bon. Alors que je suis d’un naturel très douillet à ce niveau-là. La douleur à travers mon personnage me rendait extatique. Mon corps réagissait fortement à ces nouvelles sensations. Je découvrais un nouveau champ des possibles où je pouvais faire à mon personnage de nouvelles douleurs/plaisirs et succomber avec joie. Bref je découvrais en même temps que mon personnage la joie du masochisme.

En écrivant cela, je me demande à quel point je peux faire de tels transferts. Si tous les kinks sont concernés même ceux qui me rebutent le plus. Souvent après tout mes personnages font des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord.

Enfin j’ai un peu hésité à écrire cet article, je me demandais si cela était vraiment pertinent. Est-ce que le masochisme que je vis à travers mes personnages est légitime ? Est-ce que je ne m’approprie pas une pratique que je ne fais pas en temps normal ? Même si j’ai déjà ressenti de la douleur et du plaisir ceci dit. Juste pas en même temps. Est-ce que l’empathie est-elle véritable ou bien je plaque mes propres idées sur une pratique ? Ce questionnement pourrait s’étendre à tout ce que mes personnages vivent. Est-ce que la fiction est une bonne école de la vie finalement ?

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