Posté le 3 novembre
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La Ville de Paris veut faire la guerre aux 145 000 logements vacants qu’elle recense. Un amendement propose de tripler leur taxe, qui passerait de 2 000 à 6 000 euros par an en moyenne par propriétaire.

En 2020, à Paris, près d’un logement sur cinq était laissé ponctuellement ou durablement inoccupé, selon l'Insee. Une situation qui s'est aggravée en quatre ans, de plus en plus d'appartements basculant dans la sous-occupation

La sous-occupation des logements, et plus spécialement leur vacance, posent de plus en plus problème aux collectivités. À l’heure où l’immobilier traverse une grave crise et où les grandes villes font face à une tension locative exacerbée, le sujet n’est plus du tout anecdotique.

Le nombre des logements dits « sous-occupés », regroupant ceux vacants (non meublés et inoccupés depuis plus d’un an) et les résidences secondaires et occasionnelles (occupées seulement quelques semaines par an), s’accroît depuis des décennies. À Paris tout particulièrement. En 2020, selon l’Insee, 262 000 logements, soit près d’un logement sur cinq (19 %), sont laissés ponctuellement ou durablement inoccupés dans la capitale parmi lesquels 128 000 logements (9,2 %) sont vacants.

Répartition des logements vacants à Paris

En quatre ans, ces chiffres ont encore grimpé d’après la Ville de Paris. « Sur 1,4 million de logements recensés, 400 000 le sont par des propriétaires occupants, 350 000 par des locataires privés et environ 290 000 sont constitués à parts égales de logements vacants (145 000) et de résidences secondaires (145 000)… C’est plus que les logements sociaux (270 000 dans Paris) », s’alarme Jacques Baudrier (PCF), adjoint à la maire en charge du logement.

Une offre de locations divisée par deux

Ce qui l’inquiète surtout, c’est qu’en moyenne 7 000 logements supplémentaires par an rejoignent, selon l’Insee, le statut de logements sous-occupés ou inoccupés à Paris. « Et nous, nous comptabilisons 8 000 logements locatifs privés en moins chaque année ! » s’agace-t-il, certain que ces locations basculent en sous-occupation.

Comment l’adjoint à la maire Anne Hidalgo peut-il en être si sûr ? « Nous le savons car les propriétaires cochent eux-mêmes la case qui correspond au statut de leur logement dans leur déclaration », détaille-t-il. Et depuis la suppression de la taxe d’habitation, ceux-ci sont contraints de déclarer en ligne, en même temps que leur déclaration de revenus, leurs différents logements en précisant s’il s’agit de résidence principale ou secondaire, louée ou non.

Or, avec la crise du secteur immobilier, la hausse des taux d’intérêt, beaucoup de ménages aspirant à la propriété ont dû reporter leur projet et rester locataires, bloquant des logements pour les accédants à la location. Il a rarement été aussi difficile de trouver à se loger dans Paris. Une étude du groupe SeLoger a de nouveau tiré la sonnette d’alarme la semaine dernière : « Le marché locatif est en total déséquilibre », insiste-t-elle. Selon ses chiffres, l’offre de biens à louer dans Paris s’est effondrée de moitié (- 54,8 %) depuis octobre 2021 (- 32 % au niveau national).

Les données du spécialiste de l’estimation immobilière PriceHubble sont encore plus spectaculaires : le volume des petites annonces a chuté de 61 % à Paris entre janvier 2021 et juin 2024 ! Le nombre des petits logements mis en location à un loyer de moins de 800 euros (charges comprises) serait particulièrement touché. Alors que « début 2021, environ 3 000 nouveaux biens de ce type étaient mis sur le marché chaque mois » à Paris, note le groupe, leur nombre est tombé depuis début 2022 « à moins de 1 000 par mois, soit une diminution de l’ordre de 65 % ! Cette baisse drastique illustre la difficulté grandissante pour les locataires de trouver des logements abordables à Paris, exacerbant la crise du logement dans la ville », conclut-il.

« Hausser la taxe à 6 000 euros par an reste modéré »

Face à l’hémorragie, l’élu PC à la Ville de Paris veut s’attaquer à la vacance. Il appuie un amendement au projet de budget 2025 qui autorise à tripler la taxe sur les logements vacants (TLV, en la grimpant de 0,4 % à 1,5 %). Une telle mesure rapporterait plus de 300 millions d’euros par an à l’État. « Cette taxe représente 2 000 euros en moyenne par an pour un propriétaire parisien, la grimper à 6 000 euros par an reste modéré comparé à certains pays, renchérit l’adjoint à la maire. À Vancouver (Canada), on recense 6 % de logements vacants et elle est dix fois plus élevée ! Beaucoup d’autres pays, comme l’Espagne, ont déjà réagi, nous sommes à la traîne, pas assez dissuasifs, donc inefficaces. »

D’autant que 60 % des bailleurs privés parisiens possèdent, souligne-t-il, au moins cinq biens et disposent donc d’un patrimoine suffisant pour s’en acquitter. « Ce triplement remettrait sur le marché locatif 100 000 logements à Paris et jusqu’à 1 million en France », assure-t-il.

« Les politiques publiques dissuadent de mettre en location »

« À Bruxelles (Belgique), laisser un logement vide, inoccupé est assimilé à une infraction, appuie Catherine Sabbah, déléguée générale de l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (Idheal). Et il y a une sorte de droit de réquisition temporaire qui permet aux pouvoirs publics de le remettre en état et de le louer un certain temps afin de se rembourser et loger des ménages. »

Elle rappelle que le parc résidentiel est fait pour loger des gens, « les propriétaires qui considèrent leur logement comme un placement, un coffre-fort, ne font pas un bon calcul social mais il faut aussi tenir compte de l’état dans lequel sont ces biens », tempère-t-elle.

« Les propriétaires n’ont pas tous les moyens de faire des travaux, ni ne souhaitent se défaire de leur patrimoine qui peut servir en cas de besoin, répond Olivier Princivalle, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) du Grand Paris. Si la vacance augmente à Paris, c’est la faute des politiques publiques qui dissuadent de mettre en location. Comment ne pas devenir attentiste face aux contraintes de l’encadrement des loyers et du calendrier d’interdiction de louer un bien énergivore : d’ici à 2034, 60 % des logements parisiens seront interdits à la location ! »

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