INTRODUCTION
Ce qui va suivre concerne principalement les agissements de V. (chanteur dans plusieurs projets, dont le plus connu est un groupe de métal indus toulousain), et des répercussions sur la communauté qui s’est créée autour du forum qu’il a mis en place, administré et modéré pour promouvoir son groupe. Les témoignages ici présents proviennent de membres du forum (de tous genres et de toutes orientations sexuelles) qui ont suivi le groupe de V. pendant plusieurs années. Ils y décrivent les concerts, les afters, ainsi que les interactions entre elleux, V. et les musiciens / membres de groupes différents gravitant autour de V.
Après la publication d’un article sur les violences sexuelles dans le milieu des musiques extrêmes dans Mediapart (qui mentionnait entre autres l'un des projets auquel participe V.), Ju a eu le courage de rédiger des stories sur Instagram, le 21 juin 2021, dénonçant, en particulier, le grooming et les manipulations commis par V., qui avait environ 34 ans lors des faits tandis que Ju en avait 16. [Dans le droit français, un rapport sexuel entre un adulte et un mineur de plus de 15 ans est autorisé sauf si l’adulte a autorité ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions : c’est alors un délit. Qui plus est, avoir pour habitude de fréquenter des personnes beaucoup plus jeunes, qui manquent d’expérience et de recul, dénote d’une propension à contrôler et à instrumentaliser].
Quelques personnes ont alors exprimé en privé leur soutien à Ju. La question : « Que pourrions-nous faire, collectivement, pour rendre nos scènes musicales plus safe » a alors émergé. Mais nous n’avions aucune idée de quoi faire…
Début juillet 2023, nous avons pris connaissance d’un projet de documentaire relatant le succès de ce groupe de musique et de la “formidable communauté” qui l’entourait. Le témoignage de Ju s’est remis à circuler sur les réseaux sociaux.
Le 26 juillet 2023, le compte Instagram Balance Ta Scène a relayé un appel à témoignage concernant ledit chanteur.
Quelques heures après l’appel à témoin publié par Balance Ta Scène, le chanteur du groupe a envoyé un message à un ami commun à qui il avait promis, après la sortie des stories de 2021, de reprendre contact avec Ju pour s’excuser - sans jamais passer à l’action. Puis, quelques minutes plus tard, c’est la compagne actuelle du chanteur qui a tenté de contacter Ju, en proposant de jouer un rôle de médiatrice. Lorsque Ju a refusé cette offre de médiation qui semblait particulièrement inadaptée, le chanteur a demandé à Ju s’il pouvait l’appeler, ce que Ju a décliné, suggérant plutôt un échange par mail. Le chanteur n’a jamais donné suite à cette proposition de communication écrite, et a supprimé son compte Facebook pour en recréer un nouveau le 29 juillet.
Ce groupe se prépare à partir en tournée dès le 6 octobre - tournée qui a officiellement été annoncée le 9 septembre 2023 comme étant une tournée d’adieu.
Il n’y a jamais eu de communiqué officiel ou de tentative aboutie d’aller sincèrement vers les victimes. Il n’y a eu que dissimulations, manipulations, et gaslighting [forme d'abus mental dans lequel l'information est déformée ou présentée sous un autre jour, omise sélectivement pour favoriser l'abuseur, ou faussée dans le but de faire douter la victime de sa mémoire, de sa perception et de sa santé mentale].
C’est dans ce contexte que nous partageons nos témoignages : pour que d’autres victimes sachent qu’iels ne sont pas seul·es, pour que tout ça ne se reproduise plus jamais.
TÉMOIGNAGE COMMUN
On est beaucoup à avoir rejoint le forum du groupe aux alentours de 2003 / 2006. C'était super cool de trouver cette communauté, parce que pour beaucoup d'entre nous, on avait du mal à s'intégrer un peu partout, sauf à cet endroit où tout semblait ouvert, fluide, libre et hors norme.
On est également beaucoup à avoir énormément bougé partout en France, en Belgique, en Suisse - toujours en compagnie d'autres fans - pour assister aux concerts du groupe. Et comme à chaque fois qu'il y avait un concert, il y avait les afters. Ce n'est un secret pour personne que le groupe affichait une devise sex, drugs et rock’n’roll et chaque after en backstage ou à l'hôtel était un cliché du genre. En soi, pourquoi pas, c'est aussi ça qui rendait le tout attrayant. Dans leurs paroles, ils abordaient les questions de genre, le féminisme, la sexualité hors hétéronormativité, le BDSM, on aimait ce discours et cette diversité. Grâce à cette communauté on a découvert Virginie Despentes, Ovidie, Wendy Delorme… Et pourtant…
Pourtant, il n'y avait pas un soir où il n'y avait pas un élément dérangeant. Des filles trop alcoolisées ou droguées pour donner leur consentement, des filles mineures ou tout juste majeures chassées comme des proies par V., une pression savamment dosée de V. pour que les témoins restent silencieux et ne répètent pas ses multiples infidélités à ses compagnes. De plus, les autres groupes amis/proches de celui-ci avaient les mêmes comportements problématiques. Pressions sexuelles et psychologiques, harcèlements, agressions, tout cela merveilleusement ignoré ou passé sous silence parce que « l'alcool, la drogue, c'est l'ordre des choses du rock’n’roll ». Nous étions pour la plupart soit mineur·es, soit naïf·ves, soit tellement confus·es quant à ce qui était ok ou non qu’il était compliqué de savoir comment réagir à l'époque.
Témoignage N°1
J’ai découvert le groupe sur scène à la toute fin des années 90 : couleurs flashy, sonorités industrielles, attitude décadente, il ne m’en fallut pas plus pour tomber raide fan ! J’ai revu le groupe en 2003. À l’époque, j’étais accompagnée d’un ami qui les connaissait. J’ai pu rentrer backstage, rencontrer le groupe et j’étais aux anges. Quelque temps plus tard, j’ai ouvert un LiveJournal. V. en avait un également. On s’est suivi mutuellement, et un jour, alors que j’avais posté un selfie, il l’avait commenté pour me dire que j’étais “hot”.
Je me suis inscrite sur le forum du groupe (aux alentours de 2003?2004?). J’étais ravie de trouver un endroit plein de weirdos fans des mêmes trucs que moi : ça parlait musique, ciné, art, littérature, cul : c’était parfait. Sur ce forum, il y avait un topic appelé “Tous à poil !”. Je ne sais plus qui avait eu l’idée de le lancer, mais très vite, ce topic a été rempli de photos plus que suggestives de tous les membres du forum. Très souvent, des filles. Très souvent aussi : des mineures. Mais on ne s’offusquait pas plus que ça à l’époque : ça craignait un peu mais la sexualité débridée était après tout l’une des thématiques des paroles du groupe.
En 2006, j’ai revu le groupe en concert. Il y avait une soirée DJ juste après et je suis restée pour danser un peu. Mon copain n’était pas là, et V. m’a rejoint sur la piste de danse. Il m’a demandé de but en blanc “Tu n’auras pas envie de sexe par hasard ?” et je lui ai répondu que non, mais qu’il avait l’autorisation de penser à moi pendant qu’il baiserait la prochaine nana à qui il allait le proposer. Il a re-insisté pour du sexe oral, j’ai re-refusé, et quelques minutes après, il était déjà en train de brancher une autre fille.
Des concerts et des afters avec le groupe, j’en ai fait une tripotée : tous les coins de France, de Belgique ou de Suisse, à 12 dans des chambres d’hôtels, à assister de loin à toutes sortes d’ébats et d’abus de stupéfiants possibles. J’étais toujours présente, mais jamais complètement incluse (par choix : les coucheries sous drogues ne m’intéressaient pas vraiment). Un jour, en Suisse, nous étions en after avec un groupe d’aggrotech d’Aix-En-Provence. B., le chanteur, était au téléphone avec sa copine. Aussitôt raccroché, il s’approche de moi pour me demander ouvertement de coucher avec lui. Je refuse et il me répond “ben tu fous quoi là alors ??” (car apparemment, une fille en after ou backstage n’a qu’une seule fonction…). Il a ensuite re-insisté pour que j’aie une relation sexuelle avec lui et S. (le batteur) dans les chiottes. J’ai encore refusé. Il commençait à re-insister quand S. a dit “laisse-la tranquille, c’est une pote de M.” (un ami commun). Ce n’est qu’à ce prix que j’ai pu avoir la paix.
Ce n’est pas le cas de la fille avec qui je trainais, I. qui était ultra ivre ce soir-là. Alors qu’elle était à moitié évanouie dans un lit, certaines personnes ont continué de la faire boire. Elle en pinçait pour S., qui n’était pas libre et qui n’en avait rien à foutre d’elle, mais il a tout de même couché avec elle à l’arrache dans les chiottes. Quelque temps après, j’ai appris qu’I. avait été une nouvelle fois super ivre, lors d’un festival. Je n’étais pas présente, mais elle était visiblement dans une tente, complètement déchirée. Et apparemment elle aurait été “tournée” par S., V. et potentiellement d’autres mecs que ça aurait fait bien marrer. Je crois que c’est cette dernière anecdote qui a fini de m’écoeurer des soirées avec eux.
Par la suite, ayant pris un peu mes distances avec les afters, j’ai revu le groupe sur scène. Et à chaque fois ce même scénario de V. qui, aussitôt le concert fini, partait chasser des demoiselles dans la salle, me demandant toujours de ne rien dire à sa compagne. La plupart du temps, c’était des filles jeunes, très jeunes, et pas toujours en possession de leurs moyens.
Et j’ai bien honte d’avouer aujourd’hui qu’en effet, je suis toujours restée silencieuse. Je n'ai pas réagi à l’époque, même en ayant été la cible desdites pressions sexuelles, même après avoir vu V. avoir des relations avec des filles mineures, même après avoir entendu que I. avait été la cible de multiples relations non consenties.
Maintenant que l'eau a coulé sous les ponts, que je comprends l'ampleur de ce à quoi j'ai assisté et qu’on commence collectivement à prendre conscience des enjeux autour des violences sexuelles et sexistes, je ne peux plus ne plus réagir. Ce témoignage est donc le moins que je puisse faire pour soutenir les personnes qui ont été abusées psychologiquement, émotionnellement, physiquement, sexuellement et en espérant que les personnes qui en sont à l'origine prennent pleinement conscience de leurs actes.
Témoignage N°2
Je venais d’avoir 16 ans quand j’ai rencontré V. Il jouait ce soir là dans ma petite ville grise et fade et, après l’avoir vu parler de moi avec un des mecs du second groupe, je me suis débrouillé pour récupérer son adresse email.
Sa seule réponse, quelques minutes après mon mail - une ode de fan à leur musique et à ce concert qui venait sans doute de changer la trajectoire de ma vie ? - son adresse MSN, suivi d’un « ;) ». Je l’ai ajouté immédiatement, le cœur battant. S’ensuivirent une invitation à rejoindre le forum de son groupe, ainsi que des nuits entières de discussions passionnantes et de flirt passionné. Il n’avait pas loin de 20 ans de plus que moi.
Après ça, j’ai du revoir le groupe sur scène plus d’une dizaine de fois. À chaque fois que je croisais V, la séduction continuait. Il passait des heures à me regarder, que sa copine du moment soit à côté de nous ou pas, me sautait dessus dès qu’il le pouvait pour m’embrasser, me tripoter, me déshabiller, et me demandait de repartir avec lui - ou avec lui et une autre fille. J’étais la plupart du temps complètement ivre, mais j’étais (selon moi) parfaitement consentante, incapable de croire que quelqu’un d’aussi cool et brillant que lui puisse s’intéresser à moi.
Lui-même m’a dit un soir, alors que je descendais voir un groupe à son bras, « moi, j’aime les (insérer ici un stéréotype de femme), les (autre stéréotype), les (dernier stéréotype) ». Aucune de ces catégories ne m’incluant franchement, je l’ai regardé, interrogative : «… et les filles cultivées et intelligentes ».
Une autre fois, il m’a entraîné dans les loges pour me faire lire les derniers chapitres de son roman, avant de me déclarer que le personnage principal, une adolescente passionnée de musique qui rencontrait certaines de ses idoles, était à la fois inspiré de Daria Morgendorffer et… de moi (je sais maintenant que cette déclaration avait été utilisée sur d’autres).
« On n’a toujours pas couché ensemble. Il faudrait y remédier », m’a-t-il aussi annoncé un soir en m’embrassant alors que je m’apprêtais à partir. J’avais 17 ans.
Des anecdotes comme celles-là, j’en ai sans doute 10 de plus. Notre relation décousue a duré plus de 10 ans, jusqu’à ce que j’essaye finalement de relationner avec lui, pour réaliser très vite que je n’avais rien à lui dire. Une fois descendu de son piédestal, toute la tension disparue, il ne restait plus rien à sauver. J’avais peut-être déjà réalisé inconsciemment que cette relation ne pouvait pas être saine. Lui, ne s’en étant pas rendu compte, se vexa, et je n’ai plus eu de nouvelles pendant longtemps. Comme après cette soirée, plusieurs années plus tôt, que j’avais préféré finir avec quelqu’un d’autre que lui.
Au cours de ces années adolescentes, sur le forum du groupe, j’ai rencontré d’autres hommes bien plus vieux que moi.
Il y eut notamment S., musicien de cold-wave nantais avec qui j’avais aussi de longues discussions sur MSN. Si je ne l’ai jamais rencontré, ni n’ai laissé entendre quoi que ce soit, il développa pour moi des sentiments obsessionnels, allant jusqu’à m’écrire un album entier - sans laisser de place pour le doute, puisque son titre était un jeu sur mon pseudo de l’époque, et que la page Myspace était truffée de photos de moi, glanées sur le forum et qu’il n’avait jamais reçu l’autorisation d’utiliser. Pour lui, c’était une offrande qui ne pouvait que me donner envie de me jeter dans ses bras, pour moi, c’était le malaise total et j’ai vite coupé court à toute relation, aussi épistolaire soit-elle.
J’ai appris en le rencontrant à Lyon l’année dernière que B., DJ et membre de plusieurs groupes (ayant notamment collaboré avec V.) - avec qui je n’avais absolument aucun souvenir d’avoir discuté, en ligne ou IRL, avait quant à lui gravé un CD de photos de moi nue (l’un des topics du forum les plus fréquentés à l’époque se nommant « Tous à poil ! »). Je les avais prises lorsque j’avais 16 ou 17 ans, il en avait déjà plus du double. Il m’a écrit quelques jours plus tard en se vantant d’avoir retrouvé le CD en question.
Témoignage N°3
Ma première rencontre avec le groupe, c'était en 2005, j'avais 16-17 ans. Je trainais avec une bande de potes qui écoutaient le même style de musique que moi et un jour, le nom du groupe est apparu. Des posters fluo ont commencé à tapisser les murs de leurs chambres, les sonorités étaient brutales et saturées. On explorait notre identité de genre, nos sexualités alternatives, et les concerts du groupe ont rapidement été une source de libération, un défouloir, et un environnement où on pouvait fréquenter des gen.x comme nous.
Mon pote avait réussi à me convaincre de l'accompagner à un concert. « J'ai pu avoir des invitations* et il y a cet autre groupe qui joue aussi » c'était pour le lancement d'un EP - ou un truc promotionnel - en plein jour, dans une salle minuscule, et finalement peu de monde. C'était fou et surprenant, la facilité avec laquelle on pouvait aborder les membres après le concert. À cette époque, je n'avais assisté qu'à des concerts de gros groupes inaccessibles. Soudainement, je pouvais accéder à cet environnement et en plus, on me faisait sentir que j'y avais ma place. On prenait des selfies bras-dessus, bras-dessous avec les membres du/des groupes, à l'aide d'appareils photo numérique bas de gamme, ça finissait sur des skyblogs et sur des forums, et ça faisait de nous des cool kids. À l'époque, mes potes et moi on s'était sentis valorisés, considérés et intégrés. Là où partout ailleurs, je ne me sentais clairement pas à ma place. Et puis j'étais en décrochage scolaire, j'avais retapé deux classes, j'étais gotho-punk dans un bahut de banlieue, autant dire que je n'attendais que ça.
*Pour précision, à l'époque il suffisait d'envoyer un message privé aux membres du groupe pour obtenir des invitations. C'est de cette façon que, sans revenus et avec seulement de l'argent de poche, j'ai pu me rendre à autant de concerts. Je sais que pas mal d'autres membres du forum et de la même tranche d'âge ont fonctionné de la même façon.
Mon inscription sur le forum du groupe s'est faite presque immédiatement. Et tout aussi rapidement, j'ai commencé à aller à un maximum de concerts, à traîner avec le groupe et avec les autres groupes qui faisaient généralement les premières parties ou partageaient les affiches de festivals. D'abord en région parisienne, puis un peu partout en France, jusqu'en Suisse ou en Espagne, et bien sûr sans que mes parents ne soient au courant.
La première fois avec V. j'avais 17 ans et lui 33. C'était la troisième fois que je voyais le groupe. Il m'avait lancé des regards intéressés les fois précédentes sans forcément m'aborder car sa copine de l'époque était présente. Il ne m'a pas demandé mon âge.
(À ce moment-là, il fréquentait C. Elle était très jeune aussi, plutôt timide ou en tout cas toujours un peu en retrait par rapport à lui.)
C'était donc la troisième fois, lors d'un concert dans le sud de la France. On avait passé tout le trajet en train avec mon pote B. à picoler comme des trous et à se peindre le visage en fluo. On était arrivés arrachés. Le concert joue, j'ai pu squatter les backstage sans difficulté, pas mal de personnes de ma tranche d'âge étaient présentes (surtout des filles), dénudées sans que ça ne dérange vraiment. Puis j'étais tellement ivre que j'ai fini dans une loge pour dormir car il fallait que je cuve mon alcool. Je n'ai plus le déroulé de la soirée en tête mais après le concert, je me souviens avoir croisé mon pote dans un couloir d'hôtel qui s'apprêtait à prendre une trace d'une drogue quelconque, fournie par N. un membre du forum également présent à ce concert. Il m'en a proposé, j'ai dit non merci, j'ai fini dans une des chambres à coucher avec V. sans capote.
Le lendemain, direction l'Espagne en voiture avec une partie du groupe.
N. passe tout le trajet à dormir sur le siège passager, je ne me pose pas de question. Le groupe partage cette fois l'affiche avec un groupe d’aggrotech d’Aix-En-Provence. On est dans les loges, on attend que les concerts commencent. Mon pote s'éclipse pour reprendre une trace à nouveau fournie par N. Il m'en propose une, je lui demande ce que c'est, il me répond qu'il ne sait pas. Tant pis, j'y vais. On se cale dans un WC, on prend notre trace, on se cale devant la scène. Le concert commence, je pique du nez, j'ai la nausée. Je lutte pour garder les yeux ouverts. Je file aux toilettes, je ne tiens pas debout. Je vomis. Je m'effondre sur un banc. Un des membres du groupe d’aggrotech s'assoit à côté de moi et commence à me taquiner plutôt que de s'assurer de mon état. Il me dit « Alors ! On veut faire comme les grands et on ne tient pas ? » Je passe le reste de la soirée à vomir des trombes d'eau partout où je vais. J'apprends par la suite que cette drogue que j'ai sniffée, c'est de la rabla, un genre de sous-héroïne, de très mauvaise qualité.
-Quelques mois plus tard, on a appris que N. s'était suicidé, ou était mort d'une overdose, je ne sais plus exactement.-
On m'emmène dormir dans un coin de chambre d'hôtel, et dès le lendemain, rebelote dans la voiture sur le retour pour Toulouse. La situation est lunaire, je couche avec V. sur la banquette arrière et à nouveau sans préservatif, pendant que mon pote B. est en train de vomir dans sa trousse de toilette à côté de nous, que le conducteur ne bronche pas, que N. est dans un demi coma sur le siège passager. On se fait contrôler à la frontière, j'ai encore le petit bout de papier froissé dans la poche qui contenait la poudre brunâtre que j'avais sniffée. Et je suis trop mal pour avoir peur que la police s'en rende compte. Finalement nous sommes repartis sans problème. Et je n'ai aucun souvenir de comment j'ai pu rentrer chez moi à Paris.
Peu de temps après, V. a commencé à fréquenter X. (une de mes amies proches à l'époque) qui a un an ou deux de plus que moi. Leur histoire durera plusieurs années. Leur début de relation semblait passionnel, il lui vouait une fascination indécente. Elle s’est amourachée de lui. Une de leurs premières fois, je crois que c'était lors d'un festival, il l'avait emmenée dans la forêt, elle était revenue au petit matin les genoux écorchés, les collants troués de partout, les cheveux pleins de feuilles. Dans le RER au retour, il avait eu C. au téléphone et lui parlait d'une voix très douce en lui disant des mots tendres, j'étais en face de lui, il était un peu gêné.
Après un temps de double relation, lui et C. ont fini par se séparer. (Un jour, on apprend que V. s'est cassé la main en donnant un coup de poing dans un mur ou une vitrine de magasin plutôt que de « péter la gueule » à C., suite à une grosse engueulade). Pour autant, il ne s'arrête pas de draguer et coucher avec tout un tas de filles, toujours bien plus jeunes que lui. J'assiste pendant toute cette période à des crises d'angoisses à répétition de X., des coups de fils en pleurs etc... Elle est très attachée mais peine (à juste titre) à faire confiance à V. Il réussit toujours à l'apaiser et à la convaincre qu'elle se trompe, qu'elle imagine le pire, qu'il est innocent etc...* Et elle finit par se convaincre qu'il a raison, et que c'est elle qui déraille.
*D'ailleurs il joue énormément de cette image de loser, de mec naïf, faible, innocent, intello. Et je pense que c'est ce contraste qui pouvait attirer chez lui. Sur scène, il est charismatique, androgyne, plein d'assurance, et le reste du temps il se montre vulnérable, plutôt introverti, timide, et très (très très) cultivé.
À l'époque où il commence à fréquenter X. il est donc encore avec C. et le chevauchement des deux relations durera plusieurs mois. Et pendant cette période, il comptera sur la plus grande discrétion des membres du forum en verbalisant ou en faisant comprendre implicitement qu'il faut surtout que ses dérapages restent secrets. De la même manière, sa relation suivante avec O. chevauchera l'histoire avec X. pendant une période assez longue et probablement que sa relation avec E. prendra le relais avec O. Les recoupements ne sont pas si difficiles à faire, surtout avec l'arrivée de réseaux sociaux comme Myspace et Facebook et des «likes» visibles sous les commentaires et les photos.
Une autre fois, je suis en Suisse pour un festival organisé dans une ancienne gare désaffectée.
I. (mentionnée dans une autre anecdote) est présente. Je passe la soirée à essayer de dissuader V. de coucher avec I. Il la traque quand même en continu tout au long de la nuit et saisit la moindre occasion pour passer du temps seul avec elle. Il sait que X. et moi sommes très proches et que ça me met dans une situation inconfortable. Il m'assure qu'il ne se passera rien. À un moment je perds sa trace, et je ne vois plus ni V. ni I. Avec mon ami M. on part à leur recherche plutôt que de profiter du festival. J'ai 17 ou 18 ans à l'époque, et je surveille le mec de mon amie, qui a la trentaine passée, et qui joue au chat et à la souris avec moi pour absolument choper cette autre fille. Ils finissent probablement par y arriver car je les vois réapparaître ensemble un peu plus tard, de derrière le bâtiment, en vrac, un sourire mi-gêné, mi-fier sur le visage.
À plusieurs occasions, j'ai entendu V. dire des choses comme « elle est très belle mais très très conne » et je l’ai vu en couple avec cette personne peu de temps après. Ou l'inverse, « elle n'est pas terrible mais elle est très gentille » sachant qu'il avait couché à plusieurs reprises avec cette personne dans le dos de sa copine officielle du moment. Il m'est arrivé de coucher avec lui alors qu'il était en couple avec O., il avait passé la soirée à se plaindre que sa relation battait de l'aile. Je n'allais pas bien, on s'était mutuellement pris en pitié. Il avait éteint son portable. Elle avait essayé de m'appeler plein de fois car il était très tard dans la nuit. En panique et sur le point de se faire griller, il m'avait donné une version de mensonge très précise à mentionner à la copine en question. Il m'est aussi arrivé de coucher avec lui, quelques années plus tard, de nous faire surprendre, et qu'il n'assume aucune responsabilité, qu'il joue la carte de la discrétion et de la lâcheté, pendant que moi je perdais des amies pour cause de haute trahison.
Pour info :
-J'ai consenti à des relations sexuelles avec V.
-Je n'ai jamais été sobre lors de ces relations.
-Il n'a jamais dit non -malgré mon âge, ou mon état- bien au contraire.
-J'ai pu le voir très agacé au téléphone, à essayer de se dépatouiller de petites copines en panique, à qui il mentait ouvertement.
Pour témoigner plus largement, je ne me considère pas directement victime, j'ai consenti aux interactions (voire, j'ai pu les provoquer) et aux moments décadents avec les membres du/des groupe.s gravitant dans la sphère du groupe. Cependant je constate avec le recul que la plupart des relations étaient biaisées par la différence d'âge, de genre (majoritairement des hommes cisgenres plus âgés, avec une certaine notoriété ou un certain charisme découlant de leur statut intellectuel/culturel). Et en y réfléchissant, on ne m'a jamais dit « non tu es trop jeune » ou « non tu es trop ivre/sous substances », on ne m'a jamais parlé des effets et risques de prendre telle ou telle drogue. Je n'ai jamais vu l'ombre d'un préservatif traîner dans les soirées. Et surtout mon âge n'a jamais posé de problème.
Ju faisait partie des plus jeunes d'entre nous, ça n'a jamais empêché des mecs approchant la quarantaine de lui faire des avances, de l’idolâtrer, et V. de préciser à qui voulait bien l'entendre que Ju était sa principale source d'inspiration pour un personnage fictif dont il écrivait l'histoire (alors qu'il était en couple avec X.).
Il m'est aussi arrivé d'assister à des soirées/concerts où une grande partie des filles présentes étaient soit des ex, des amantes, des cibles ou des actuelles, ou tout en même temps. Et de voir V. raser les murs, sans savoir où donner de la tête.
Et puis à un moment donné le forum a commencé à partir en vrille. Il y avait des histoires de partout. Il y avait des coucheries à cacher, des profils de mecs mi-pédo mi-fachos qui n'étaient pas supprimés sous couvert de «ici on ne censure pas», des rapports biaisés, des bris de consentement, des histoires d'abus sexuels ou moraux, des contenus de messages privés qui se retrouvaient à être divulgués alors qu'on connaissait les admins, on commençait à tou·te·s se connaître et la vie privée de chacun·e n'était plus du tout respectée. On a petit à petit déserté le forum, la dynamique de groupe s'était essoufflée et il y avait trop d'histoires entremêlées.
Le 24 juin 2021, suite au témoignage de Ju, V. a fini par supprimer définitivement le contenu du forum.
Témoignage N°4
Fin des années 1990/début des 2000s, j’achetais religieusement chaque mois le magazine Elegy. C’est comme ça qu’en 2001, j’ai entendu pour la première fois de ma vie la musique de ce groupe. Moi qui étais fan de Ministry et des Lords of Acid, le coup de foudre a été instantané !
Il me semble que c’est, en 2004, dans les pages “concerts” de ce même magazine que j’ai vu que le groupe allait jouer dans une salle parisienne, en première partie d’une formation goth allemande que j’aimais aussi beaucoup. Je ne pouvais pas ne pas y aller, et ça a été la révélation : pour la première fois de ma vie, je me sentais à ma place. Au milieu d’un public survolté qui était autant constitué de punks, que de goths, de métalleux, ou de gens en kigurumi de licorne… Une foule bigarrée, déchaînée, qui dansait dans un joyeux bordel fluo. J’ai vraiment accroché avec l’ambiance du public et de retour chez moi, je crois que je me suis inscrite sur le forum du groupe, curieuse de voir si je pouvais connecter avec d’autres personnes aux goûts aussi éclectiques mais spécifiques que les miens. Au début, j’ai le souvenir qu’il y avait beaucoup de mecs qui étalaient leur culture sur ce forum (forum dont V. était l’astre autour duquel tout tournait, les autres membres du groupe ne participant que très peu, voire pas du tout à ce forum), mais petit à petit, il y avait de plus en plus de gens de tous horizons (dont beaucoup d’ados/jeunes adultes) et en 2006, j’ai commencé à rencontrer d’autres membres du forum lors de concerts.
À partir de 2007, j’ai passé énormément de temps avec S. et G., deux membres du forum qui habitaient près de chez moi. Chaque week-end, on partait tous les 3 voir des concerts, danser sur des dj sets, faire la fête lors de festivals ou d’événements privés à Nantes, Paris, Tours, Rennes, Brest, St Brieuc, Rouen, Bordeaux, Toulouse etc. Souvent, par souci économique, on dormait à 3 ou 4 dans le même lit chez des amis, des amis d’amis, dans des chambres d’hôtel premier prix, dans des squats, ou on dormait dans la voiture, voire : on ne dormait pas du tout.
Fin 2007, S., G. et moi étions partis voir le groupe jouer dans une petite ville de Bretagne. Comme d’habitude, l’alcool et la drogue coulaient à flot, et au moment d’aller dormir, V. nous avait proposé à tous les 3 de venir dans sa chambre d’hôtel, qu’il partageait avec un autre membre du groupe. S. avait prévu son petit matelas de camping et un sac de couchage qu’il avait rapidement installés dans un coin, mais G. et moi n’avions rien prévu. Dans la chambre d’hôtel, il y avait un lit double et un lit simple. V. insistait pour que je dorme avec lui dans le lit double. J’étais hyper naïve et je ne voyais pas le mal, je me disais qu’on était là pour dormir, comme toutes les fois où j’avais dormi avec 2, 3 ou 4 autres personnes dans le même lit… G. insistait pour que je dorme avec lui dans le petit lit, et pour que V. et l’autre membre du groupe dorment ensemble dans le lit double. Je ne comprenais pas trop ce qui se passait, j’étais épuisée et soûle, je voulais juste dormir quelques heures avant qu’on se fasse dégager de la chambre d’hôtel. V. continuait à insister lourdement pour que je partage son lit et G. me répétait « non, crois-moi, tu ne veux pas “dormir” avec V. ». Finalement, je crois que S. a ordonné à V. de me laisser tranquille et de se taire pour qu’on puisse dormir, et je suis allée me coucher avec G., dans le petit lit (où on a juste : dormi). C’est là que V. a dit à G., sur un air mi-vexé mi-déçu, avec une tête de chien battu : « de toute façon, c’est toujours toi qui as les jolies filles »…
En 2008, j’ai passé beaucoup de temps à Toulouse. J’appréciais énormément X., la copine de V.. On était étudiantes toutes les 2 (mais dans des villes différentes), donc généralement, à chaque vacance scolaire, on se retrouvait en même temps à Toulouse pour rendre visite à nos mecs respectifs. Ce qui était gênant, c’est que, quand elle n’était pas là, V. ne se privait pas pour coucher avec d’autres filles, beaucoup plus jeunes que lui la plupart du temps, et il nous demandait de ne rien dire à X.. 
Un week-end d’été, j’étais partie à un festival de musique en région toulousaine avec des potes, et V. était déjà sur place quand on est arrivés. Il était déjà complètement soûl et/ou défoncé, et il tenait une jeune fille par la main, à peu près dans le même état que lui. Avant même qu’on ait eu le temps de lui dire bonjour, il nous a accueillis par un : « je ne suis pas là, vous ne m’avez jamais vu ». Moi, trop naïve, je me tourne vers mes amis, confuse, et je demande : « Hein ? ». Gros malaise, personne ne me répond. V. et la fille partent se rouler derrière un buisson, et quand on les a recroisés plus tard dans la soirée, ils avaient les vêtements en vrac, les cheveux en bataille, avec des feuilles et des brindilles partout, pas besoin d’être un génie pour comprendre ce qu’ils avaient fait derrière le buisson… Encore une fois, V. nous a demandé de ne pas révéler à X. qu’il avait passé la soirée avec une autre fille. Les semaines qui ont suivi, je me sentais vraiment mal de mentir à X., une personne que j’appréciais, que je commençais à considérer comme une amie, et qui me faisait part régulièrement de ses doutes et inquiétudes quant à la fidélité de son mec… Un jour, X. m’appelle en pleurs, en me disant que V. lui a avoué qu’il l’avait trompée, juste une fois. Moi, toujours d’une naïveté confondante : « Ha, il t’a ENFIN parlé de la fille du festival l’été dernier ?! Je suis si soulagée, j’en pouvais plus qu’il nous demande de te mentir là-dessus ». Gros blanc. X. me dit « Euh attends là, de quoi tu parles? Il m’a trompée une seule fois, à telle date, avec telle meuf…bon, je raccroche et je te rappelle plus tard ». J’ai ensuite reçu un appel de V., et comme une idiote, j’étais en train de me confondre en excuses… Il m’a dit : « nan, mais t’inquiète pas, je ne t’en veux pas, c’est de ma faute, j’suis qu’une merde » blablabla. X. m’a re-rappelée ensuite pour me dire que c’était fini entre V. et elle, qu’elle ne m’en voulait pas, mais elle s’est vraiment éloignée de moi après ça. La cerise sur le gâteau ? Une personne que je pensais être une amie (une proche de V., et qui était présente à ce festival d’été toulousain) a par la suite arrêté de me parler parce que j’avais selon elle fait du mal à V. en ne protégeant pas son secret…
Aujourd’hui, avec le recul, j’ai beaucoup de culpabilité quant au fait de ne pas avoir compris tout ce qui se passait à l’époque, de ne pas avoir pris soin des membres de la communauté plus jeunes que moi, et de ne pas avoir parlé à chaque fois qu’il se passait quelque chose de malsain, dangereux, voire carrément illégal…
Heureusement, il n’y avait pas que du pourri dans ce milieu, et ça me touche beaucoup de voir que 15 / 20 ans plus tard, même si je n’ai plus aucun contact avec les membres du groupe, je suis en revanche toujours en contact avec des gens formidables rencontrés via ce forum. Des gens qui sont prêt·es à faire le travail nécessaire pour reconnaître que ce qui s’est passé était en fait inadmissible, des gens prêt·es à parler, à s’exposer, à admettre leur part de responsabilité sans s’auto-flageller pour autant, et à se bouger ensemble pour soutenir les personnes qui ont subi les violences et abus...
Témoignage N°5
Autour de 2006/2007 j’ai appris l’existence du groupe, aucun souvenir du comment mais ça a été une très grande révélation comme beaucoup l’expriment plus haut. Musicalement, le show scénique, les thèmes abordés, et le gros bonus avec la communauté/le forum. Je vais essayer de me focaliser sur cette fameuse communauté qui gravitait principalement autour du chanteur, V..
Entre 2007 et 2011 environ, j’ai assisté à une douzaine de concerts du groupe et je participais activement au forum. Cette implication au sein de la communauté m’a amené à rencontrer très rapidement les membres, dont V. et le groupe lui-même (hébergement, tournages, guest en concert, etc.).
En dehors des journées « focus sur le travail », chacune de ces rencontres était l’excuse pour faire le party et se défoncer. Rien de plus ordinaire pour des gens de notre âge, seulement si nous témoignons aujourd’hui, vous vous doutez bien qu’un gros MAIS va suivre.
Sous couvert d’ouverture, de découvertes, de Punk’n’chaos etc., il y a une réalité qui est malheureusement à l’antithèse de la mise en avant Queer, Gay, BDSM par l’image du groupe. Ces soirées reproduisaient les schémas hétéronormatifs et machistes de notre société : des dudes qui venaient « chasser » leur prochaine proie, se fichant des règles de base du consentement, profitant de l’alcool et autre joyeuseté pour forcer la main. Rien de tout cela n’était caché, certaines de ces personnes en parlaient ouvertement lors des soirées.
À l’époque, pour ceux qui se rendaient compte de ces abus mais qui n’ont rien fait (moi y compris), la raison est très simple :
· Effet de groupe, tout cela semble normal pour ces personnes (victimes comprises), qui suis-je pour les juger et crasher le party ?
· Éducation bien différente sur ces enjeux dans les 2000’s vs 2023.
· La plupart d’entre nous étions aussi de jeunes personnes en construction, difficile de distinguer clairement ce qui est correct ou non à cet âge.
Cerise sur le gâteau, les dudes problématiques avaient pour la plupart autour de la trentaine bien passée, et leurs victimes 10/15 ans de moins, voire même étaient très souvent mineures. Pas besoin de vous faire un dessin, en 2023 on appelle ça de l’abus d’autorité pour rester soft.
Jusqu’à présent je ne mentionne aucun nom, parce qu’il ne s’agit pas d’une seule personne isolée, mais je dois malheureusement mentionner V. encore une fois. Il est à l’origine de cette communauté et de ces dérives.
Malgré son allure soft, introverti/en retrait, intellectuel et loin de tout problème, c’était loin d'être le dernier à reproduire les schémas mentionnés auparavant.
1. V. repère la jeune fille avec qui il aimerait terminer la nuit.
2. Il essaye de la charmer, s’il voit une ouverture il continue, sinon il passe à la "proie" suivante.
3. S’il y a besoin, aucun problème à encourager l’alcool et autres drogues pour obtenir le précieux sésame. Tout cela est fait assez discrètement pour qu’une personne qui assiste à la scène ne voie pas forcément le problème à première vue.
4. Si le plan s’est déroulé comme prévu mais qu’il y a des témoins, il va s’assurer que ces personnes ne répètent rien à son officielle de l’époque.
J’ai en souvenir d’autres anecdotes plus subtiles mais dont je ressortais déjà à l’époque avec un léger malaise :
· V. qui complimente la beauté de mon amie présente à une soirée, avec un gros sous-entendu dans le ton de la voix et le regard que je n’ai pas compris à l’instant de la discussion, mais que je pouvais interpréter par la suite comme : « est-ce que c’est ta copine ? Si non, tu me la présentes ? ». Évidemment cette amie était à peine majeure au moment des faits et V. 35 ans passés.
· Pre-show d’un festival où le groupe joue, mais sans les membres du forum, juste quelques amis. On jase avec V., qui discutait aussi avec une fille, encore une fois assez jeune. Vient un moment où cette fille demande l’âge de V.. Sans réfléchir je réponds directement « ah non mais V. il est vieux laisse tomber, quasi la 40aine ». En réponse : gros silence et V. qui me regarde avec un mélange de colère noire et de chien battu comme s'il me suppliait d’arrêter là. Les deux partent en backstage plus loin et je ne les reverrai pas.
Est-ce que j’avais déjà conscience des problèmes mais mon cerveau refusait de l’accepter et j’essayais de le communiquer comme je pouvais ? Aucune idée, c’est probablement partir trop loin dans l’interprétation.
Mais tout cela pour dire que OUI, en 2023 avec du recul et les connaissances qu’on a pu acquérir sur le consentement, le comportement de V. et de très nombreux membres était problématique, en incohérence avec ce que le groupe et cette communauté représentait.
PS : Heureusement qu’il reste de belles rencontres et d’autres beaux souvenirs liés à cette époque, mais difficile de ne pas les voir ternis en repensant globalement à cette période.
PS BIS : Je sens déjà venir certains membres de cette communauté pour nous sortir un “vous êtes devenus chastes en vieillissant, vous étiez bien contents à l’époque” ou encore “à bas la cancel culture, bientôt on ne pourra plus rien dire” et blablabla. Ce à quoi je dois répondre que si vous prenez ce raccourci en pensant qu’on condamne la sexualité, la consommation, etc. c’est que vous n’avez évidemment rien compris, sorry not sorry.
La finalité ici c’est : Oui faites ce que vous voulez avec vos corps, à partir du moment où il y a un consentement éclairé lorsque cela implique une tierce personne.
Autrement dit : ne pas profiter du peu d’autorité qu’on a face à une personne pour obtenir ce que l’on désire.
Ne pas profiter de l’état amoindri d’une personne pour obtenir un consentement qui n’aurait pas été accordé si la personne était sobre.
Témoignage N°6
Au tout début de mon adolescence, vers 14 ans, j’ai découvert le groupe. Ça a été pour moi une vraie aide dans ma construction sociale et l’acceptation de mon homosexualité. Peut-être par la représentation voulue par le groupe et certain·es membres du forum. Cependant, l’histoire n’a pas été toute rose et inclusive.
Malgré l’imaginaire queer, féministe, cyber-punk, BDSM présent dans le groupe, à de nombreuses reprises je me suis questionné, et d’autant plus à mon âge, sur l’utilisation de ces thématiques comme décorum du groupe. J’ai pu constater, lors des concerts, des agissements qui étaient loin de ceux défendus, évoqués, par le groupe. Notamment dans l’idéologie et l’imagerie BDSM, où la notion de consentement est une des clés de la relation. Les deux parties ont une sorte de contrat moral qui autorise les personnes à découvrir leur sexualité dans des jeux de soumissions / dominations, humiliation…etc.
Lors de mon expérience dans la sphère du groupe, j’ai découvert que des schémas hétéronomartifs et patriarcaux étaient clairement présents : culte de la masculinité (sous couvert d’un look androgyne), glorification du chanteur du groupe... Mais le plus choquant dans tout cela c’était peut-être l’intérêt charnel pour les jeunes filles adolescentes, aussi bien de la part de certains membres du groupe que par des membres du forum.
Il y a quelques mois, un témoignage a circulé qui a permis (notamment à moi) de prendre conscience de la / des problématiques. J’ai grandi en écoutant Marilyn Manson, artiste pour lequel j’avais un très grand intérêt mais qui maintenant, en 2023, m’inspire le plus grand des dégoûts. Comment ne pas prendre position quand des cas de viols, de violences, des abus de pouvoir sont exercés sur d’autres personnes, notamment sur des personnes mineures ?
Avec mon regard d’adulte, j’ai du mal à concevoir l’attrait érotique pour une personne en construction, en recherche de soi. Cela ne me viendrait pas à l’idée d’avoir des relations sexuelles avec des jeunes hommes de 16 ou 17 ans.
Aujourd’hui, je suis un peu doux-amer en réécoutant certains titres, d’un côté pour l’appropriation des luttes LGBTQ+ par des personnes majoritairement hétérosexuelles (même si un de leur ex-membre était gay), mais aussi en raison des abus et des absences de consentements.
Je crois que les choses se sont aggravées quand le groupe a partagé pas mal de dates avec un groupe d’aggrotech d’Aix-En-Provence. J’ai eu l’impression qu’il fallait remettre encore plus la patte virile, la dimension rock’n’roll, meufs et bière…
C’était quand même un gros paradoxe par rapport aux valeurs que ledit groupe essayait de transmettre : la liberté sexuelle, le féminisme…
Témoignage N°7
Je me suis inscrit sur le forum du groupe en 2005 après avoir assisté à un concert complètement fou (durant lequel V. avait fini entièrement nu).
Contrairement à beaucoup d'autres membres, je n'avais pas la possibilité de voyager régulièrement dans toute la France pour voir le groupe en concert et rencontrer toutes ces personnes avec qui je passais mes journées à discuter en ligne.
Je n'ai donc jamais directement assisté aux comportements problématiques de V., ou alors c'est ma naïveté qui m'empêchait de le voir, en tout cas je n'en ai aucun souvenir.
Par contre, je me rappelle d'avoir vu plusieurs fois ce que j'ai interprété comme de l'envie, de la jalousie.
La première fois c'était en 2008, lors d'un festival à Nantes. Le groupe n'y jouait pas, mais l'affiche était constituée de la quasi-totalité de cette mini-scène indus/electro/goth française. Et V. y était en tant que spectateur.
Le second soir, j'ai passé pas mal de temps avec une membre du forum, nous nous sommes embrassés et V. nous a vus.
En fin de soirée, alors qu'il était accompagné de sa copine de l'époque, il est venu me voir en me disant quelque chose comme « Alors, on a goûté à la Bretagne ? ». C'était dit sur un ton enjoué, presque moqueur, mais son regard exprimait autre chose. Je le qualifierais de « regard de chien battu ». Je n'ai pas relevé.
La seconde fois c'était 10 ans plus tard, en 2018.
Le groupe n'avait plus le même « succès » mais continuait de tourner périodiquement, le forum était toujours en ligne mais plus personne n'y postait rien (à part des bots ou des gens qui y faisaient de la promo désespérée), mais j'aimais toujours bien le groupe et tout ce temps j'avais gardé un contact relativement régulier avec V. via Facebook.
Je vais donc les voir en concert avec ma copine de l'époque, qui était aussi une membre très populaire du forum.
Après leur set, V. vient boire un verre et discuter avec nous, mais je me rends vite compte qu'il essaye de la charmer. C'était subtil, elle ne s'est d'ailleurs rendu compte de rien, mais pour moi c'était évident. J'ai trouvé minable mais j'ai laissé couler.
J'ai appris peu de temps après qu'il lui avait couru après, sans succès.
Tout cela nous amène en 2021, au témoignage de Ju.
Bien que je n'avais rien vu, rien ne m'a étonné.
Le lendemain de sa publication, je décide d'essayer de me connecter sur le forum pour voir si quelque chose s'y passe.
Et je remarque une chose : la dernière personne qui s'y est inscrite, et qui s'était connectée quelques heures plus tôt, est (très probablement) l'actuelle compagne de V.
J'y retourne le lendemain, et là grosse surprise : il ne reste plus que cinq comptes sur le forum. Des centaines, voire des milliers de comptes ont été supprimés en moins de 24 heures.
Sur ce forum il y avait notamment un topic nommé « Tous à poil ! » qui servait aux membres à poster des photos d'elleux nu·es.
Il n'était en aucun cas interdit aux mineur·es bien que l'âge des membres était clairement indiqué sous leurs avatars.
Je n'ai pas le souvenir d'avoir vu des membres directement suggérer à d'autres de participer à ce topic (bien que ce soit probablement arrivé) mais l'effet de groupe et l'envie d'appartenance a évidemment joué un rôle dans son succès.
J'y ai moi-même pensé, sans jamais sauter le pas, alors que j'étais extrêmement pudique.
Témoignage N°8
Ce groupe reste celui que j’ai vu le plus de fois, avec une bonne vingtaine de concerts à mon actif, depuis la première fois que je les avais vus en 2003 (j’avais 17 ans) à un festival dans un petit village perdu au milieu de nulle part, mais pas loin de chez moi ; à l’époque, j’étais le seul mec avec un look goth-bariolé dans mon lycée, et même si je n’ai vraiment commencé à m’impliquer dans la communauté que quelques années plus tard quand je me suis installé à Paris, autant musicalement qu’esthétiquement, j’étais immédiatement conquis.
Mais aujourd’hui, ce qui m'inquiète le plus, c'est mon temps de réaction - et par extension celui de presque tous les gens concerné·es ou périphériques.
Quand une amie m'avait orienté vers les stories de Ju, je n'ai pas su comment réagir, et j'ai joué la carte du nihilisme, “un de plus sur la liste”, et je n'ai rien trouvé à dire, même si j’avais assez de souvenirs problématiques de l’époque pour qu’il n’y ait aucune place pour le doute.
Quand j'ai vu l'appel à témoin pour le projet de documentaire, je n'étais pas fondamentalement contre l'idée, parce que même si ça a toujours été évident que cette communauté débordait d'aspects malsains et problématiques, ça faisait aussi partie de son charme, et même si j'avais fini par prendre mes distances, il y a une longue période de ma vie où elle a joué un rôle important et j’en garde quand même beaucoup de bons souvenirs et rencontres.
Mais en contactant l'auteur du documentaire, j'ai demandé, sans vraiment réaliser le poids de mes mots, s’il comptait quand même aussi aborder les aspects plus problématiques de cette communauté et du groupe autour duquel elle gravitait...
Il m'a répondu qu'il y pensait, mais n'avait pas vraiment réussi à trouver de traces de témoignages en ligne ou dans son entourage ; du coup j'ai recontacté des ami·es de l'époque, au départ pour retrouver les stories de Ju, et ça a été le début d'une cascade qui m'a mené ici, et au fil des conversations de ces dernières semaines, les 'bons' souvenirs se sont mêlés à une avalanche de souvenirs glauques et consternants.
Et un des thèmes qui revient régulièrement dans ces conversations, c'est combien on a tous laissé passer des choses qui rétrospectivement paraissent tellement énormes et évidentes.
Et ce que j'aimerais arriver à en retenir, c'est la facilité avec laquelle des gens a priori de bonne volonté se laissent aveugler et entretiennent ce climat d'impunité qui produit des situations aussi gerbantes. Il suffit de pas trop y penser, et pour les coupables et les complices qui peuvent se le permettre, il n'y a rien de plus facile.
Quand j’ai commencé à fréquenter plus activement la communauté gravitant autour du groupe, j’étais élève en prépa littéraire, et à l’époque le débat “peut/doit-on dissocier l’oeuvre de l’artiste et/ou de son contexte” existait déjà. Même si j’étais suspicieux, je pensais qu’il y avait matière à débat ; mais c’était un débat profondément ancré dans le passé, et l’enjeu était plutôt de savoir si c’était acceptable d’étudier Rousseau malgré ses propos racistes ou d’écouter Wagner malgré ses convictions antisémites et racistes, et l’appropriation post-mortem de son oeuvre par le régime nazi. Il y avait bien Polanski qui pointait son nez de temps en temps, mais globalement, c’était presque abstrait parce que distant, autant par le temps écoulé que par les gens et contextes concernés.
Par contre, depuis quelques années, ce débat a pris un virage serré vers le présent, et la liste d’artistes contemporains qui se révèlent abjects semble s’allonger de jour en jour. Et dans ce contexte, non, il n’y a clairement plus la moindre place au débat, et c’est inacceptable de cautionner les dérives et les crimes d’artistes qui continuent d’en profiter.
Pourtant, aussi évident que ce constat m’ait semblé, il restait une dose d’aveuglement au travers de laquelle je n’ai fini par voir que ces dernières semaines : l’incroyable capacité d’aveuglement dont la plupart des gens semblent capables quand il s’agit de gens qu’on connaît et apprécie/appréciait personnellement...
Quand j’ai lu les stories de Ju, j’ai immédiatement éradiqué le groupe et ses side-projets de mes playlists, et j’ai unfriend V. de tous les réseaux sociaux où on était connectés. Et une part de moi savait (vaguement au départ, clairement une fois qu’on me l’a fait remarquer) que j’aurais probablement dû au minimum envoyer quelques mots à Ju, pour lui dire que j’en savais assez pour la croire sans l’ombre d’un doute, et que même si je ne suis pas vraiment actif sur les réseaux sociaux, j’aurais pu partager son témoignage. Mais je n’ai pas trouvé les mots, et je me suis convaincu que c’était une raison valide pour ne rien dire.
Après ça, à part une bonne dose de cringe chaque fois que le groupe était mentionné, je n’y ai plus trop pensé. Et quand j’ai entendu parler du projet de documentaire, c’est les bons souvenirs des gens que je considère/considérais être des amis et de tout ce que cette communauté m’a apporté qui sont remontés en premier. Ce n’est pas avant que les conversations avec Ju m’aient vraiment mis le nez dedans que je suis revenu à la réalité.
C’est d’autant plus inquiétant que c’est très clairement un phénomène généralisé, et l’armée de défenseurs du “bon vieux temps” qui s’est manifestée depuis qu’on a commencé à faire du bruit à propos de V. et la communauté qui s’est formée autour du groupe l’illustre de manière calamiteuse.
CONCLUSION COMMUNE
Après des années de silence, de prises de conscience successives quant à notre naïveté, nos manquements en tant qu’ami·es pour nous protéger les un·es les autres et notre tendance à nous voiler la face afin de ne pas être disruptif·ves dans cette communauté, la rédaction de ce document nous permet d'ouvrir une réflexion collective afin d'apprendre de nos erreurs.
Nous exigeons maintenant la même chose de la part de V. : la reconnaissance PUBLIQUE de ses abus d’autorité, de ses comportements répréhensibles répétés, et du fait qu'il ait créé et alimenté un espace (la communauté et le forum de son groupe) propice à la culture du viol et aux abus en tout genre de la part d’un certain nombre d’hommes sur d’autres membres - pour la plupart bien plus jeunes.
On veut la fin de l’omerta. Que les agresseurs se responsabilisent et admettent ce qu’ils ont fait, objectivement et factuellement, et présentent des excuses sincères, qu’ils apprennent à reconnaître la souffrance de l’autre sans en tirer partie. Au minimum : qu’ils écoutent les ressentis des victimes et fassent au mieux pour répondre à leur demande. Si prise de conscience il y a, qu’ils communiquent et participent à ce que ces scènes soient safe en informant d’autres hommes potentiellement problématiques.
Que les agresseurs avec un pattern soient écartés des scènes : en effet, lorsque l’on a une certaine forme d’influence, d’autorité et/ou de pouvoir, on a les responsabilités qui vont avec.
On veut que les victimes soient entendues et soutenues plutôt que silenciées et mises à l’écart (on rappelle que le chiffre de fausses accusations est de 2 à 6%, c’est moins que les autres crimes - et que les victimes n’ont rien à gagner à en faire).
On veut la fin du culte des musiciens, qui leur permet d’exercer du pouvoir sur leurs fans, mais aussi d’être défendus par des hordes de gens quand les victimes parlent. On veut aussi réussir à travailler en tant que communauté à déconstruire les comportements misogynes et la banalisation de la culture du viol encore bien trop mis en avant dans nos scènes.
Pour une scène plus safe, il faut qu’on apprenne collectivement à :
-Prendre soin les un·es des autres, observer s’il y a des personnes qui semblent super ivres/sous prods, demander si tout est ok, intervenir si on sent une situation de non-consentement, si quelqu’un se fait accaparer par un ou plusieurs hommes sans être à l’aise, demander de l’aide autour de soi si on est seul·e/pas en mesure d’intervenir.
-Prévenir/informer quand on sait qu’une personne a déjà agressé / abusé / harcelé / violé.
-Informer ces agresseurs pour s’assurer qu’ils ont bien conscience de ce qu’ils font et des conséquences.
-Créer des associations ou des espaces destinés à la prévention à l'usage des salles, des orgas autant que des spectateur·rices (où l'on pourrait entre autres réfléchir à la rédaction de brochures sur le consentement).
Un message enfin aux allié·es, aux personnes qui souhaitent faire mieux, ainsi qu'un rappel pour tous·tes :
-Si nous souhaitons être un·e allié·e, soutenir les victimes de VSS [violences sexistes et sexuelles] et les personnes sexisées [toutes personnes discriminées par le sexisme], prenons conscience que c’est un engagement qui mérite d'être pris au sérieux et qu'on s'investisse au maximum de nos capacités. Le faire pour apaiser notre conscience n’est pas suffisant. Il faut bien se rendre compte que nous soutenons des personnes qui ont passé leur vie à devoir gérer des problématiques que l’on ne peut comprendre que si on les a vécues dans nos chairs. C'est d’autant plus vrai si vous êtes un homme cis [diminutif de cisgenre, c’est-à-dire qui se définit conformément à son genre assigné à la naissance], qui n'a jamais été victime de VSS : ce sont des problématiques que vous pouvez comprendre intellectuellement, mais pas viscéralement. Cela implique donc de votre part de l’écoute, de l’humilité et de l’empathie envers ces personnes. De ne pas vous mettre au centre, mais sur le côté, en soutien.
-Relayons la parole des victimes : en ligne, et physiquement à chaque fois que c’est possible (sans pour autant se mettre soi-même en danger). Pour les hommes cis, votre position privilégiée est plus susceptible d’être entendue par les concernés et de produire du changement. Parlez ! Alertez ! Agissez ! Partagez aussi les ressources à votre disposition.
-Renseignons-nous sur le féminisme et les questions de genre au maximum. Cela nous permettra de comprendre en quoi être allié·e est bien moins simple que ce qu’il n’y paraît. En ayant une meilleure perspective des mécanismes en jeu, cela facilitera grandement notre tâche d’allié·e et nous permettra d’être au plus juste dans nos interactions avec les victimes de VSS et les personnes sexisées. Pour les hommes cis : rappelez-vous que vous agissez et réfléchissez depuis une position de privilèges (d’où l’écoute et l’humilité indispensables) dont vous n’avez pas forcément conscience parce que le patriarcat est un système qui a infiltré tous les pans de notre vie.
-Comprenons aussi que les victimes de VSS et les personnes sexisées ont, en plus de leurs traumas, probablement passé un temps colossal à réfléchir à ces problématiques et n’ont pas toujours le temps, l’envie, la patience ou l’énergie pour éduquer les allié·es : soyons patient·es, posons-nous des questions avant d'en poser (tout en gardant à l’esprit que personne ne nous doit de réponse), faisons le travail de notre côté quand nécessaire pour éviter de mettre encore plus de charge sur ces personnes devant déjà gérer une charge quotidienne et permanente.
-Être un·e allié·e prend du temps, et de l’engagement. Ayons conscience qu’il n’y a jamais de bon moment, et que ce sera presque toujours inconfortable (mais toujours moins inconfortable que d’être harcelé·e, agressé·e ou violé·e).
-Pour finir et résumer, pour les hommes cis, même si vous êtes convaincus d'être de bonnes personnes et d’être “du bon côté”, comprenez également que ce n’est pas parce que n’êtes pas un agresseur que vous ne pouvez pas, par exemple, avoir des paroles misogynes ou encore manquer de vigilance au sujet du consentement, même si vos intentions sont louables. Apprenez à accepter la critique et à vous remettre en question. Vous faites partie des personnes privilégiées par la société patriarcale. Ces privilèges vous octroient du pouvoir. Comment comptez-vous utiliser ce pouvoir ? Voulez-vous faire partie du problème ? Ou de la solution ?
Nous souhaitons sincèrement pouvoir guérir et apaiser nos traumas en lien avec les sujets ici présents. Nous demandons aux allié·es de faire de leur mieux pour nous laisser un espace (mental, physique, émotionnel) safe pour qu’on puisse non seulement soulager ces traumas mais en prévenir d’autres. Et si possible, que les allié·es fassent en sorte de ne pas les réactiver par une ignorance certes involontaire mais qui pourrait facilement être évitée tant il existe de ressources accessibles à tous·tes. Renseignez-vous !