Indiquer le but de votre stage et l'intérêt qu'il a pris pour vous. Vous y définirez votre rôle et votre implication par rapport à l'institution, au psychologue qui vous a encadré, et aux personnes en difficultés que vous avez rencontrées. Puis vous présenterez votre rapport de stage (l'introduction d'un travail de rédaction, par définition, introduit aussi le texte : expliquez ce que le lecteur va lire ensuite en quelques phrases). Enfin, vous rajouterez une phrase concernant l'anonymat des patients que vous avez rencontrés et dont vous parlez dans votre rapport.
 
1 Fonctionnement institutionnel
1.1 Historique
À l’origine des centres médico-psychologiques tels que nous les connaissons aujourd’hui se trouvent la Loi Bourgeois de 1916. Cette loi promulgue la création de dispensaires d’hygiène sociale. Leur but est de lutter contre la tuberculose. En 1922, le psychiatre français Édouard Toulouse crée, à Paris, un service départemental de prophylaxie mentale qui devient le premier dispensaire dédié aux soins mentaux. Il faut attendre 1941 pour que celui-ci dispense les premières consultations psychiatriques. Le décret de 1955 généralise cette structure, avec pour objectif de prévenir des maladies mentales. En 1960, une circulaire positionne les dispensaires dans le dispositif de sectorisation psychiatrique. C’est en 1986 qu’apparaît pour la première fois le terme de « centre médico-psychologique » à travers l’arrêté du 14 mars de la même année relatif aux équipements et services de lutte contre les maladies mentales. Ce même arrêté décrit ainsi les missions de ces structures « …des unités de coordination et d'accueil en milieu ouvert, organisant des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d'interventions à domicile, mises à la disposition d'une population ».
Bernard Odier, dans la revue de l’information psychiatrique de 2016, nous rappelle les principaux traits caractéristiques du CMP. Premièrement, son implantation résulte du plan de sectorisation. La sectorisation avait pour but de répondre à l’engorgement des hôpitaux psychiatriques en créant des structures de proximité. Par ailleurs, le développement de la prise en charge ambulatoire a permis de lutter contre les effets de déracinement provoqués par l’hospitalisation. Deuxièmement, le CMP est une structure accessible, c’est-à-dire que l’accès aux soins n’est pas conditionné par un statut particulier, ni à des démarches administratives. On parle de structure « à bas seuil d’accès ». Troisièmement, le CMP garantit une disponibilité permettant d’accueillir les patients aussi bien avec que sans rendez-vous. Les rendez-vous permettent de suivre des personnes de façon planifiées, tandis que les rencontres sans rendez-vous garantissent une prise en charge pour les situations urgentes. Quatrièmement, le CMP a compétence pour statuer sur un traitement médicamenteux et le revoir en fonction de l’évolution du patient. Cinquièmement, la présence d’un psychologue dans la structure rend la prise en charge d’autant plus adaptée dans la mesure où leurs modalités d’interaction permettent d’adresser des problématiques relevant de l’intime. En effet, le psychologue propose une prise en charge qui va au-delà du soin médical. Le patient a la possibilité de s’inscrire dans un suivi psychologique et d’adresser des sujets à l’origine ou bien contribuant à son état de détresse. Sixième et dernier point, le CMP est un centre multidisciplinaire regroupant psychiatre, psychologue, infirmiers et assistants sociaux lui permettant une prise en charge complète du patient.
Le CMP de la Ferté-Alais, crée en 1983, est rattaché à l’établissement public de santé Barthélémy Durand (BD) à Étampes dans le département de l’Essonne (91). En 1950, le département de Seine et Oise de l’époque (ancien département couvrant le périmètre de l’actuel Essonne, du Val d’Oise et des Yvelines) décide de lancer un projet de création de 3 hôpitaux psychiatriques pour désengorger l’hôpital de Clermont-de-l ’Oise. Un établissement à Plaisir, un second aux Mureaux et un troisième à Étampes. L’établissement BD ouvre ses portes en 1963, et doté de 3 services pour adulte et 1 unité d’hospitalisation pour adulte. A son lancement, l’établissement est doté de 775 lits. En 1977, l’établissement devient « Établissement Public de Santé ». A aujourd’hui, sa capacité, exprimée en lits, est passée à 310 lits grâce aux renforcements du dispositif de prise en charge ambulatoire. De nos jours, l’EPS a pour ambition de couvrir les besoins des 2/3 du département de l’Essonne, ce qui représente 800 000 habitants. En 2021, la Haute Autorité des Soins, a délivré la certification HAS V2020 à l’EPS BD. Cette certification indique le niveau de qualité des soins dispensés dans l’établissement. Elle cise 4 objectifs principaux : l’engagement du patient, la culture de la pertinence et du résultat, le travail en équipe et l’adaptation aux évolutions du système de santé.
La sectorisation de l’EPS implique un découpage géographique du département en plusieurs zone à couvrir. Cette sectorisation garantit un maillage de service ambulatoire sur l’ensemble du périmètre. L’Essonne est couvert par 3 établissements psychiatriques, Orsay, Evry-Corbeil et Étampes. Le secteur d’Étampes se divise en 3 grands pôles : psychiatrie adulte, psychiatrie enfant et adolescent et un dernier dédié aux fonctions transverses et de recherches. Le pôle adulte se divise lui-même en 9 secteurs.
La prise en charge des maladies mentales est une préoccupation des pouvoirs publics depuis plus d’un siècle. A la suite des nombreux arrêts, décrets et circulaires, le dispositif de pris en charge des pathologies mentales s’est étendu pour couvrir une plus large zone et permettre un désengorgement des hôpitaux. Le déploiement de la psychiatrie ambulatoire permet une gestion différente du parcours de santé des patients. Les CMP se positionnent comme des structures de proximités pouvant prendre en charge les patients de l’entrée en relation au suivi post-cure. Grâce à cette proximité et cette multidisciplinarité, cela a permis de réduire le nombre de lits nécessaires dans les hôpitaux psychiatriques par deux.
 
1.2 Objectifs institutionnels
Nous pouvons reprendre les missions du CMP telles que définis par l’arrêté du 14 Mars 1986 afin de voir comment ces structures s’organisent autour de ses objectifs : « unités de coordination et d'accueil en milieu ouvert, organisant des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d'interventions à domicile ».
1.3 Le public accueilli
Le public accueilli est protéiforme. Il est le reflet des formes que peuvent prendre la souffrance psychique ainsi que des populations impactées. Nous nous sommes rapprochés de la direction informatique pour collecter un certain nombre de donnée relative à la démographie
Les motifs de consultations sont divers. La liste des pathologies traités au sein du CMP est difficile à faire et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, le diagnostic n’est pas la priorité des personnels soignants. Leur but est avant tout la prise en charge et le soulagement du patient. C’est-à-dire que le symptôme peut être traité afin de soulager le patient, mais sans avoir de diagnostic en amont. Deuxièmement, les professionnels compétents pour faire une hypothèse de diagnostic ne partagent pas les mêmes référentiels théoriques. Il n’est donc pas aisé d’avoir un consensus quand on oppose une approche nosographique et une approche dynamique de la pathologie. Troisièmement, les diagnostics ne sont pas systématiquement renseignés dans les outils de l’hôpital.
Nous pouvons diviser la population du CMP en 2 catégories : les primos patients et les patients post-cures. Les profiles sont différents en termes de trouble et de leur intensité.
Les primo patients : Ils se présentent au CMP soit de leur propre chef, ou bien à la demande d’un tiers. Pour la plupart, ce sont des personnes autonomes et physiquement capable de se déplacer. Souvent dans une tranche d’âge comprise entre 18 et 35 ans, cette population n’a pas eu à faire aux établissements psychiatriques. On retrouve des pathologies anxiodépressives souvent présente depuis l’adolescence mais dont l’expression devient de plus en plus bruyante.
Le cas de Me G
Me G est une jeune femme de 22 ans qui consulte pour la première fois. Elle a été adressée par son médecin qui la trouve « à fleur de peau ». La patiente prend place dans le bureau sans prendre la peine de se dévêtir, comme si son blouson et son sac constituaient une protection. Lors des premiers échanges, nous constatons que la patiente s’exprime avec une voie quasi inaudible. L’infirmière, en lisant les ordonnances prescrites par le médecin que lui temps la patiente, réalise qu’elle est sous anti-dépresseur et anxiolytiques. Quand elle lui demande ce qu’il l’amène, la patiente éclate en sanglot et explique être à bout. Elle avoue se sentir extrêmement angoissée lors de situations sociales. Les prises de paroles en public lui demandent un effort colossal. Elle confie ne jamais avoir été en couple. Elle ne supporte pas les critiques et par extension, le regard des autres.
Me G montrent des signes de troubles anxieux et particulièrement lors de situations sociales. La première hypothèse qui nous est venu en tête est celui d’un trouble d’anxiété sociale. Néanmoins il faudra attendre de la revoir pour confirmer cette hypothèse et vérifier l’ensemble du tableau clinique.
La deuxième catégorie de patient désigne ceux qui sont déjà inscrit dans un parcours thérapeutique. Nous retrouvons ici des patients souffrant de troubles chroniques telle que la bipolarité ou encore des troubles de la personnalité anti-sociale. Bien souvent ces patients sont suivis depuis longtemps et leur prise en charge consiste davantage à stabiliser un état que de faire disparaitre le trouble.
Le cas de Mr S
Mr S, un quinquagénaire, est suivi pour trouble bipolaire de type I. Il est suivi depuis près de 10 ans par le CMP et par l’hôpital. Les antis dépresseurs peuvent l’amener à faire des virages maniaques. Pendant ces états, le patient s’adonne à sa passion : les voiture. Son dernier état maniaque l’a conduit à acheter une voiture, puis à venir en vanter les qualités auprès de ses collègues de travail. Ces derniers ont remarqué son état d’excitation particulièrement exacerbé et ont appelé les pompiers pour qu’ils viennent le prendre en charge. Mr S a été conduit aux urgences, il a été sédaté, puis transféré à l’hôpital Barthélémy Durand pour un séjour, d’un mois. Quelque mois plus tard, lors d’un entretien infirmier, le patient confie avoir passé sa soirée à parler avec des inconnus lors d’une soirée dans un bar, avoir échangé sa voiture avec des jeunes pour « leur rendre service », puis après avoir roulé toute la nuit, s’est rendu au château de Dourdan à 9h « par ce qu’il voulait visiter le château ». Il précise par ailleurs que lorsque la police est venue l’intercepter, l’homme était en caleçon, sans qu’il ne sache expliquer comment s’est arrivé. Indépendamment des péripéties qui lui arrive, le patient confie qu’il apprécie ses phases maniaques qui lui donnent l'impression de retrouver ses 20 ans.
1.4 Les prises en charge institutionnelles
Nous avons vu que le souhait des institutions publiques est de proposer une structure de proximité capable de prendre en charge les patients, de la prise de contact au suivi post-cure. La prise en charge, lorsqu’elle est du ressort du CMP, et non de l’hôpital, doit pouvoir proposer un parcours thérapeutique complet permettant de soulager le patient. Nous pouvons détailler le cas d’usage le plus classique d’une prise en charge d’un nouveau patient afin d’illustrer le mode de fonctionnement du centre. Dans un premier temps, les patients sont souvent adressés par un tier (famille, tuteur, interlocuteur social, etc.). Le tiers ou le patient prend attache avec le CMP par téléphone pour convenir d’un rendez-vous. Le jour J, le patient se présente au CMP. Il est reçu par une infirmière qui va faire un premier entretien pour évaluer la situation du patient. Lorsque l’infirmière détecte un certain nombre de symptômes qui nécessitent une expertise psychiatrique, elle propose au patient un rendez-vous avec le psychiatre. Par ailleurs, elle profite de l’entretien pour tracer un premier niveau d’anamnèse afin de fournir des éléments de contexte au psychiatre et éviter d’avoir à reposer plusieurs fois les mêmes questions. Lors de l’entretien avec le psychiatre, celui-ci détermine le protocole de prise en charge à adopter. Cela peut aller de la médication à la psychothérapie en passant par des ateliers au CATTP. Néanmoins le CMP dispose de réunion hebdomadaire visant à présenter les nouveaux cas afin de discuter du projet thérapeutique à mettre ne place pour le patient. Ce cas d’usage est très courant, néanmoins il ne reflète pas les situations extrêmes qui nécessitent l’hospitalisation sous contrainte ou bien au contraire qui maintiennent le patient aux rendez-vous infirmier, dans la mesure où ceux-ci assurent un espace de parole pour permettre aux patients de déverser leurs affectes et éviter l’effet cocotte-minute, sans pour autant se prévaloir de la psychothérapie.
Pour conduire ses missions, le CMP se dote d’effectifs aux profils spécifiques lui permettant d’assurer une prise en charge du patient de bout en bout. Ces équipes sont constituées et dimensionnées de manière à pouvoir traiter uniquement les missions qui lui sont attribuées. Effectivement, le CMP ne se substitue pas aux hôpitaux psychiatriques ni aux médecins traitants. En l’état le CMP est constitué des fonctions suivantes : infirmier, psychologue, psychiatre, assistant social et aide-éducateur. Voyons ensemble comment chaque métier contribue aux missions du CMP.
Les infirmier.es : Ils interviennent dès l’entrée en relation du patient avec la structure. Le patient peut rentrer en relation par téléphone pour la prise de rendez-vous, ou bien en se présentant directement au centre. La venue sans rendez-vous est à privilégier pour les situations urgentes. Ce personnel est parfaitement formé à l’administration de soins médicaux élémentaires tels que l’administration de traitement par injection ou la constitution des piluliers conformément aux prescriptions du psychiatre. Ils réalisent les premiers entretiens d’accueil. Le but est de rassembler un certain nombre d’éléments afin de valider l’identité du patient, retracer les éléments saillants de son anamnèse, dont les prises en charge psychiatriques précédentes. Ces informations sont ensuite retranscrites dans l’outil interne de l’hôpital. Les infirmières sont également responsables des ateliers menés dans le cadre du CATTP. Elles proposent des animations autour d’activités ludico pédagogiques permettant aux participants de prendre part à des activités de nature sociale ou orientées vers leur bien-être. Le détail de ces ateliers est adressé plus loin. Elles peuvent également réaliser des visites à domicile (VAD). L’intérêt est de se rendre dans les lieux de vie des patients, et d’assurer un suivi quand ceux-ci ne sont pas en mesure de se déplacer au CMP.
Les psychiatres : Ils interviennent en seconde intention. Après le premier entretien avec les infirmier.e.s, ces derniers déterminent à qui le patient doit-être adressé. Lorsque le psychiatre rencontre le patient, il se base sur les premiers éléments inscrits sur son dossier et ses observations lors de l’entretien pour orienter sa prise en charge. Si le patient a des antécédents psychiatriques, cela permet de cibler ses besoins et de lui apporter une réponse appropriée. Il se peut que certains symptômes indiquent la présence de troubles non identifiés, dans ce cas, les psychiatres peuvent faire passer des évaluations en vue de dépister certaines pathologies. Le psychiatre assure un suivi régulier avec les patients, à minima, pour renouveler les prescriptions médicamenteuses. Lorsqu’il pressent qu’un suivi psychologique peut être bénéfique pour le patient, il peut prescrire une psychothérapie et l’orienter soit vers la psychologue du CMP, soit vers un libéral (souvent pour des questions de délais). La pose d’un diagnostic psychiatrique relève de ses compétences. Les psychologues et infirmiers peuvent faire remonter des informations observées lors des entretiens ou bien anamnestiques qui peuvent alimenter le tableau clinique du patient et guider le psychiatre dans sa prise en charge.
Les psychologues : Il existe deux voies pour se diriger vers le psychologue : soit par la prescription du psychiatre soit par la demande directe du patient. Les délais d’attente sont importants et par conséquent ne répondent pas à un besoin d’urgence. Il faut compter entre 6 et 9 mois avant d’obtenir un premier rendez-vous. Les psychologues interviennent dans une dynamique qui complète bien souvent l’approche médicamenteuse. Les entretiens sont calibrés sur une période de 45min qui s’ajustent en fonction des besoins du patient. Il s’agit de lui permettre de prendre le temps de parler de sujets qui contribuent directement ou indirectement à son mal être psychique. Les rendez-vous sont reconduits à échéances variables comprises entre 1 semaine et 2 mois. Certains patients décident de mettre un terme officiellement au suivi tandis que d’autres se désengagent de façon implicite, en n’honorant plus les rendez-vous par exemple. Comme les rendez-vous sont planifiés dans le temps, il est nécessaire de revalider régulièrement le maintien des rendez-vous avec les patients. Le CMP emploie 2 psychologues en temps partiel. Elles se répartissent les temps de présence de façon à assurer systématiquement la présence d’une psychologue sur site tout au long de la semaine. Les entretiens avec la psychologue suivent un protocole psychanalytique d’obédience Freudien. Il est question d’adopter une posture présente tout en favorisant la prise de parole par le patient. Le cadre se veut propice à l’élaboration du récit par le patient sans orientation. Les interventions des psychologues ont vocation à libérer la parole sans induire d’orientations, un peu à l’instar d’un chemin initiatique (Dupont, 2015).
Les Assistants sociaux : La prise en charge des patients de bout en bout nécessite de se poser la question de leur réintégration dans le circuit social. Pour une partie des patients, un processus de marginalisation s’est enclenché à partir de la pathologie, et parfois, c’est le processus de marginalisation lui-même qui contribue au déclenchement des pathologies. C’est pour cela qu’un accompagnement doit tenir compte de la situation de l’individu et l’aider à établir un cadre propice au maintien d’un état sain et stable. Cet accompagnement n’est pas systématique et est proposé dès que la situation le justifie (sans domicile, sans famille, sans travail, en marge de l’administration publique, etc.). Le service que proposent les assistantes sociales relève principalement des démarches administratives. Ce sont les démarches élémentaires ou parfois plus compliquées permettant au patient de se réinsérer ou de se maintenir dans la société, tout en prenant en compte sa pathologie. Cela peut concerner le renouvellement de documents civils tels que titre de séjour ou carte d’identité, en passant par la mise en place d’allocations spécifiques telle que l’allocation d’adulte en situation de handicap.
Les éducateurs spécialisés : Ils représentent le dernier maillon du retour de l’individu dans la société. Ils contribuent aux actions concrètent de réinsertion du patient. Il s’agit souvent d’actions pragmatiques telles que conduire les patients à certains rendez-vous, contribuer à la rédaction de documents professionnels (CV, lettre de motivation), faciliter l’accès aux infrastructures informatiques pour des recherches, rédaction ou impressions de documents. Ils sont habilités à faire des visites à domicile pour aller à la rencontre des patients sur leur lieu de vie et avoir un temps d’échange avec eux. Ils réalisent des entretiens motivationnels pour maintenir le patient dans une dynamique de changement. La fonction d’éducateur spécialisé assure la traduction des décisions prises conjointement entre le patient et les institutions, en action concrète pour permettre un retour de l’individu dans le circuit social.
Arbre décisionnel de prise en charge institutionnelle
2 Psychopathologies
Nous reprenons ici quelques troubles rencontrés au sein de cet établissement. Nous gardons en tête que les patients reçus au CMP de la Ferté-Alais représentent un échantillon situé. C’est-à-dire que chaque CMP aura un profil de patient en lien avec la typologie de la population. Par exemple, d’un centre à un autre, on peut être confronté à davantage de troubles liés à la consommation de stupéfiant, ou encore davantage de pathologies psychotiques. Nous employons le DSM-V comme nosographie de référence pour catégoriser les symptômes et évaluer la présence de pathologies
2.1 Spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
La notion de schizotypie apparaît avec les travaux de Kraepelin et Bleuler dans l’optique d’introduire une nouvelle pathologie à part entière et subsyndromique de la schizophrénie (Bourgeois, 2017). Cette pathologie est nommée de plusieurs façons au gré du temps : schizophrénie latente, ambulatoire, pseudo-névrotique. C’est avec Sandro Rado que le terme de schizotypie apparaît (Miric, 2012). Cette appellation correspond à la contraction « schizophrénique » et « phénotypique », le tout visant à désigner un état prédisposant à la schizophrénie. L’ensemble des symptômes que nous allons décrire se basent sur l’ouvrage « Les personnalités pathologiques » de Krebs et al (2013). Le trouble de la personnalité schizotypique désigne état stable gouverné par des signes d’anhédonie, d’émoussement des affectes, de délitement des relations sociales, un manque d’empathie et un mode de dépendance à autrui. Il est communément admis dans les manuels de psychiatrie que la schizotypie fait partie du spectre de la schizophrénie. Le trouble apparaît dès le début de l’âge adulte avec des signes tels que le défaut d’interprétation et de rumination pouvant aboutir sur des idées de références et des délires. Les pensées bizarres sont présentes dans le discours et amènent le sujet à adopter des comportements différents des attentes sociétales. Les hallucinations peuvent faire partie du tableau clinique et peuvent commencer sous forme d’interprétations erronées du percept jusqu’à la perception sans percepts. Le mode d’expression peut être caractérisé de « maniéré », le discours pouvant être flou, abstrait ou bien métaphorique. Cependant, celui-ci reste construit et intelligible, indépendamment des idées qu’il véhicule. Le sujet peut montrer une hypersensibilité aux interactions négatives, ce qui le prédispose aux ressentis de persécutions ou l’adoption d’attitudes méfiantes. Les affects sont émoussés et accentuent le décalage entre le comportement affiché et ce qui attendu socialement. Cet émoussement va de pair avec l’anhédonie citée plus haut. Le trait de désorganisation propre au spectre schizophrénique peut s’observer à travers la présentation de l’individu qui peut présenter une apparence excentrique. La sphère sociale est souvent pauvre et ne dépasse rarement la sphère familiale ou un contact distendu avec quelques amis. Par ailleurs, les situations sociales ne sont pas source d’intérêts, au contraire, elles peuvent représenter des moments anxiogènes quand ils sont vécus, ou générer des anxiétés anticipatoires lorsque le sujet y pense, ce qui se traduit par des comportements d’évitement et d’isolement. Par ailleurs, cette appréhension ne diminue pas avec la familiarisation du sujet envers ses interlocuteurs. L’ensemble de ces traits empêche souvent l’individu de se maintenir dans une situation professionnelle stable. Son expérience professionnelle est marquée par des changements de métiers, de longues périodes de chômage avec des projections sur des postes de moins en moins en phase avec ses compétences. En termes de comorbidités, on retrouve principalement la dépression et le trouble anxieux. La consommation de toxique est fréquente et précipite le sujet vers la schizophrénie. Le trouble de la personnalité schizotypique est considéré comme chronique dans ¾ des cas. Cependant un basculement sur une schizophrénie franche n’est observé que dans ¼ des cas.
Le cas de Mr P
Mr P est agé de 56 ans. Dés ses 16 ans, il confie prendre la vie au second degré et tourner les choses en dérision. A partir de la vingtaine, il indique un changement de caractère avec un repli sur lui-même et l’apparition de ruminations. Il rencontre une femme avec qui il divorce. Aucun enfant ne nait de cette relation. Après son divorce, Mr P ne se remet pas en couple et ne renoue pas de relation intime avec d’autres femmes. Dans une lettre adressée à la MDPH il écrit « Ca fait 18 ans que je vis seul. 18 ANS, HEIN !!! ». Quand il évoque la mort de son père en 2020, Mr P n’affiche aucune émotion au point que cela l’interpelle lui-même. « Je ne ressent rien. Est-ce que je suis un monstre ? » demande-t-il à la psychologue qui le suit. Il indique être en bon terme avec sa mère, mais sans être « intéressé par elle ». Ces visites répondent à un protocole social plus qu’un besoin d’être et d’échanger avec ses proches. Il dit qu’il aime voir sa famille mais qu’il préfère rester chez lui. Il est inscrit chez pôle emploie depuis près de 20 ans sans avoir réussi à retrouver un travail (ce qui représente un cas atypique dans le monde de gestion de Pôle emploi). Il n’arrive pas à justifier cette incapacité à retrouver un emploi. Ses discours sont philosophiques et affichent des paradoxes assumés (ma vie est un sac à paradoxes). Certaines de ses cognitions montrent une perception teintée par le pessimisme et généralisé à l’ensemble de la vie « La vie est une arnaque ». Il indique se considérer comme un hypersensible, ce qui contraste d’autant plus avec son manque d’affecte général. Les contacts sociaux s’appauvrissent et se réduisent aux interactions les plus élémentaires (familles et institutions). Dans ses discussions avec le psychologue, 3 thématiques restent au centre des échanges : ce qu’il nomme ses « bizarreries » semblant provenir de son TOC, cette longue période de célibat et le sujet de la mort. Le sujet du travail, bien qu’étant celui de la demande originelle est relégué au second rang. A l’issue du diagnostic de TOC, le patient révèle plus de symptômes qu’à son accoutumé. Il évoque des troubles du sommeil, des difficultés à l’endormissement en raison de ruminations, de la tachypsychie, son incapacité à évoluer dans un environnement avec des personnes, il dit exécrer la société, il exprime sa colère à l’encontre des objets, mais pas des individus.
Pour conforter le diagnostic de trouble de la personnalité schizotypique, nous proposons de reprendre les critères du DSM-5 :
A. Mode général de déficit social et interpersonnel marqué par une gêne aiguë et des compétences réduites dans les relations proches, par des distorsions cognitives et perceptuelles, et par des conduites excentriques. Le trouble apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes : 1. Idées de référence (à l’exception des idées délirantes de référence). – pas observé
2. Croyances bizarres ou pensée magique qui influencent le comportement et qui ne sont pas en rapport avec les normes d’un sous-groupe culturel (p. ex. superstition, croyance dans un don de voyance, dans la télépathie ou dans un « sixième » sens ; chez les enfants et les adolescents, rêveries ou préoccupations bizarres). Cela reste une hypothèse, mais nous pouvons nous demander concernant les rituels des dit-TOCs, quelle est la façon dont le sujet considère ses intrusions et compulsions. En fonction de la manière dont ils y adhèrent ou pas, cela peut donner un indice concernant l’étiologie des symptômes prenant la forme de TOC. Si le patient les considère comme fondée, rationnel ou encore nécessaires (indépendamment du fait qu’ils permettent de lutter contre l’angoisse), alors nous pourrions considérer ces idées comme étant des croyances magiques.
3. Perceptions inhabituelles, notamment illusions corporelles. – pas observé
4. Pensée et langage bizarres (p. ex. vagues, circonstanciés, métaphoriques, alambiqués ou stéréotypés) (« La vie est une arnaque », « j’exècre la société », « je suis un usurpateur de place », dans sa lettre à la MDPH, ses phrases sont quasi systématiquement entrecoupées de petites disgressions rendant celles-ci longues et difficiles à lire « Voilà donc, mon incapacité, quasi pathétique à m’insérer dans le monde de l’emploi, comme dans la vie sociale en général, s’inclut bien évidemment dans la liste des manifestations-répercussions d’un vaste problème que, bien que je sois assez conscient de celui-ci, et que je sois capable même, intellectuellement, de l’analyser, au moins en partie, je ne parviens pas, mais pas du tout à le surmonter).
5. Idéation méfiante ou persécutoire. – pas observé
6. Inadéquation ou pauvreté des affects (Aucun affecte exprimé pour la mort de son père, pas d’intérêt montré à l’égard de sa mère lors des discussions, lorsque le patient partage son manque d’affecte, il demande à la psychologue « suis-je un monstre » ?).
7. Comportement ou aspect bizarre, excentrique ou singulier. (« Il y a des anomalies en moi-même dont je n’ai jamais réussi à parler », « ma femme m’a quitté car on ne reste pas avec quelqu’un qui est là sans être là », je suis « …capable de voir que ma façon de voir est anormale », on peut mentionner la présence de TOC dès son jeune âge)
8. Absence d’amis proches ou de confidents en dehors des parents du premier degré (le patient n’a que 2 amis avec lesquels il entretient des relations espacées).
9. Anxiété excessive en situation sociale qui ne diminue pas quand le sujet se familiarise avec la situation et qui est associée à des craintes persécutoires plutôt qu’à un jugement négatif de soi-même (« J’aime beaucoup, vraiment, ma famille, mais je fais en sorte de la voire le moins possible », « je n’arrive pas à être avec les autres », je ne déteste absolument pas les gens, mais je suis bien, et à un point qui touche l’obsession, qu’enfermé tout seul chez moi », le patient indique souhaiter éviter les conflits au sein de la famille, le patient se présente comme étant « hypersensible »).
Ce patient a été diagnostiqué initialement pour un TOC. Ce diagnostic va servir à appuyer sa demande d’allocation à la MDPH. Cependant, dans une visée de diagnostic, le patient valide 5 critères du trouble de la personnalité schizotypique, ce qui permettrait de poser un diagnostic. Bien que le TOC puisse compliquer l’accès à la vie sociale et professionnel, le patient n’est pas anosognosique. Par conséquent il pourrait être en mesure d’expliquer pourquoi les TOC le gênent dans son retour au travail (rituels qui prennent trop de temps, maniérisme incompris par les collaborateurs, stress généré par le désordre sur le lieu de travail, etc…). Par ailleurs, il existe des cas ou des personnes souffrant de TOC trouvent un métier, voire, capitalisent sur trait obsessionnel pour performer. Donc, on ne peut pas conclure que le TOC est la cause à son retrait social, même s’il peut y contribuer. Nous souhaitons proposer au psychiatre l’exploration de cette hypothèse à travers la passation de test tels que l'échelle de personnalité schizotypique de Claridge et Broks (Schizotypal Personality Scale ou SPQ) ou encore l'Oxford-Liverpool Inventory of Feelings and Experiences (O-LIFE). Si les tests le confirment, un trouble du spectre schizophrénique pourrait être plus à même d’expliquer les difficultés du sujet sur les thématiques qui le concernent, c’est-à-dire : l’absence d’affecte, des angoisses avec ruminations, le délitement du lien social et son incapacité à retrouver un emploi)
2.2 Troubles obsessionnels et compulsifs
Le trouble est identifié dès 1838 par Esquirol qu’il nomme « monomanie intellectuelle ». Janet et Freud déclinent le trouble selon leurs axes de recherche du moment, c’est-à-dire, la psychasthénie et le caractère sadique-anale de l’individu (Clair, 2016). Le terme de « trouble obsessionnel compulsif » apparait en 1980 avec la CIM en caractérisant le trouble par des pensées obsessionnelles intrusives et des compulsions irrépressibles. Sa prévalence actuelle est de l’ordre de 3% de la population. La schizophrénie offre un terreau favorable au TOC, et celui-ci peut être diagnostiqué dans 25% des cas. On observe une la présence du trouble également au niveau des parents au 1er degré dans 25% des cas. Habituellement, le trouble est catégorisé en deux types de groupes : les début précoces et progressifs, et les débuts tardifs (25-40 ans) et rapides. Certaines comorbidités se retrouvent telles que les troubles anxieux (dans 60% des cas), la dépression (80% des cas) ou encore les TIC (20% des cas). Le TOC est une pathologie évolutive à intensité variable. Evolution au cours de laquelle le patient rencontre quasi systématiquement un épisode dépressif. A un niveau léger, le patient peut maintenir une vie sociale sans grands efforts, en revanche, dans les formes sévères, le patient vie au rythme de ses symptômes. Ceux-ci se caractérisent par leur nature apragmatique incitant le sujet à passer beaucoup de temps à accomplir ses rituels ou compulsions. Le sujet reste conscient de son mode de fonctionnement et du caractère irrationnel de ses comportements. Cependant, les compulsions étant impossible à contenir, le sujet est obligé d’accomplir ses rituels. Si l’étiopathogénie opte pour une causalité multi factorielle, la génétique a trouvé une forte héritabilité entre parents du 1er degré (Smit, 2019). Selon l’approche comportementale, la compulsion résulterait d’un apprentissage précoce de comportements permettant de réduire l’anxiété du patient dans à une situation donnée. Ces schémas seraient maintenus malgré une évolution de la situation, enfermant ainsi le sujet dans paternes comportementaux inadaptés. Ces comportements sont inadaptés dans la mesure où, selon le concept de « coping » de Lazarus (1984), la compulsion ou le rituel adopte une stratégie de gestion orientée vers les émotions et non vers les problèmes. Autrement dit, le sujet réduit son inconfort dans l’instant, mais ne permet pas de se prémunir des prochains épisodes. Selon l’approche cognitive le TOC s’expliquerait par, d’une part, la croyance d’une implication excessive de la responsabilité patient dans chaque situation, et d’autre part, une interprétation erronée de ses propres pensées Salkovskis et al.(1999). Des expériences passées à caractères négatifs constituent la trame d’élaboration du modèle interprétatif du sujet. Celui-ci plaque ce calque sur chaque situation les rendant hautement anxiogène. Les comportements qui en découlent viennent renforcer ses pensées récurrentes.
Le cas de Mr P.
Mr P est un homme de 56 ans. Il est adressé au CMP par son chargé de suivi du pôle emploi pour la raison que celui-ci y est inscrit et perçoit une allocation chômage depuis 20 ans. Mr P affirme ne pas se sentir capable de retrouver un emploi malgré l’adhésion à l’idée que le travail est nécessaire. Il a été marié puis s’est séparé à l’âge de 38 ans. Depuis son divorce, Mr P ne s’est pas remis en couple, ni même n’a fréquenté d’autres femmes. C’est un homme qui passe du temps à lire des ouvrages philosophiques. A 16ans, il prenait la vie avec dérision. En avançant dans la vingtaine, il commence à se dire qu’il doit devenir sérieux. C’est alors qu’une forme d’inhibition s’installe et que des ruminations apparaissent. Face au service de pôle emploi, il est incapable d’expliquer son incapacité à retrouver un emploi. Après un premier entretien un psychiatre, celui-ci décide de faire passer des tests portés sur les TOC (inventaire de PADOUE, et l’échelle OCI-R). Les résultats montrent la présence d’un TOC. Dès la pose du diagnostic, le patient se met à verbaliser autours de ses symptômes, chose qui n’était pas visible lors de ses entretiens précédents (pas de phénomènes observables du trouble). Mr P évoque les rituels qu’il qualifie de « bizarrerie » et qui le « troublent profondément ». Il évoque l’apparition de premiers phénomènes à l’époque scolaire ou ce dernier devait marcher d’une certaine façon sur le carrelage de façon à éviter une conséquence fâcheuse. Il mentionne ce besoin de remuer son café 66 fois avant de pouvoir le boire. Il pensait que 99 fois aurait été un bon chiffre, mais que cela aurait pris trop de temps. Cependant, selon lui, 66 est un multiple de 3 et donc, appartient à la bonne catégorie de chiffre. Il évoque la présence de pensée obsédantes l’empêchant de s’endormir. Il mentionne la présence d’une pièce de monnaie posée sur son paillasson qu’il refuse de récupérer et qu’il maintien à cet endroit.
2.3 Trouble de la personnalité histrionique
L’hystérie a une longue histoire évolutive. Étymologiquement, le mot se rattacherait aux notions de matrices, entrailles ou d’utérus. On peut alors retrouver des écrits remontants aux époques de l’Égypte antique qui évoquent l’état de différentes femmes. Ces descriptions peuvent faire office de vignette clinique, certes succincte, mais précurseur « l’histoire d’une femme qui aimait le lit, refusait de se lever, refusait de faire sa toilette ; l’histoire d’une autre qui était malade de la vue et avait des douleurs au cou ; une troisième souffrait des dents et des mâchoires et ne pouvait ouvrir la bouche ; une quatrième souffrait de tous ses muscles et ressentait une douleur dans les orbites ». Ce qui signe le début de l’hystérie est le fait que ces troubles soient rattachés par les soignants de l’époque comme provenant d’un mouvement de l’utérus dans le corps. C’est avec Charcot que le concept d’hystérie s’actualise. Il arrive à établir une conception organiciste et neurobiologique de la maladie. Il rédige une description détaillée des symptômes et convient même des étapes de développement de la maladie. Ce travail a fortement inspiré Freud qui, s’il n’est pas le créateur du concept de l’hystérie contemporaine, a fortement participé à sa vulgarisation. C’est avec Freud et Janet que l’étiologie de l’hystérie bascule sur un volet exclusivement psychique (Lakhdari, 2007). Aujourd’hui, les nosographies athéoriques ont délaissé le terme d’hystérie et adoptent l’expression plus neutre de « trouble de la personnalité histrionique ». Sur le plan clinique, ce trouble se caractérise par une hyperexpressivité émotionnelle, une tendance à la dramatisation, l’exagération de leurs émotions, un besoin d’être au centre de l’attention, un comportement de séduction et une apparence soignée qui se prête au jeu de séduction. Selon le DSM V, « La caractéristique essentielle de la personnalité histrionique est un mode général de comportement fait de réponses émotionnelles et de quête d’attention excessive et envahissante ». En termes de comorbidités, nous retrouvons des troubles à symptomatologies somatiques (ventre ou bas du ventre), des conversions, des dépressions et des risques accrus de suicide. Par ailleurs, la similarité de certains symptômes entre le trouble de la personnalité histrionique et personnalité état limite rendent le diagnostic compliqué à établir.
Le cas de Me P
La patiente est une jeune femme de 20 ans. Elle a pris rendez-vous avec le CMP de son propre chef. Elle est reçue par l’infirmière et moi-même afin de réaliser la collecte des premiers éléments anamnestiques. En début d’entretien, la patiente indique avoir été suivie par une psychologue et un psychiatre sur une autre structure. Elle n’arrive pas à se remémorer le nom de la structure et semble s’efforcer de s’en rappeler. Devant cette difficulté, la patiente commence à rire. Elle s’en excuse en indiquant que c’est nerveux.
Infirmière : Alors, dites-nous ce qui vous amène ici ?
Me P : Je voyais une psychologue à ma fac, puis, elle m’a redirigé vers un psychiatre. Il y a eu un enchaînement de trucs dans ma vie. J’allais pas bien. J’ai craqué, beaucoup même ! Je suis allé plus loin que d’habitude. Je me suis mutilé. J’avais des bandages autour des bras. J’ai été suivi jusqu’à septembre par la psychologue, puis comme j’ai quitté la fac, je n’ai plus eu accès à la psychologue de l’université. Le psychiatre, m’a donné de l’Atarax.
La patiente se met à rire
Me P : Désolé, c’est pas drôle mais c’est nerveux…
L’infirmière l’interrompt dans son récit pour lui poser une question. A l’issue de l’entretien, elle me confiera avoir volontairement repris plusieurs fois le contrôle de la discussion, sentant la patiente adopter des comportements logorrhéiques ponctués de coq-à-l’âne.
Infirmière : Où avez-vous grandi ?
Me P : A la Ferté-Alais. On m’a diagnostiqué sourde à mes 6 ans. C’est marrant qu’on ne s’en soit pas rendu compte avant
Infirmière : Et vous entendez mieux maintenant ?
Me P : Oui, mais bon. Je n’ai pas entendu que des bonnes choses. Très jeune, j’ai entendu ma tante dire qu’il fallait me mettre au régime par ce que j’étais trop grosse. Mes parents ont pris ma défense, mais il n’y avait pas que ça. J’ai l’impression d’avoir subi du harcèlement toute ma vie. On me trouvait bizarre d’ailleurs…j’aime pas ce terme de bizarre. C’est pas gentil comme mot. J’avais une meilleure amie, mais elle me trouvait collante. Ça m’a fait mal quand elle me l’a dit. Elle s’en est excusée, mais parfois je lui ressors. Je sais, c’est pas cool.
Infirmière : Est-ce que vous avez des frères et sœurs ?
Me P : Oui, j’ai un frère, il a 25 ans
Infirmière : D’accord, et il fait quoi dans la vie
Me P : Bah là, c’est un peu compliqué. Il arrêté après le bac. Mais c’est pas de sa faute, c’est l’école qui ne voulait pas l’encadrer pour devenir professeur. Il devait trouver un stage pour accompagner sa formation, mais l’école ne l’a pas aidé. En plus, il est dyspraxique. Je ne sais pas trop ce que c’est. Du coup, il ne travaille pas. Je sais pas comment l’expliquer, mais en fait, pour moi, il est normal, enfin, je l’ai toujours connu comme ça.
Infirmière : Vous avez des sœurs ?
Me P : Oui, et elle est dyslexique, comme moi. Elle a eu des moments difficiles. Elle a été anorexique, boulimique et se faisait des automutilations. Elle a eu 2 enfants, et elle veut rentrer dans l’armée maintenant.
Infirmière : Comment ça se passe avec vos parents ?
Me P : Concernant ma mère, on lui a dit qu’elle devait aller voir un psychologue car elle avait vécu des trucs difficiles. Son grand-père était violent. Il lui donnait des coups de ceintures. Il était très strict avec elle. Elle ne sortait jamais. Si elle devait sortir, c’était uniquement accompagné de ses frères. Elle prenait souvent la défense de ma mère quand il y avait des disputes conjugales. Elle était vue comme la boniche de la maison. La sœur de mon père n’aimait pas beaucoup ma mère. J’ai pas de bonnes relations avec ma tante. Mon père, lui, c’était le chouchou de sa maman. Ses sœurs étaient bien plus âgées, 12 et 20 ans de plus. Sa mère voulait qu’il reste un petit enfant toute sa vie…
Infirmière : Quelle est votre parcours scolaire ?
Me P : J’ai fait un bac STAA (science des arts), puis après mon bac, je me suis inscrite à une école de théâtre. Je suis tombée amoureuse d’un garçon. Puis j’ai fait la rencontre d’un autre garçon. J’ai appris plus tard qu’il avait violé une fille, et que c’était un cyberharceleur ?
Infirmière : Qui ça ? votre petit copain ?
Me P : Non en fait l’autre garçon. Celui que j’ai rencontré sur les réseaux. On a commencé à parler, puis à sympathiser. Je me suis dit que ça serait cool d’avoir quelqu’un qui connaît déjà la fac, et qu’il pourrait me la faire découvrir. Puis il commençait à me demander beaucoup de choses, comme des photos de moi. Puis dès que je me suis mis en couple, il a arrêté de me parler, car la fac lui a interdit de parler à ses victimes. Mais quand je suis sorti avec Matt (son petit copain évoqué plus tôt), c’était pas sain. Il voulait coucher avec moi, mais moi, je ne voulais pas. Le fait qu’il a essayé de me toucher, ça m’a pas plu.
Infirmière : Est-ce qu’il vous a agressé sexuellement ?
Me P : Non, quand je lui ai dit que je ne voulais pas, il a arrêté. Puis à ce moment-là, pas mal de choses se sont passées. J’ai arrêté d’aller à la fac. Je pouvais pas y retourner, je trouvais ça dur et trop injuste qu’ils ne soient pas punis.
Infirmière : Qui ? Votre copain ? Pourquoi, il a respecté votre volonté ?
Me P : Bah euh.., oui, il a rien fait… mais Je faisais des crises d’angoisses, quand je me rendais à la gare. Après ça, il a rompu avec moi. Il m’a dit que sa mère voulait qu’il se concentre sur les études et que c’était mieux qu’on rompt. Je sais que j’aurais pas dû me mutiler. Je veux juste qu’on me fiche la paix. Une fois un garçon au lycée m’a défendu, il a dit « Oui elle est bizarre, mais vous la laissez tranquille ! ». Après il y a eu cette remarque grossophobe du professeur. Je m’étais tordu la cheville, et en m’aidant à me transporter d’un point à un autre avec d’autres élèves, il a dit « C’est pas la plus légère ». Il s’est excusé par la suite, mais ça m’a fait mal.
Infirmière : Aujourd’hui, quelle est votre demande, pourquoi venez-vous voir le CMP ?
Me P : J’ai des crises d’angoisse. Désolé, je me répands un peu trop.
Infirmière : D’accord, je voudrais revenir sur une chose que vous avez dit ? Pourquoi n’avez-vous pas eu de rapport avec votre petit copain ?
Me P : Alors, en fait, je fais partie de la communauté LGBT.
Infirmière : C’est à dire ?
Me P : Je me considère comme non binaire, pan-sexuel ou pan-romantique et demi sexuel
Infirmière : Vous voulez bien m’expliquer à quoi correspondent ces termes ?
Me P : Non binaire, ça veut dire que je ne me reconnais ni comme femme, ni comme homme. Pan sexuel signifie que je suis attirée par tous les sexes, hommes, femmes, etc. Et demi-sexuel, ça veut dire que je ne me projette dans une relation sexuelle uniquement si je sens un fort lien d’attachement.
Infirmière : Qui vous a dit que vous étiez tout ça ?
Me P : Je me suis renseigné sur internet. Dans ma famille, j’ai l’image de la petite vierge et j’aime pas ça. Ma famille est très ouverte sur le sexe, mais j’ai pas envie de leur en parler. Je dis tout à mon frère car il me comprend. Quand j’étais petite, je ressemblais à un garçon. Je faisais pas la différence entre un homme et une femme. Pourquoi est-ce qu’il faut choisir ? Pourquoi on ne pourrait pas tous simplement dire « un être humain » ?
Infirmière : Vous savez, c’est normal d’avoir ce genre de question. Tous les enfants passent par une étape où ils découvrent qu’il y a une différence de sexe et qu’on est pas pareil. Quasiment tout le monde s’est posé des questions.
Me P : Ah…Peut-être que vous allez trouver que je suis bizarre…
Infirmière : pas du tout. On ne vous jugera jamais ici. Tout ce qui nous importe, c’est que vous puissiez mener votre vie, comme vous l’entendez et en vous sentant bien.
Me P : J’ai jamais ressenti de discernement sur mon genre. Tout le monde pense que je suis hétéro cis-genre (attiré par le sexe opposé).
Infirmière : Vous en aviez parlé avec votre ex-copain ?
Me P : Alors je suis avec un garçon, après avec 2 filles, puis après Matt. En fait ma famille me genre toujours en « elle ». Je trouve ça blessant, je leur ai dit « Vous pourriez essayer de me genrer différemment des fois, vous savez, il existe d’autres pronoms, comme « il » ou « iel ». Je me suis rendu compte que mon grand-père était raciste et LGBT’ophobe on va dire.
A ce moment, l’infirmière tape quelques lignes sur son écran d’ordinateur qui me sont destinées. Elles m’interpellent en prétextant vouloir me montrer une fonctionnalité sur ordinateur et me montre un message qui m’incitait à observer les avant-bras de la patiente qu’elle avait découverts en retroussant ses manches. En observant discrètement, je remarquais que je ne voyais aucun signe de scarification. Je fus étonné tant pas sa capacité à dévoiler une partie de son corps où elle se mutilerait que par l’absence de signes de scarification qui aurait nécessité des bandages sur l’ensemble des avant-bras.
Infirmière : Du coup, cette année, vous faites quoi ?
Me P : Je cherche un boulot pour gagner de l’argent. Je voudrais me lancer dans ma passion. En fait, le théâtre, c’est par ce que je n’avais pas réussi à trouver une école, donc j’ai pris le premier truc.
Infirmière : Et donc, concrètement vous menez quelles actions ?
Me P : Là j’ai envoyé 1 CV et 1 lettre de motivation. J’attends une réponse. Je préfère faire un part un car je me connais, si je commence à me disperser, je ne vais pas m’en sortir.
Infirmière : Financièrement, vous faites comment ?
Me P : Mes parents me donnent de l’argent de poche
Infirmière : Et vous vivez où ?
Me P : Bah, avec mes parents, je pourrais pas vivre seule
Infirmière : Pourquoi ne pourriez-vous pas vivre seule ?
Me P se met à sangloter. Je regarde autour de ses yeux, je ne vois pas de larmes couler. Je lui tends quand même une boîte de mouchoir. Elle se saisit de la boîte, prend coup après coup plusieurs mouchoirs et s’essuie les yeux et le nez en retirant son masque. Malgré mes tentatives, je ne vois pas si les pleurs sont francs.
Infirmière : Je pense que vous devriez reprendre contact avec votre médecin, ou votre psychiatre. Je ne vous trouve pas en forme.
Me P : Mais je me sens bien moi (sanglots redoublant)
Infirmière : Je vous sens angoissée. Vous voyez ? Je vous sens perdu dans vos projets. Vous repensez à tout en même temps. Il se passe beaucoup de choses dans votre tête. Je pense que le médecin vous donnera un anxiolytique. Comment dormez-vous ?
Me P : Je m’endors vers 1h puis je me réveille vers 9, 10h.
Infirmière : Vous ruminez par moment ?
Me P : Oui, je repense à ma famille. Une fois, ma sœur voulait que je garde ses enfants. Moi, je n’avais pas envie. Ma mère m’a dit que je n’étais pas obligé. J’ai fini par lui dire que je ne voulais pas. Du coup, elle n’était pas contente. Avant je la voyais comme une femme indépendante, et depuis ses enfants, elle est devenue dépendante. Ma mère vient d’avoir une opération, car oui, au passage, elle a failli mourir. Donc elle se remet. Mon père a la maladie de Chrone. Mon frère a des problèmes de santé, il marche mal. Donc on compte sur moi pour les enfants, pour les parents, pour aider les grands-parents. Physiquement, je suis la plus forte de la famille. Je supporte tout ça, j’ai l’impression qu’ils ne pourraient rien faire sans moi
Infirmière : Peut-être que c’est pas ce que vous êtes là
Me P : Oui, je dis beaucoup oui.
Infirmière : L’affirmation de soi, ça s’apprend. Vous semblez avoir une mauvaise estime de vous
Me P : Ma psy m’avait dit d’aller faire des activités avec des gens de mon âge. Mais moi, ça m’intéressait pas.
Infirmière : Vous connaissez la différence entre psychologue et psychiatre ?
Me P : Oui, la psychologue fait parler sans chercher à orienter. Le psychiatre, lui, donne des médicaments et orientent plus. J’ai de la spasmophilie en plus.
A ce moment-là, la patiente semble prise de haut-le-cœur. L’infirmière lui demande si elle veut un verre d’eau. Je me propose d’aller en chercher. J’apprends post entretien que pendant mon absence, l’infirmière amène la clôture de l’entretien, ce qui aura eu pour effet, me dit-elle, de relancer les sanglots. En lui rapportant le verre d’eau, la patiente le prend, le descend d’une traite, et fait tomber quelques gouttes sur elle-même en s’excusant de sa maladresse.
Infirmière : Est-ce que vous avez des idées noires ?
Me P : je ne fais pas la différence entre idées noires et idées suicidaires…mais non, ça fait longtemps que je me suis pas dit « je ferais mieux de me suicider »
Infirmière : Est-ce que vous avez des choses qui font du bien ? Qu’est-ce que vous aimez faire ?
Me P : J’aime bien marcher, lire, écrire des poèmes, dessiner… je fais rarement lire mes poèmes, j’ai peur que ça fasse déprimer les gens. D’habitude, je suis plutôt drôle, assez fun, puis de me voir raconter tout ça
Infirmière : C’est bien l’écriture comme défouloir.
L’infirmière clôture l’entretien. Elle incite la patiente à se rapprocher de son médecin pour qu’il puisse lui prescrire un traitement contre l’anxiété. Elle lui remet la carte du CMP et lui indique qu’ils restent disponibles si jamais elle se sent mal. Aucun autre rendez-vous n’est fixé.
Concernant cette patiente, il s’agit d’un premier rendez-vous. Il est assez périlleux de réaliser un diagnostic dès la première rencontre. Néanmoins, la collecte d’informations amène vers l’élaboration d’hypothèses de diagnostic. Le cas échéant, nous souhaitons nous appuyer sur les DSM-5 pour tenter de conforter l’hypothèse d’un trouble de la personnalité.
Mode général de réponses émotionnelles excessives et de quête d’attention, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes :
1. Le sujet est mal à l’aise dans les situations où il n’est pas au centre de l’attention d’autrui - pas observé
2. L’interaction avec autrui est souvent caractérisée par un comportement de séduction sexuelle inadaptée ou une attitude provocante - pas observé
3. Expression émotionnelle superficielle et rapidement changeante (passe du rire aux larmes au cours de l’entretien, avec la capacité à adopter un état neutre lorsque l’infirmière l’interrompt volontairement et change de sujet pour la maintenir dans une humeur stable)
4. Utilise régulièrement son aspect physique pour attirer l’attention sur soi. (La question du poids est centrale dans son récit traumatique ", j’ai entendu ma tante dire qu’il fallait me mettre au régime par ce que j’étais trop grosse », « Après il y a eu cette remarque grossophobe ». L’automutilation évoquée, qu’elle soit réelle ou non, correspond à une mise en scène basée sur le corps, utilisant ce dernier comme média « Je me suis mutilé. J’avais des bandages autour des bras ».
5. Manière de parler trop subjective mais pauvre en détails (« Désolé, c’est pas drôle mais c’est nerveux », « Il y a eu un enchaînement de trucs dans ma vie. J’allais pas bien. J’ai craqué, beaucoup même ! Je suis allé plus loin que d’habitude », « Oui, mais bon. Je n’ai pas entendu que des bonnes choses », « Mais c’est pas de sa faute, c’est l’école qui ne voulait pas l’encadrer pour devenir professeur »
6. Dramatisation, théâtralisme et exagération de l’expression émotionnelle (on observe des sanglots à répétitions avec alternances de rires. La patiente a des haut-le-cœur qu’elle relie à ses états anxieux. Nous n’avons pas observé de larmes lors de ses pleurs. Elle évoque des automutilations sur des zones que la patiente découvre sans gène et pour lesquels nous n’avons pas constaté de traces. Elle souhaite que son ex-copain soit puni pour un acte qu’elle décrit comme non agressif et pondéré par la formalisation de son non-consentement. Elle se présente comme étant une victime du cyberharceleur alors que son histoire n’évoque pas de comportement qui laisserait penser à du harcèlement. Le récit de sa famille ne se fait qu’à travers la maladie (mère battue, père malade, fratrie polypathologique), « j’ai l’impression qu’ils ne pourraient rien faire sans moi »)
7. Suggestibilité, est facilement influencé par autrui ou par les circonstances (La patiente à adopté l’idéologie Woke qui articule plusieurs concepts autour de la sexualité. Elle évoque son appartenance à la communauté LGBT. Elle se décrit en utilisant le lexique précis issu des théories Woke pour chaque volet de sa sexualité. Le discours est donc bien investi « Je me considère comme non binaire, pan-sexuel ou pan-romantique et demi sexuel ». Par ailleurs elle indique avoir des difficultés à dire « non », « Oui, je dis beaucoup oui »)
8. Considère que ses relations sont plus intimes qu’elles ne le sont en réalité (le signe est à explorer, mais le fait que sa meilleure amie lui ait dit qu’elle était trop collante peut être un signe que Me P a imaginé qu’elles étaient plus proches qu’elles ne l’étaient en réalité)
Nous relevons 5, 6 critères du diagnostic de la personnalité histrionique. Nous pouvons proposer cette hypothèse lors d’une synthèse ou d’une réunion d’équipe si la patiente revient au CMP et décide de se faire suivre.
3 Le role clinique et les fonctions institutionnelles du psychologue
3.1 Le ou les référentiels théoriques au sein de l’institution
Définition : Dans le cadre de la psychologie clinique, le référentiel théorique est une théorie globale expliquant les rapports de causalité du triptyque « Trouble / Étiologie / Thérapeutique ». Ce référentiel est utilisé en tant que trame de fond interprétative du récit du patient. Dans l’ouvrage « L’étude de cas en psychologie clinique : 4 approches théoriques », il est dit que « …chaque clinicienne a construit et reconstruit les cas en un récit différent, dont la trame narrative est donnée par son référentiel théorique » (Schauder et al, 2012).
Utilité : Le référentiel a pour objectif de guider le psychologue dans sa compréhension des phénomènes pathologiques. Le relevé sémiologique lui sert de point de départ du travail. Ces éléments sémiologiques sont ensuite interprétés selon le référentiel du psychologue afin de leur donner du sens, et leur attribuer une dynamique spécifique. Par conséquent, les psychologues peuvent s’appuyer sur une nosographie alignée sur leur référentiel théorique, par exemple les catégorisations en psychoses et névroses du modèle psychanalytique. Comme ils peuvent tenter un exercice plus périlleux de réconcilier leur nosographie avec celle suivie par les institutions, notamment lors de la discussion autour de diagnostics. Ainsi, on retrouve des ponts entre la psychose maniaco-dépressive et les troubles bipolaires, ou encore la névrose hystérique et le trouble de la personnalité histrionique. Mais l’exercice peut devenir plus compliqué lorsque l’on parle d’anorexie, d’autisme ou d’autres troubles neurodéveloppementaux (Palazzi, 2015).
Controverses : Les référentiels ont souvent été l’objet des querelles de clocher. Il est fréquent de voir des parutions visant à prouver la supériorité, ou la non-scientificité d’un référentiel. À titre d’exemple, on peut citer les critiques qui ont été faites au béhaviorisme par rapport aux limites de son modèle, à savoir, la non-prise en compte des cognitions (Mariné et Escribe, 2016). La psychanalyse continue d’être critiquée sur son manque de scientificité. Une situation emblématique à cet égard est la position de Karl Popper vis-à-vis de la psychanalyse. Popper et Freud ont cristallisé un débat opposant une approche empirique pour le volet psychanalytique et le paradigme scientifique du moment, à savoir, la significativité d’un résultat communément appelé valeur p (Perron, 2008).
Les principaux courants : Lieury et Léger (2020) nous proposent un récapitulatif des principaux courants dont voici la liste. Le courant psychanalytique se base sur les travaux de Freud. La psyché est divisée en plusieurs instances caractérisées par des fonctions spécifiques. Une pathologie résulte d’un trauma dans le processus de développement de l’individu. Ce trauma influence la structure psychique d’une personne l’incitant à décompenser selon ses « lignes de fragilités ». Le courant cognitivo-comportementaliste combine le courant comportementaliste issu des travaux de conditionnement (Watson, Pavlov, Skinner) et le courant cognitiviste inspiré par l’avènement de l’informatique, qui conçoit le mode de fonctionnement du cerveau comme celui d’un ordinateur, c’est-à-dire, la récupération, le traitement, le stockage et le rappel d’information. Le courant humaniste ou existentiel apparaît avec Carl Roger et son approche centrée sur la personne. Il considère que chaque personne a les ressources en lui-même pour trouver une réponse à ses maux. Il prône donc une attitude d’empathie, d’acceptation inconditionnelle et la congruence (Brodeley, 2012). Par ailleurs, une attitude non directive est de mise afin de laisser le patient s’actualiser par lui-même. La systémie, issue des écoles de la communication de Palo Alto dirigé par les travaux de Bateston, considère que les pathologies ne résultent pas d’un trouble individuel, mais d’une configuration au sein de laquelle les interactions deviennent délétères. Le patient envoie des signaux auprès d’un tiers qui lui retourne un signal en guise de « rétroactions ». Inspiré par la cybernétique, ce courant conçoit le patient comme situé au sein de boucles rétroactives pouvant soit être source de souffrances ou bien de soutien (Delroeux, 2008).
Le référentiel de la psychologue du CMP : La psychologue du CMP est d’obédience psychanalytique freudienne. Pour travailler avec ses patients, elle utilise les topiques de Freud. Denis (2000) synthétise la métapsychologie de Freud. La 1re topique divise la psyché en 3 entités. L’inconscient est gouverné par le principe de refoulement. Certains fragments de pensées sont bannis de la conscience. Cependant, des transformations peuvent s’appliquer à ces pensées pour les rendre moins explicites et ainsi favoriser l’accès à la conscience (De Neuter, 2007). Le préconscient effectue la liaison entre l’inconscient et le conscient. Cette instance représente l’endroit ou deux types de signifiants s’associent, d’une part, le symbolisme sensitif provenant de la perception du phénomène et la trace mnésique qu’il génère, et d’autre part les mots. Cette mise en mots de l’expérientiel ouvre l’accès vers le conscient tout en le confrontant à un filtre. Cette instance est dominée par le principe de plaisir, par conséquent, le filtre en vigueur va consister à refouler les pensées porteuses d’affectes négatifs (Benyamin, 2013). Freud considère que les pensées transitant par cet espace peuvent devenir accessibles grâce à des efforts de rappel. En ce qui concerne, la conscience, il la décrit comme « ce qui est connu de soi-même » (Freud, 1977). Elle est l’instance du réel, c’est-à-dire qu’elle est l’espace où les pensées vont être confrontées aux principes de réalité. Ainsi s’opposent des pensées relevant des pulsions, ce que Freud appela plus tard le « ça », et des pensées de contrôles apprises qu’il nomma le « surmoi ». Cette instance assure le lien entre l’intra et l’extra psychique. Elle permet, entre autres, de comprendre les pathologies dont souffre un sujet.
3.2 Les réunions institutionnelles
Ces réunions ont pour vocation de coordonner les membres de l’équipe autour du mode de fonctionnement du centre. Ces réunions permettent de créer de la stabilité et de la cohérence dans le temps (Quilliou-Rioual, 2020). Les points adressés dépendent vraiment de la structure de l’institution. En effet, bien que l’on retrouve ces réunions dans l’ensemble des structures psychiatriques ou médicalisées, les sujets abordés sont en lien avec leur mode de fonctionnement, les services qu’ils proposent, les patients qu’ils accueillent et les actualités du groupe auxquels les institutions sont rattachées. Au CMP de la Ferté-Alais, ces réunions servent à aborder les thématiques suivantes :
L’organisation de l’activité : Le centre doit être en mesure d’accueillir ses patients et de les prendre en charge conformément à leur protocole. Pour cela, il est crucial que l’équipe ait une vision claire sur les jours de présence de chacun. La revue du planning permet d’assurer un nombre suffisant d’effectifs afin d’ouvrir le centre, mais aussi d’assurer certaines activités comme celle du CATTP. Par mesure de sécurité, les infirmières veillent à ne pas être seules pour la tenue de l’accueil. Certains patients peuvent adopter des comportements imprévisibles et représenter une source de danger.
Le cas de Mr M
Un patient connu et habituellement suivi au CMP de la Ferté-Alais se présente en salle d’accueil. C’est un homme dans la cinquantaine qui fait régulièrement des séjours en hôpital psychiatrique en raison de symptômes psychotiques. Il a récemment été autorisé à quitter l’hôpital avec un suivi au CMP. Il vient assister à son rendez-vous de suivi. L’infirmière vient l’accueillir pour l’emmener dans un bureau. Une fois dans la pièce, elle le convie à prendre place et se mettre à l’aise. Mr M retire son blouson qu’il pose sur le dossier de sa chaise, il sort un couteau de cuisine d’une trentaine de centimètres et le pose sur le bureau en mentionnant « Cette fois, je vais tuer mon père ». L’infirmière a pu détendre le patient avec un discours rassurant et empathique. Elle indique au patient qu’elle a besoin d’un collègue pour réaliser cet entretien en mettant en avant le fait que celui-ci ne se sent pas bien. Elle arrive à récupérer le couteau sur le bureau pour l’éloigner du patient. Elle donne un coup de fil sur un autre poste du centre, et une autre infirmière est venue en renfort pour canaliser le patient et éviter les débordements.
La gestion des agendas permet également de coordonner des prises de soin entre les infirmiers, les psychiatres et les psychologues.
La revue des nouveaux cas : C’est dans ces réunions que sont présentés les nouveaux patients du centre. Les infirmiers assurent le 1er rendez-vous et collectent des informations