Posté le 5 janvier
Télécharger | Reposter | Largeur fixe

Afin de limiter la tension locative, la municipalité a l’intention d’augmenter fortement les taxes sur les appartements sous-occupés. Mais le résultat est loin d’être assuré.

La mairie de Paris souhaite intensifier la pression financière sur les propriétaires de résidence secondaire pour les inciter à remettre leur bien en location classique

Vous n’habitez pas votre résidence parisienne à plein temps ? Alors préparez-vous à ouvrir votre portefeuille. Et en grand. Bon, pas tout de suite avec la censure du précédent gouvernement qui a balayé cette future réglementation. Mais ce n’est que partie remise.

Ainsi, la mairie de Paris veut multiplier par trois les taxes sur les résidences secondaires, comme sur les logements vacants. D’après les statistiques de l’Insee qui remontent à 2020, il y aurait un peu moins de 262 000 logements concernés au total, 134 000 résidences secondaires et 127 980 logements vacants. Leur nombre atteindrait même de 290 000 en 2024, soit une augmentation de 7 000 logements par an, selon Jacques Baudrier, adjoint au maire (PCF) au logement.

But de l’opération : faire revenir pas moins de 100 000 logements dans la location traditionnelle afin de mettre un frein à un marché qui se tend un peu plus chaque année. D’après les données de Se Loger, le nombre d’annonces a chuté de plus de 50 % en moins de trois ans dans la capitale. En frappant les propriétaires de logements sous-occupés au portefeuille, la municipalité espère donc inverser la tendance.

Pour Jacques Baudrier, tout avait si bien commencé. Fin novembre, les sénateurs avaient voté le fait que la taxe sur les logements vacants revenait uniquement aux communes et sans limite d’imposition. Pareil pour celle sur les résidences secondaires. Mais la censure a rebattu les cartes.

« Les taxes sur les résidences secondaires sont parmi les plus faibles au monde »

« Qu’importe, nous présenterons à nouveau ce projet et comme il est transpartisan, il sera voté, assure l’élu. On est quand même le pays où les taxes sur les résidences secondaires sont parmi les plus faibles au monde, à peine 0,4 % de la valeur du bien. Il faut changer cela et convaincre les propriétaires que ça leur coûtera plus cher de ne pas habiter leur logement plutôt que de louer. »

Concrètement, en moyenne, pour un appartement de 50 m2, il faut débourser entre 1 500 euros et 2 000 euros de taxes. Demain, avec le nouveau régime, ce sera 5 000 ou 6 000 euros. « Pour une somme bien moindre, ceux qui veulent venir à Paris peuvent aller à l’hôtel, propose Jacques Baudrier. Et puis, on laisse du temps à la réflexion car, même en cas de vote de la taxe l’année prochaine, elle ne sera pas applicable avant 2027. »

Si la Ville doit en arriver là, c’est que les résidences secondaires connaissent un succès grandissant depuis plusieurs décennies à Paris, accéléré par deux phénomènes : la location touristique avec l’arrivée des plateformes et le télétravail. « Louer ponctuellement a longtemps permis aux propriétaires d’amortir leur résidence secondaire (ce n’est, en principe, plus possible avec la réglementation actuelle) grâce à une meilleure rentabilité qu’une location traditionnelle, analyse Stéphanie Jankel, directrice d’étude à l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur). Par ailleurs, depuis le Covid, cela répond à des modes de vie qui ont changé avec le développement du télétravail. Sans compter la plus-value potentielle au moment de revendre. »

9 940 euros de taxe d’habitation

Alfred (le prénom a été changé), lui, y songe sérieusement. Depuis trois ans, sa résidence principale est à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Mais il a gardé son logement parisien : 190 m2 dans le VIIe arrondissement, proche du Champ-de-Mars. Il paie déjà 9 940 euros de taxe d’habitation sur sa résidence secondaire. Mais hors de question de passer à 30 000 euros.

« C’est sûr que je vais revendre et j’irai probablement à l’hôtel quand je remonterai sur Paris, lâche-t-il. Dans mon immeuble, la moitié des biens sont des résidences secondaires appartenant à de riches étrangers. Nous sommes dans des quartiers où les gens ont beaucoup d’argent mais je ne suis pas sûr que ces mesures suffisent à les inciter à s’en débarrasser. »

« Il est très délicat d’expliquer aux gens ce qu’ils doivent faire de leur bien »

Selon lui, ce système de taxe ne peut pas fonctionner partout dans la ville. « Mon appartement, si je le mets en location, c’est 10 000 euros par mois, il y a peu de familles capables de payer ce montant. Des expatriés peut-être ? Et si la mairie veut le racheter, c’est 4 millions d’euros. Je ne suis pas convaincu qu’elle souhaite mettre une telle somme. »

Si Alfred a des revenus confortables, ce n’est pas forcément le cas de tous les propriétaires de résidences secondaires. « Beaucoup de gens ont acheté leur logement il y a trente ou quarante ans, lorsque les prix n’étaient pas aussi délirants qu’aujourd’hui, rappelle Corinne Joly, directrice de PAP.fr. À la retraite, ils ont investi dans une petite surface au soleil. Ça ne fait pas d’eux des millionnaires. Ils gardent leur logement parisien soit pour s’occuper des petits-enfants durant les vacances, soit pour avoir un patrimoine à léguer. Il est très délicat de leur expliquer ce qu’ils doivent faire de leur bien, la mairie devra faire preuve de beaucoup de pédagogie. »

40 % de résidences secondaires dans le VIIIe

Certains savent déjà que ce sera très compliqué. Comme Jeanne d’Hauteserre, maire LR du VIIIe. Dans certains quartiers de son arrondissement, les résidences secondaires peuvent représenter jusqu’à 40 % des logements. « Il y a des immeubles entiers où les volets sont constamment fermés, se désole-t-elle. Beaucoup de propriétaires viennent du Moyen-Orient et ont donc de gros moyens. L’augmentation des taxes ne leur fera pas peur. On a aussi un bon nombre de sociétés qui ont acheté ici car c’est prestigieux. »

Cela impacte directement la vie de quartier. « Dans le Triangle d’or, vous aviez beaucoup de commerces de bouche, il y a encore quelques années, poursuit-elle. Aujourd’hui, ils ont quasiment disparu pour laisser place aux commerces de luxe. »
« On pourrait imaginer des quotas de résidences secondaires par arrondissement »
Alors efficace ou pas, cette future augmentation de taxe ? « C’est un peu comme avec la hausse du tabac, certains arrêteront de fumer donc il est probable qu’il y aura des propriétaires qui mettront leur appartement en vente, mais il paraît peu crédible qu’ils se lanceront dans la location, surtout pour les plus âgés », décrypte Corinne Joly.

Il existe aussi des méthodes plus radicales. « Le logement n’est pas un bien comme un autre, estime Stéphanie Jankel. Comme pour la location touristique, on pourrait imaginer des quotas de résidences secondaires par arrondissement. On peut même aller plus loin en les interdisant carrément en fonction des quartiers. » Si Jacques Baudrier se dit séduit par l’idée, il sait pertinemment qu’elle sera très compliquée à mettre en œuvre, surtout au niveau juridique.

x
Éditer le texte

Merci d'entrer le mot de passe que vous avez indiqué à la création du texte.

x
Télécharger le texte

Merci de choisir le format du fichier à télécharger.