Faute d'un budget voté pour 2025, le paiement des aides ne peut pas avoir lieu, a alerté la ministre du logement Valérie Létard. De quoi inquiéter les professionnels du secteur.
Depuis le début de l'année, le paiement des aides à la rénovation énergétique Ma Prime Rénov' est bloqué. En cause ? L'absence de budget pour l'État français en 2025, pointe la ministre du Logement, Valérie Létard. Cette dernière a prévenu dans une interview au Figaro publiée ce vendredi qu'« il est urgent de voter rapidement le budget 2025 car, tant qu'il n'est pas voté, les délais de paiement de Ma Prime Rénov' aux particuliers vont être rallongés pour tous les dossiers qui n'ont pas été instruits avant le 1er janvier 2025. »
De quoi inquiéter et agacer la Fédération française du bâtiment (FFB). Olivier Salleron, son président, se dit surpris d'un « tel amateurisme constitutionnel », dans un communiqué. « Cette situation, nouvel accroc à un dispositif qui n'en avait pas besoin après les errements du début 2024, va clairement provoquer de l'attentisme et conduire des ménages à abandonner les travaux qu'ils envisageaient », estime la FFB.
Pour rappel, afin de pallier l'absence de loi de finances de l'Etat pour 2025, conséquence de la censure du gouvernement Barnier, une « loi spéciale » a été adoptée et promulguée en urgence en décembre. Elle autorise l'exécutif à prélever l'impôt et à emprunter pour financer l'Etat et la Sécurité sociale. Ce qui permet d'assurer la continuité de l'Etat, « mais rien de plus », avait souligné le rapporteur général de la commission des Finances au Sénat, Jean-François Husson (Les Républicains).
La FFB demande à la ministre du Logement de confirmer « au plus vite que cette situation ne remet pas en cause la simple possibilité pour l'Anah de valider les nouvelles demandes d'aide ». « Il en va de la pérennité de dizaines de milliers d'entreprises, donc de l'emploi de centaines de milliers d'artisans, d'entrepreneurs et de compagnons », s'alarme Olivier Salleron. Pour les professionnels du bâtiment, la rénovation énergétique a représenté 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023, soit 14% du total, selon la FFB.
Mais le cabinet du ministère du Logement, désormais rattaché au ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, se veut rassurant et martèle qu'il ne s'agit que de « retards ». « Les ménages peuvent continuer à déposer leurs dossiers » de demande d'aide MaPrimeRénov', « il seront étudiés, mais il y aura un retard dans les délais de paiement des aides » de tous les dossiers qui n'ont pas été validés avant le 1er janvier, indique le ministère. Les dossiers d'octroi d'aide instruits et validés avant le début de l'année seront eux payés sans délai supplémentaire.
Concernant l'obligation de rénover les logements très énergivores (classés G au diagnostic de performance énergétique) mis en location, Valérie Létard affirme que les propriétaires ne sont pas laissés « seuls face à leurs obligations », grâce aux aides MaPrimeRénov'. Elle « en appelle à leur responsabilité » pour se conformer aux obligations de décence énergétique et estime que « les propriétaires n'ont pas vocation à être contrôlés ».
Le DPE classe les logements de A à G en fonction de leur consommation d'énergie et de leur impact sur le climat et c'est sur cette base que la loi « Climat et Résilience » de 2021 prévoit d'interdire progressivement la location des logements énergivores. Selon le calendrier actuel, les logements classés G ne peuvent plus être loués depuis le 1er janvier 2025. Les logements F sont concernés à partir de 2028 et enfin les logements E à partir de 2034.
Par ailleurs, les aides pour des travaux de rénovation énergétique MaPrimeRénov' vont continuer de couvrir en 2025 les « mono-gestes », comme le changement d'une chaudière ou de fenêtres, selon un décret et un arrêté publiés début décembre au Journal officiel. Les deux textes ont été signés in extremis avant la censure du gouvernement de Michel Barnier. Les particuliers pourront être subventionnés pour isoler leur toit, changer leurs fenêtres ou pour un autre mono-geste, sans devoir impérativement changer leur mode de chauffage, comme prévu initialement. Ils ne seront pas obligés d'effectuer un diagnostic de performance énergétique (DPE) pour prétendre à l'aide.
Enfin, pour les professionnels de l'immobilier, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) continuera de contrôler leurs activités.
Après 10.000 signalements reçus en 2022 et 23.000 en 2023, la DGCCRF a fait état en septembre de 30.000 signalements effectués depuis le début de l'année 2024 concernant le secteur de la rénovation énergétique.
Et du côté de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), qui étudie les dossiers de demande d'aides Ma Prime Rénov', ce sont près de 1.000 signalements qui ont été effectués au cours de l'année 2023. Le principal risque est l'usurpation d'identité, car il suffit d'informations sur l'identité d'une personne et d'un devis de travaux pour lancer une procédure de demande d'aide à la rénovation énergétique.
Attention surtout aux simulateurs en ligne qui demandent ce genre d'informations pour calculer l'aide auquel un ménage pourrait avoir droit : l'identifiant fiscal est une des principales informations nécessaires à la constitution d'un dossier auprès de l'Anah, et donc une porte d'entrée pour d'éventuelles fraudes. Outre les faux dossiers, le démarchage, qui est interdit dans le secteur de la rénovation énergétique, représente 80% des signalements reçus par la DGCCRF.