Posté le 12 novembre
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L'expression illustre la célèbre courbe en U renversé de l'économiste américain Arthur Laffer. Il faut réduire les impôts des entreprises pour relancer la dynamique de la courbe.

Jean-Baptiste Say, sous la Restauration, avait énoncé, de façon très concrète, la thèse selon laquelle « trop d'impôt tue l'impôt ». Mais la postérité en est revenue à l'économiste américain Arthur Laffer.

« Un ouvrier laborieux, m'a-t-on dit, avait coutume de travailler à la lumière. Il avait calculé que dans sa veillée il brûlait une chandelle de 4 sous et gagnait 8 sous par son ouvrage. Un impôt sur les suifs et un autre sur la fabrication des chandelles ont augmenté de 5 sous la dépense de son luminaire, qui est devenu ainsi plus coûteux que la valeur du produit qu'il pouvait éclairer. Aussitôt la nuit venue, l'ouvrier est demeuré les bras croisés ; il a perdu les 4 sous que son ouvrage lui pouvait procurer sans que le fisc n'ait rien perçu au sujet de cette production. Une semblable perte doit être multipliée par le nombre des ouvriers d'une ville et par le nombre des jours de l'année. »

Ce texte, qui a pour auteur Jean-Baptiste Say, a été rédigé sous la Restauration. Il énonce déjà, de façon très concrète, la thèse selon laquelle « trop d'impôt tue l'impôt ». Cette formule encore souvent utilisée est désormais associée à l'économiste américain Arthur Laffer ; et ce, depuis un dîner qui a eu lieu à Washington il y a cinquante ans.

Tracée sur une nappe en papier

Début décembre 1974, Arthur Laffer retrouve Jude Wanniski, un journaliste conservateur, et deux cadres du Parti républicain, Dick Cheney et Donald Rumsfeld. Ceux-ci sont appelés à un grand avenir puisqu'ils seront les éléments clés de l'administration de George W. Bush entre 2000 et 2008. Thème du dîner : comment rebondir après le « Watergate », ce scandale qui a forcé le président Nixon à quitter la Maison-Blanche au mois d'août précédent.

Wanniski et Laffer proposent que le Parti Républicain se fasse le champion d'une baisse généralisée des impôts. Rumsfeld juge cela irresponsable car, selon lui, les Etats-Unis ont besoin de ressources fiscales élevées pour conforter leur suprématie militaire mise à mal par la guerre du Vietnam. Laffer plaide alors que les deux ne sont pas incompatibles. Pour lui, une baisse du taux d'imposition conduit à une croissance plus forte, donc un surcroît de recettes et donc, in fine, à une capacité de dépense plus grande. Pour expliquer ce paradoxe, il trace sur la nappe en papier du restaurant ce qui deviendra la « courbe de Laffer ».

Taux d'imposition optimal

En abscisse de cette courbe, il place le taux d'imposition ; en ordonnée, le rendement fiscal - c'est-à-dire ce que perçoit effectivement l'Etat. Quand le taux d'imposition est nul, l'Etat ne perçoit rien. Quand il est égal à 100 %, il ne perçoit rien non plus (personne n'accepte de travailler). Mathématiquement, la courbe part d'un rendement fiscal de 0 pour un taux d'imposition de 0 %, commence par monter puis redescend vers le 0 correspondant à 100 % d'impôt. Elle a la forme d'un U renversé.

Le taux d'imposition qui correspond au sommet de ce U est celui qui apporte à l'Etat un montant maximal de recettes. C'est le taux optimal d'imposition. Pour Laffer, il est clair que le taux d'imposition dans les pays occidentaux a dépassé, dans les années 1970, ce taux optimal pour atteindre des niveaux au-delà desquels le travail, pénalisé, se dérobe et les rentrées fiscales fondent. Une baisse d'impôt sera donc non seulement politiquement populaire mais encore économiquement utile.

A lire le récit de Jean-Baptiste Say, on comprend que l'idée d'un taux optimal d'imposition est ancienne. De fait, déjà en 1707, Vauban la défend dans sa « dîme royale », évaluant ce taux à 30 %. Dans les années 1760, le physiocrate Quesnay le ramène à 20 %. Quant à Keynes, il le fixe de nouveau à 30 %.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Que reste-t-il de la courbe de Laffer ? Bien que son fondement soit mathématiquement imparable, les politiques qu'elle a inspirées se sont heurtées à la difficulté de déterminer le taux d'imposition optimal.

Economie à la mode vaudoue

En 1981, Ronald Reagan, conseillé par Laffer, réduit les prélèvements obligatoires. Le résultat est décevant : les baisses d'impôts ex ante sont significatives mais les rentrées fiscales ex post le sont moins, si bien que le déficit budgétaire se creuse. George Bush, le vice-président de l'époque, effaré par l'évolution de ce déficit, va jusqu'à parler « d'économie vaudoue ».

En France, en 1983, lors d'un entretien télévisé, François Mitterrand adhère à son tour à la nécessité de réduire les prélèvements obligatoires. « Trop d'impôts, pas d'impôt. On asphyxie l'économie, on limite la production, on limite les énergies et je veux absolument revenir à des chiffres plus raisonnables. Qu'on amorce la décrue, qu'on renverse la vapeur ! »

Depuis cette déclaration, le taux de prélèvements obligatoires en France oscille entre 42 % et 44 % sans aucune conclusion évidente. Il faut dire que le contenu des prélèvements change pratiquement tous les ans. Des prélèvements ont fait leur apparition, comme la CSG ou la CRDS, tandis que d'autres ont disparu, comme la vignette automobile ou plus récemment la taxe d'habitation ou la redevance télé.

En outre, les discours sur la nécessité de baisser les impôts alternent avec ceux sur la « justice fiscale » qui masquent une volonté de les alourdir. Simultanément, l'augmentation mal maîtrisée des dépenses publiques a été d'une telle ampleur qu'en fin de compte la dette publique a explosé de 27 % du PIB en 1983 à 111 % aujourd'hui.

Relancer la dynamique

En fait, pour éviter de s'abandonner à « l'économie vaudoue », la baisse des impôts doit être conduite dans le cadre d'une réflexion globale sur les finances publiques. Sur le plan strictement fiscal, elle doit reposer sur une analyse fine des conséquences économiques de chaque impôt. Pour être précis, relancer aujourd'hui la dynamique née de la courbe de Laffer suppose de réduire les impôts des entreprises, notamment les impôts de production qui font l'unanimité contre eux, car ce sont elles qui nourrissent la croissance, mais aussi de répondre au défi écologique, par une taxe carbone d'un montant significatif.

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