Grégory Lorenzi, l’architecte du Stade Brestois
Par Thierry Dilasser et Pierre-Yves Henry
Le 06 février 2024 à 17h16
Directeur sportif du Stade Brestois depuis 2016, Grégory Lorenzi s’était donné dix ans pour voir jusqu’où il pourrait aller avec le club finistérien. Le voilà aux portes de l’Europe.
Grégory Lorenzi et Florent Ghisolfi ont longuement discuté aux abords de la pelouse de Le Blé, dimanche dernier, lors du match au sommet entre le Stade Brestois et Nice. Les deux directeurs sportifs, 40 et 38 ans, sont les têtes pensantes des 2e et 3e de L1 dans des projets qui n’ont pas grand-chose à voir. Nice affiche un budget de 85 millions et a fait sortir de terre un nouveau stade en 2013. Le Stade Brestois, 37 de moins, espère le sien en 2027. Cette ambition « de quelque chose d’exceptionnel qui pourrait arriver à Brest » est l’une des raisons qui a poussé Lorenzi à exprimer son désir de s’inscrire davantage dans la durée au Stade Brestois. Deux jours avant la venue du club azuréen, le Corse, joueur à Brest de 2008 à 2013 puis entre 2015 et 2016, a affiché son intention « de continuer l’aventure et voir jusqu’où ça nous mènera. Je suis bien dans mon environnement, j’ai encore des projets avec le club. Le président me fait confiance et je pense que je la lui rends bien ».
Au-delà de cette réciprocité, c’est une relation presque filiale qui unit Denis Le Saint avec son homme de terrain, à qui il délègue les pleins pouvoirs dans la gestion de son club. « C’est un mec carré, droit, travailleur, confie le président. On est proches depuis qu’il était joueur. Je connais ses parents, sa famille ». Lorenzi, qui a récemment construit une maison dans le secteur de Brest, est devenu l’architecte en chef d’un Stade Brestois dans la course pour se qualifier en Coupe d’Europe. « Quand j’ai pris mon poste, on n’avait ni terrain ni centre d’entraînement, et seulement neuf joueurs sous contrat, rembobine l’ancien défenseur. Il y a eu beaucoup d’étapes mais on est là pour bâtir ».
En huit ans, Lorenzi, que l’on présente tenace et ferme dans les négociations, qu’elles soient salariales avec les joueurs ou contractuelles avec les autres clubs, a imposé ses idées. Si l’effectif de la saison passée a parfois pu interroger dans sa construction, avant une deuxième partie d’exercice en boulet de canon, celui de cette saison est intégralement composé de têtes bien faites, le credo de l’ex-footballeur professionnel. « On a tous les deux appris avec le temps à mieux comprendre ce qu’était le projet du SB29 pour nous, ce qui collait bien au territoire en termes de profil de joueurs », confirme son président, fier des valeurs que véhicule son vestiaire.
Passé maître dans l’art de la plus-value sur les transferts, Lorenzi a permis au Stade Brestois de maintenir ses finances à l’équilibre. Ses quelques échecs (Hérelle, Slimani, Uronen) ou paris sans suite sont supplantés par des ventes à prix fort (Pintor, Diallo, Perraud, Faivre, Honorat) qui ont rapporté près de 60 millions d’euros. Il a d’ailleurs su flairer les bons filons avec les jeunes en devenir de l’AS Monaco, et maintenant ceux du Stade de Reims. « L’optimisation des moyens mis à sa disposition est indéniable et à terme, ce sera quelqu’un de « bankable » pour un beaucoup plus gros club, confie Bruno Satin, agent historique du football français. Il est la cheville ouvrière de la réussite actuelle du Stade Brestois et il jouit d’une liberté de manœuvre totale. Celui qui incarne Brest aujourd’hui, c’est Greg’», poursuit l’agent qui n’a pourtant jamais fait d’affaire avec lui.
Si son profil est convoité, Lorenzi se sent bien à Brest et ne se voit pas, dans l’immédiat, quitter le club finistérien pour un autre plus riche où il aurait de facto moins de pouvoir. C’est d’ailleurs la réflexion que Lorenzi avait eue en 2021 avec l’approche de l’Olympique Lyonnais. « Je ne sais pas dans quel club le directeur sportif a autant de liberté d’action », soutient Denis Le Saint, bien conscient de ce qu’il a à lui offrir et convaincu que « si demain, il a envie de partir, il m’en parlera au préalable et on aura le temps de préparer tous les deux son remplaçant ». En France, Saint-Étienne, Lens et Nice ont manifesté un intérêt pour celui qui ne se met pas en avant mais sait faire entendre sa voix, parfois pour recadrer. Le directeur sportif, récent diplômé d’un Master de manager général d’un club sportif professionnel, a su s’entourer, en plus de sa cellule de recrutement (*), de gens de confiance pour tisser un réseau solide. Une toile qui lui a permis d’être au parfum des envies d’ailleurs de Marco Bizot et Kenny Lala quand ils jouaient à Alkmaar (Pays-Bas) et à l’Olympiakos (Grèce). Il n’en avait pas eu besoin il y a un an pour « ressusciter » Éric Roy, avec qui il a construit un binôme plus fluide que ceux qu’il formait avec Der Zakarian et consorts. Peut-être sa plus belle prise.
* Composée de Thierry Bonalair, ancien joueur professionnel, Emmanuel Pascal, ex-adjoint de Jean-Marc Furlan et Yannick Lorenzi, son frère.