Posté le 3 mars
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Okimi Octavius


La famille Octavius vivait dans la contrée de Kost'hale, une magnifique vallée dont la terre était très riche, et dont les ressources n'avaient encore jamais été exploitées. Lorsque l'ancêtre de la famille découvrit cette parcelle, il décida d'y établir sa résidence familiale.

Malheureusement, Jack Octavius prit goût à la sensation de pouvoir qui lui procurait ses terres, et il finit par devenir gourmand. Aveuglé par l'obsession d'en vouloir toujours plus, Jack sombra dans la folie et déclara la guerre aux familles voisines. Durant les premières années, le sang coula à flots. Petit à petit, la réputation de Jack Octavius se répandit à travers la contrée et bien au-delà. Bientôt, Jack n'eut même plus besoin de se battre pour gagner de nouvelles terres : plus personne n'osait le défier.

Jusqu'au jour où sa cupidité attire l'attention d'une force supérieure…

Un soir, alors que Jack se plaisait à compter les richesses qu'il avait amassées, une divinité descendant sur sa propriété pour lui parler.

« Si tu renonces à toutes tes sources de pouvoir, je te promets une vie qu'aucune somme d'argent ne pourra acheter. »

Offusqué par cette demande, Jack n'en tint guère compte. Après tout, il avait déjà tout, alors que pouvait-il vouloir de plus ?

Mais la divinité revint le trouver.

« Je t'ai offert l'opportunité de purifier ton âme, et tu m'as rejeté. Jack Octavius, je condamne ta descendance à payer pour tes crimes. Tous les cinquante ans, des jumeaux naîtront. L'un d'eux ne sera que douceur et amour, tandis que l'autre apportera mort et destruction. Il tuera tous ceux qu'il rencontrera, mais l'Innocente vivra afin de perpétuer la lignée. »

Jack ne la crut pas.

Il continua à mener sa vie comme il l'entendait, mais sa richesse, en constante augmentation, ne lui suffisait plus. Il décide qu'il était temps pour lui de trouver une épouse. Rapidement, les familles, souhaitant instaurer un climat de paix avec lui, lui présentèrent de nombreuses prétendantes.

À force de rencontres, Jack finit par céder au charme d'une jeune femme qu'il décida d'épouser. L'amour le changea, il devient presque un homme bon grâce à sa dulcinée. Mais, hélas, il était trop tard. Moins d'un an après leur mariage, sa femme donna naissance à deux petits garçons, des jumeaux. L'un avait les cheveux roux, embrasés par le feu, et l'autre avait une chevelure d'un blond pur. C'est à cet instant que Jack comprit que tout était fini.


NAISSANCE


C'était une nuit d'hiver, et malgré la saison, le froid était anormalement intense, comme si les dieux savaient qu'un événement atroce allait se produire. Des cris s'échappaient de la demeure des Octavius. C'étaient les crises d'une femme sur le point de donner la vie. Cependant, des complications surgissaient : la grossesse avait provoqué une hémorragie placentaire, mettant en danger la vie de la mère autant que celle de l'enfant. Malgré les compétences des médecins, il fallait agir vite.

La jeune mère s'accrochait au bras de son époux, tandis que la sage-femme s'affairait entre ses cuisses. Avec précaution, elle sortit le bébé, mais...

« Il y en a un autre. »

Des jumeaux. Elle attendait des jumeaux. La mère et son époux échangèrent un regard. Ils savaient tous deux ce que cela signifiait. Depuis la malédiction, la famille Octavius avait découvert qu'en sacrifiant l'enfant maudit lors de la première nuit de pleine lune suivant la naissance, la malédiction était « annulée » jusqu'à la prochaine naissance. Mais encore fallait-il avoir le courage du faire.

La mère fut sauvée de justesse, et malgré la situation, elle était très fière d'avoir donné naissance à deux magnifiques petites filles en bonne santé. L'une était blonde, l'autre avait hérité du roux qui rappelait la malédiction. La jeune mère nomma la première Okimi et la deuxième Cathalina. Elle savait pourtant qu'elle ne devait pas s'attacher, mais elle ne pouvait s'empêcher de prendre l'enfant dans ses bras, de la couvrir de baisers. Et voir sa petite Nina si proche de sa sœur la touchait au plus profond de son cœur.
Alors, lorsque la nuit de la première pleine lune arrivait enfin, elle ne pouvait se résoudre à sacrifier sa fille, comme le voulait cette macabre tradition. Elle fit tout ce qui était en son pouvoir pour convaincre son époux de la sauver. L'homme n'avait pas un cœur de pierre ; lui aussi s'était pris d'affection pour la petite, mais ils n'avaient pas le choix... Ils devaient se séparer de l'enfant.

Il prit alors la décision qui lui semblait la plus juste pour sa famille : il décida de ne pas sacrifier l'enfant, mais ils ne la garderaient pas avec eux. Après tout, si la source du malheur n'était plus présente, alors la malédiction n'aurait plus de raison d'être.

Le père partit donc avec la petite Cathalina afin de lui trouver un nouveau foyer. À son retour, il décida avec son épouse de ne jamais révéler à Okimi l'existence de sa sœur jumelle, afin de la protéger...


L'ORIGINE


Quelque part, au tréfonds de l'univers, bien loin de notre Terre mal-aimée, se trouve un monde à la fois semblable et différent de ce que nous connaissons ici-bas. Ce monde s'appelait Vi'Hale. Inconnue de notre monde, cette terre était un trésor, rempli de richesses qui véritablement feraient pâlir d'envie n'importe quel homme. Pourtant, il ne vint jamais à l'esprit des Vi'Halois de souiller cette terre ou de se battre pour emporter les trésors qu'elle cachait. Au lieu de cela, ils décidèrent d'exploiter ensemble les cadeaux que Vi'Hale leur offrait, tout en la respectant. À aucun moment, ils n'agissaient de façon à mettre en danger leur monde ou leur sécurité. Ils ne connaissaient pas les technologies modernes que nous utilisons. Rien n'assombrissait l'esprit des enfants ; les hommes et les femmes prenaient plaisir à se promener à pied ou à cheval. Ils ignoraient tout de l'électricité, du fonctionnement d'un chauffe-eau ou d'un radiateur. Pourtant, ils se débrouillaient très bien sans tout ce superflu.

Leur mode de vie pourrait nous sembler rudimentaire, mais ce n'est qu'une illusion. Leur science et leur savoir sont bien supérieurs aux nôtres. En plus d'être une terre riche en minéraux et en matières précieuses, le peuple exploitait ces ressources avec le plus grand soin, tant pour le bien vivre que pour la médecine. Leur savoir était tel que le taux de mortalité y était presque inexistant

Bien que certaines familles réussissent mieux que d'autres, ce monde ne connaît pas la pauvreté telle que nous la concevons. Mais cela, vous le découvrirez par vous-même, car la famille que vous allez découvrir a certes connu la richesse, mais fut pauvre dans bien des domaines. Ils avaient tout, avant de tout perdre. La richesse ne se limite pas à l'argent, mais aussi aux actions que l'on choisit d'accomplir.

Personne n'est entièrement bon ou simplement mauvais ; chacun possède autant de lumière que d’ombre. Ils n'ont simplement pas tous choisi le même chemin.
La petite Okimi avait bien grandi... Elle est devenue une très jolie jeune fille talentueuse, qui faisait la fierté de ses parents. Elle a reçu une éducation exemplaire et, malgré son jeune âge, elle faisait déjà la preuve d'un sens du devoir et d'un altruisme remarquables. Elle suivait chacune de ses leçons avec cœur et passion. Grâce à cette éducation, elle se découvrit un talent pour la musique. Elle jouait du piano comme un prodige, chantait avec une voix douce, et composait comme si elle était destinée à accomplir de grandes choses. Toujours avide de savoir, elle élargit ses compétences en apprenant à jouer du violoncelle, en pratiquant la peinture et en s'intéressant à la littérature. Aux yeux de ses parents et de leurs proches amis, Okimi était une jeune femme exceptionnelle, promise à un grand avenir.

Ses talents et ses prouesses attirèrent l'attention de bonnes familles désireuses d'arranger une union entre leur fils et la jeune Okimi Octavius. Parmi les prétendants, ses parents se rapprochèrent d'une famille dont le fils aîné se montrait presque aussi talentueux que leur fille. Les enfants passèrent énormément de temps ensemble, ce qui les rapprocha. Rapidement, ce fut officiel : Okimi était promise à ce garçon.
Tout se passait pour le mieux, la famille était heureuse et voyait l'avenir en grand. Ils étaient bien loin de se douter que leur funeste destinée les menaçait toujours...

Un jour, alors que la jeune Okimi s'amusait à l'extérieur, des cris stridents s'échappèrent de la maison. Se retournant précipitament, la fillette courut vers chez elle, folle d'inquiétude. Mais alors qu'elle atteignait le porche, toutes les vitres explosèrent dans un torrent de flammes. La puissance de l'explosion la projeta à plusieurs mètres de là, brûlant sa peau de porcelaine. Okimi tomba inconsciente sur le sol, tandis que les flammes lui prenaient tout ce qu'elle avait.

L'incendie fut dévastateur, ne laissant derrière lui que des cendres. Rien ne peut être sauvé, excepté la petite Okimi, l'Innocente qui avait survécu à la tragédie. Cependant, des rumeurs concernant l'origine de l'incendie se propagèrent, et personne, même pas ses proches, ne vint à son secours. Elle n'avait plus rien, plus aucune promesse d'avenir. Aucune famille ne voulait accueillir cet enfant, désormais perçue comme maudite. Okimi se retrouva alors seule, contrainte de survivre par ses propres moyens à seulement quatorze ans.

Heureusement, ses dons pour la musique lui permirent de subsister. Elle chanta dans les rues pour gagner un peu d'argent. Okimi lutta pendant de longs mois pour économiser suffisamment et, dès qu'elle le put, elle s'achètera un violoncelle dans l'espoir de trouver un vrai travail qui lui permettra de quitter la rue. Elle se présenta dans tous les endroits susceptibles d'embaucher une musicienne et finit par décrocher un poste dans un restaurant, où le propriétaire fut ébloui par ses talents. Cet homme fut le premier en de longues années à lui offrir la chance qu'elle espérait. Dix ans s'étaient écoulés depuis le tragique accident, et petit à petit, Okimi parvenait à se reconstruire et à s'épanouir à nouveau.
Un soir, alors qu'elle jouait au restaurant, une cliente fit son entrée. Dès l'instant où elle franchit le seuil, Okimi ressent une étrange sensation, mais, en bonne professionnelle, elle ne lui prêta pas plus d'attention que nécessaire et se concentra sur sa prestation. Elle ne se doutait pas que cet étrangère resterait jusqu'à la fin de son service pour lui parler.

Lorsque la jeune femme s'approcha d'elle, Okimi comprit. Elle comprit qu'elle la connaissait déjà, car plus l'étrangère avançait, plus elle ressentait une étrange sensation de familiarité, comme si cette personne comblait une partie manquante de sa vie. Pour la première fois depuis le décès de ses parents, Okimi se sentit à nouveau entière.

Avec un sourire qu'elle reconnut avant même que l'autre femme ne parle, l'inconnue se présenta comme sa sœur, sa jumelle, Cathalina. D'abord, Okimi eut du mal à croire qu'une telle chose était en train de se produire. Elle refusait de penser que ses parents avaient pu abandonner l'un de leurs enfants. Pourtant, contrairement à elle, Cathalina n'avait pas grandi dans l'ignorance, et son récit fini par semer le doute dans l'esprit d'Okimi.
Cathalina lui raconta que leur père l'avait emportée après leur naissance et qu'elle avait trouvé refuge chez une femme dotée de capacités étranges. Cette femme possédait des dons peu communs dans ce monde et les lui enseignèrent. Dès que Cathalina fut assez grande pour comprendre, sa mère adoptive lui révéla toute la vérité : qui elle était, l'origine de ses dons, et la malédiction qui pesait sur leur famille. Il s'avéra que la femme qui l'avait recueillie était une puissante sorcière, et qu'aucun secret de ce monde ne lui échappait. C'est ainsi qu'elle découvrit que la malédiction de leur famille remontait à deux milles ans, stipulant qu'à chaque cinquante ans, des jumeaux naissaient, l'un étant béni et l'autre maudit. Cathalina révéla à sa sœur qu'elle n'aurait jamais dû survivre, car l'enfant maudit, c'est-à-dire elle, était destiné à mourir en entraînant la destruction de sa famille, tandis que seul l'enfant innocent survivrait pour perpétuer la lignée.

Abasourdie par ce qu'elle venait d'entendre, Okimi se posa des dizaines de questions qui restèrent malheureusement sans réponse. Elle n'en revenait pas que cette partie de son histoire lui avait été sciemment cachée. Mais ce n'était pas tout : si elle devait être l'unique survivante, pourquoi Cathalina était-elle toujours en vie ? Cette dernière n'avait pas de réponse claire à lui donner, mais elle soupçonnait que la sorcière qui l'avait élevée était derrière sa survie.

Cathalina lui avoua qu'elle était partie à sa recherche dès qu'elle avait entendu parler de l'incident. Elle était persuadée que le fait qu'elles aient toutes deux survécu était un signe du destin. Elles devaient se retrouver… Mais à quel prix ?
Durant les jours qui suivirent, les deux sœurs se rapprochèrent. Elles avaient énormément de temps à rattraper, mais ces années de séparation semblaient inexistantes, tant elles devinrent proches et complices dès le premier instant où elles se retrouvèrent.

Un après-midi, Cathalina et Okimi décidèrent de se rendre sur les anciennes terres de leur famille. Ces terres étaient toujours abandonnées, personne n'avait voulu les emmener depuis la tragédie, et les deux sœurs avaient bien l'intention de changer cela.

C'était la première fois qu'Okimi revenait sur les lieux depuis l'incendie, et revoyait les ruines de la maison où elle avait grandi bouleversa profondément la jeune femme. L'émotion était palpable.

Mais ce qu'elles ignoraient, c'était qu'à l'abri des regards, quelque chose de bien supérieur les attendait dans ces vestiges du jardin.

Ce fut la dernière fois que les deux jeunes femmes furent aperçues dans la contrée de Kost'hale, et personne ne sut jamais ce qui leur était arrivé.


ARRIVÉE SUR TERRE


Quand Okimi revenait à elle, son corps était complètement engourdi, comme si elle avait passé de longues heures dans la même position. Elle était frigorifiée, glacée… En essayant de se redresser, elle se heurta à quelque chose qui l'en empêchait. Forçant un peu, elle finit par déchirer ce qui la recouvrait. En se faufilant hors de ce cocon de fortune, elle réalisa qu'elle se trouvait sous une couche de glace et de neige.

Sa première pensée fut confuse. Elle ne se souvenait pas qu'il neigeait lorsqu'elle se promenait sur les terres familiales avec Cathalina.

Cathalina ?

Se redressant précipitamment, elle scruta les environs, cherchant sa sœur du regard, mais elle était seule. Cathalina n'était pas avec elle. Alors qu'elle observait les alentours, elle se rendit compte que quelque chose clochait. Il y avait quelque chose d'anormal, de différent.

Okimi décida alors de partir à la recherche de sa sœur. Si Cathalina était dans les parages, elle la trouverait.

Elle ne savait pas exactement combien de temps elle marcha, mais après un long moment, elle aperçut d'étranges lumières au loin. Intriguée par cette nouveauté, elle se dirigea dans cette direction, quittant la terre moelleuse des bois pour marcher sur un sol plus dur et inconfortable, revêtement d'une matière qui lui était inconnue.
Soudain, son attention fut détournée par le bruit de pas réguliers et rapides qui s'approchent d'elle. Un homme vêtu d'une étrange tenue s'avançait vers elle. À mesure qu'il se rapprochait, elle distinguait de mieux en mieux les détails de son accoutrement. L'homme semblait porter un objet étrange dans les mains et lui criait des choses dans un langage qu'elle ne comprenait pas. Mais ce ne fut pas la seule chose qu'elle remarqua… Un besoin fou et primitif grandissait en elle à mesure que la distance entre eux se réduisait. Avant même qu'elle n'en prenne conscience, elle bondit sur lui et plante profondément ses dents dans sa gorge.

En quelques secondes à peine, le corps sans vie de l'homme s'effondra lourdement au sol. Okimi perdit le peu de contrôle qui lui restait. Poussant un long cri de désespoir, elle se mit à courir, sans savoir où elle allait ni pourquoi. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle ressentait ce besoin de vorace de se nourrir.

Prise d'une folie meurtrière, elle anéantit la ville entière.

Elle était devenue un monstre.



Incrédule, Okimi tenta alors de passer une corde autour de son cou, mais à nouveau, la mort ne vint pas. Elle essaya ensuite le poison, mais la mort se refusa toujours à elle. Ce n'est qu'après une dizaine de tentatives qu'elle se rendit à l'évidence : elle ne pouvait pas mourir.

Tristement résignée, elle comprit plus tard, en autoriser de découvrir ce qu'elle était, qu'elle possédait une force et une rapidité bien supérieure à celles des humains. Elle découvrit également qu'elle devait se nourrir de sang pour que son corps continue à fonctionner normalement.

Elle ne connaît rien du monde surnaturel qui peuplait la Terre. Sur Vi'Hale, il n'existait aucune créature comme celle-ci ; même dans le folklore et les histoires, elle n'avait aucune connaissance de l'existence possible d'un tel monstre. La magie sur Vi'Hale existait, mais elle était très rare et unique, et aucune comparaison n'était possible avec ce qu'elle trouva sur Terre.

Néanmoins, elle finit par apprendre à vivre avec ce fardeau et réussit à se contrôler à la perfection après plusieurs mois de travail sur elle-même. C'était difficile, car elle devait se nourrir très régulièrement pour éviter de commettre à nouveau un tel massacre.

De plus, la vie sur Terre était loin d'être facile. Okimi avait énormément de mal à s'acclimater, tant leur mode de vie était différent de ce qu'elle connaissait. Bien entendu, elle reconnaissait les avantages de ce monde, mais beaucoup de choses demeuraient un réel mystère pour elle.

Elle réussit cependant à gagner un peu d'argent et à survivre dans ces temps difficiles. Petit à petit, elle se fit une place tout en restant discrète sur sa nature et ses étranges capacités. Avec le temps et de nombreuses recherches, elle a trouvé diverses informations sur les créatures de ce monde. Mais il demeurait un problème : aucun ouvrage ne racontait les choses de la même manière. Ce fut difficile pour elle de s'identifier, mais elle finit par se rapprocher de ce qui lui semblait être la réponse : un vampire.

En parcourant de nombreux ouvrages, elle apprit beaucoup sur les mythes de ce monde et découvrit des créatures fascinantes telles que les faes, les sorciers et les lycanthropes. Elle se dit alors que si les vampires existaient, les autres créatures devaient également être présentes sur cette terre. Une idée commença alors à germer dans son esprit…

Okimi avait tant souffert d'être dans un nouveau monde avec une nouvelle nature, sans savoir exactement ce qu'elle était. Mais surtout, sa plus grande douleur était sa solitude. Avec la perte de sa sœur qu'elle venait à peine de retrouver, elle se sentait plus seule que jamais et avait dû affronter ses épreuves sans personne pour l'aider. Elle prit alors une décision qui allait changer sa vie à jamais.

Les années passèrent et Okimi commença à voyager à travers le monde, jusqu'à ce que sa route la mène en Russie. Rapidement, elle se rendit compte que le climat de ce pays lui convenait et décida de s'installer dans une immense forêt, à l'abri des regards. Elle avait réussi à économiser suffisamment d'argent pour faire construire un magnifique manoir qui répondrait à tous ses besoins, ainsi qu'à ceux de ceux qu'elle comptait aider. Lorsqu'elle a décidé de faire construire ce manoir, elle se fit la promesse de ne jamais laisser une créature seule face à l'inconnu et au besoin. Peu à peu, elle prit ses distances avec le monde des hommes pour se concentrer sur celui qui était désormais le sien.

Rapidement, Okimi commença à faire parler d'elle et réussit à se bâtir une excellente réputation. Elle était une hôtesse respectueuse et authentique, ne jugeant personne, peu importe son espèce ou son passé. Généreuse et douce, elle était à la fois une protectrice, une amie et une sœur pour toutes ces créatures qui faisaient appel à elle.

Mais un jour, alors qu'elle s'affairait dans ses jardins pour préparer l'arrivée d'une nymphe des bois, elle reçut une visite des plus inattendues. Alors qu'elle était penchée au-dessus de ses plus beaux rosiers, elle se redressa vivement dès qu'elle sentit l'arrivée d'un humain qui n'avait absolument rien à faire là.

Beaucoup de rumeurs circulaient à propos de la forêt dans laquelle elle avait établi son manoir, mais Okimi veillait consciencieusement à protéger le secret des lieux et de ses invités. Grâce à ses nombreuses relations, elle avait fait installer des charmes destinés à repousser les humains dès qu'ils approchaient trop près du domaine. Cet étranger, cet homme, n'aurait jamais dû être en mesure de s'approcher aussi près.

Fronçant les sourcils, Okimi se relève et partit à la rencontre de l'intrus sans perdre un instant.

« Vous êtes sur une propriété privée. »

« Je-je suis désolé de vous déranger, mais j'ai besoin d'aide. Mon frère et moi… Nous nous baladions dans la forêt, mais nous nous sommes égarés. Je… Mike est tombé dans une crevasse profonde, il est blessé… Je n'y arriverai pas tout seul, s'il vous plaît, aidez-moi. »

Okimi considérera l'homme quelques secondes. Son odeur lui indiquait qu'il ne mentait pas, mais elle n'était pas certaine de vouloir se mêler de cette histoire. Finalement, elle céda. Elle n'avait pas et n'avait jamais eu un cœur de pierre ; elle aurait été incapable de se pardonner si elle les laissait mourir dans les bois.

Okimi accepta donc et entreprit de suivre l'étranger. Durant le trajet qui les mena à la fameuse crevasse, elle apprit qu'il se nommait Adrien et qu'il était professeur de littérature dans une université à Moscou. C'étaient les vacances scolaires, et il avait eu l'idée, avec son frère, de faire des randonnées dans la forêt boréale pour changer d'air. Bien que très réservé, il paraissait plutôt sympathique, et étrangement, il ne se montrait pas vraiment curieux à son sujet, ni sur la façon dont elle pourrait l'aider.

Dès qu'ils arrivent sur les lieux de l'accident, Okimi ne perdit pas un instant. Elle avait senti l'odeur du sang, beaucoup de sang, et en conclu que la blessure était grave et qu'il valait mieux éviter de traîner. Elle sauta dans la crevasse sans hésiter, sous le regard ébahi d'Adrien. Le temps que son frère trouve quelqu'un pour l'aider, Mike avait perdu connaissance. Okimi n'eut d'autre choix que de le prendre dans ses bras et, d'un bon, elle sortit de la crevasse avec une aisance déconcertante.

« Mais qu'est-ce que tu es ? »

Une question pertinente qui ne trouvera aucune réponse. Okimi ne pouvait pas lui confier son secret ; elle ne pouvait pas risquer de mettre en péril tout ce qu'elle avait mis en place durant toutes ces années pour satisfaire la curiosité d'un inconnu. Alors, au lieu de lui répondre, elle rebroussa chemin en direction de son manoir. Mike avait besoin de soins et ils étaient assez loin de la grande ville. Elle n'avait donc pas d'autre choix : soit elle l'emmenait chez elle pour le soigner, soit elle le laissait mourir dans les bras de son frère. Heureusement, elle avait développé une sacrée maîtrise de soi.

Par chance, Adrien ne lui pose pas d'autres questions ; ce n'était pas le moment, et il avait compris qu'elle ne lui répondrait pas. Mais Adrien était un homme qui n'abandonnait jamais, et il n'allait pas abandonner aussi facilement qu'Okimi le pensait.

La forêt boréale, ou taïga, est la plus grande forêt du monde. Elle s'étend comme une vaste bande à travers l'hémisphère nord de la Terre, couvrant une partie de la Sibérie, la Scandinavie et environ 35 % de la superficie du Canada. C'est une forêt qui apprécie le froid, avec des hivers très longs et rigoureux (jusqu'à -30°C) et des étés courts et peu chauds (entre 10 et 15°C). Bien que la forêt boréale soit peu habitée par les hommes en raison de ses conditions climatiques extrêmes, elle abrite de nombreux animaux qui se sont parfaitement acclimatés. C'est pour ces raisons qu'Okimi a choisi d'y installer son manoir. Grâce à la magie, la température sur le domaine y est bien plus agréable.

Étrangement, cette rencontre improbable rapprocha les deux individus. Depuis l'incident, et bien qu'Okimi lui ait demandé de ne plus revenir, Adrien revint régulièrement au domaine en compagnie de son frère. Bien qu'il ne comprenait pas vraiment ce qu'il s'y passait, sa nature l'obligeait à chercher des réponses à ses questions. À force de persévérance, Okimi commença à s'amuser de ses visites, mais surtout de ses suppositions sur ce qu'elle était et ce que représentait le manoir. Il se rapprochait toujours d'un peu plus de la vérité, mais elle était déterminée à ne pas lui accorder les réponses qu'il attendait.

Mais le temps passa, et devait elle reconnaître que plus elle le voyait, plus elle appréciait sa compagnie. Comme une pièce manquante, elle se sentait bien quand il était là ; elle s'autorisait même à ressentir un peu de bonheur.

Et un jour, l'inévitable se produisit. Alors qu'ils se baladaient dans les jardins, non loin de l'endroit où ils s'étaient rencontrés pour la première fois, Adrien enlaça son corps froid et lui donna un premier baiser. C'était la première fois depuis bien des années qu'elle ressentait autant de chaleur dans une seule étreinte.

Cependant, ce bonheur qu'elle s'autorisait ne dura que quelques secondes avant que la peur ne la tiraillât. Les sentiments qu'elle éprouvait pour lui pouvoir tout changer, mais pouvait-elle vraiment s'autoriser à l'aimer alors qu'elle ne pouvait pas être honnête avec lui ?

Les mois passèrent, et leur relation ne cessa d'évoluer. Okimi était tiraillée entre ses doutes et l'épanouissement que son bonheur éveillait. Auprès d'Adrien et de son frère, elle retrouvait un semblant de famille. Les garçons ne quittèrent presque plus le manoir, et bien que les secrets persistaient, ils commencèrent même à aider Okimi dans ses tâches quotidiennes.

Appréciés par les résidents du manoir, tout le monde aimait les deux frères, et, pour le plus grand bonheur d'Okimi, ils se réunissaient régulièrement autour d'un grand repas, comme une vraie famille.

Un soir, Adrien lui proposa de se balader, rien que tous les deux. Il avait tout prévu : une promenade à cheval suivie d'un pique-nique au bord du lac, sous le clair de lune. Il s'était donné beaucoup de mal pour que tout soit parfait. Alors qu'Okimi pensait que cela ne pouvait pas être mieux, Adrien mit un genoux à terre…

« Je sais que cela peut sembler accéléré, mais depuis que je t'ai rencontré, je ne peux plus imaginer ma vie sans toi. Je t'aime, Okimi… Je suis fou de toi et je veux passer le reste de ma vie avec toi. Okimi Octavius, veux-tu m'épouser ? »

Depuis que la tragédie avait frappé elle et sa famille, Okimi avait arrêté de croire en l'avenir. Elle n'espérait plus rien et n'aurait jamais imaginé revivre ce genre de moment. Elle aurait dû exploser de joie, lui sauter au cou et lui manifester son amour en retour… Mais au lieu de cela, elle fondit en larmes. Elle l'aimait de tout son cœur, mais elle ne pouvait pas l'accueillir dans sa vie sans qu'il connaisse la vérité.

« Je-je… Je suis désolée. Mais je ne peux pas être égoïste avec toi. Je ne peux pas accepter. Je dois te dire quelque chose… Plusieurs choses, en fait. Et si tu veux toujours m'épouser quand tu connaîtras toute la vérité, alors je serai à toi pour l'éternité. »

Okimi commença à parler. Elle lui raconte tout, de sa naissance dans la contrée de Kost'hale jusqu'au jour de leur rencontre. Elle n'omit aucun détail, consciente que la vérité pourrait soit les séparer, soit mettre en péril son existence et celle de ses amis, mais aussi, peut-être, les rapprocher. Dans tous les cas, tout allait changer. Une fois qu'elle eut terminé son récit, Adrien resta silencieux un moment, absorbant l'amas d'informations qu'il venait de recevoir.

Puis, tendrement, il saisit ses mains et lui sourit avec beaucoup de douceur.

« Tu sais… Dès que je t'ai vue, j'ai su que tu étais différente. Tu ne te rends pas compte à quel point tu es incroyable… Tu ne te vois pas comme nous te voyons, comme moi je te vois. Tu es la femme de ma vie et ça ne changera jamais. »

Il se pencha ensuite vers elle, mais au lieu de l'embrasser comme elle s'y attendait, il fit quelque chose d'inimaginable : il lui offrit son cou, lui présentant volontairement sa veine palpitante. Cette nuit-là, Okimi et Adrien échangèrent bien plus que leur sang.

Quelques semaines après leur mariage, Okimi eut une surprise à laquelle elle ne s’attendait pas : elle était enceinte. Mais comment cela était-il possible ? Elle était un vampire, et bien qu’elle possédait des particularités uniques, jamais elle n’avait imaginé qu’elle pourrait avoir un enfant, surtout avec un père humain.

Il ne lui en fallait pas plus pour que son bonheur soit à son comble. Elle voyait cet enfant comme une bénédiction et elle était impatiente d’annoncer la nouvelle à son mari. Cependant, Adrien ne réagit pas comme elle l’avait espéré. Il ne parut pas heureux, au contraire, il semblait... contrarié.

Okimi ne comprenait pas : n’était-ce pas la suite logique des choses ? On se rencontre, on s’aime, on se marie et on a des enfants, c’est ce que ses parents lui avaient appris sur le mariage. Mais son époux semblait voir les choses différemment.

Cependant, il était hors de question pour elle de perdre cet enfant, car elle n’était pas certaine de pouvoir en avoir d’autre un jour.

La nature exceptionnelle d’Okimi fit que la grossesse fut bien plus rapide que la normale, et plus la date de l’accouchement approchait, plus le comportement d’Adrien changeait. Il était de plus en plus souvent absent, partant des heures durant, sans qu’Okimi ne sache où il se trouvait.

Puis le jour de l’accouchement arriva. Ce fut très mouvementé, et Adrien n’était pas là pour la soutenir dans cette épreuve. Ce fut extrêmement douloureux. Okimi avait beau pousser de toutes ses forces, l’enfant refusait de sortir. Il fallait agir rapidement, sinon l'enfant risquait de mourir étouffé. Armée d’un scalpel, la sage-femme incisa son ventre pour l’ouvrir. Les drogues et médicaments étant inefficaces sur un vampire, Okimi hurla de douleur, se sentant mourir de douleur, mais la sage-femme parvint à sortir l’enfant indemne.

L’enfant étant hors de danger, Okimi put cicatriser tranquillement et récupérer de cette terrible épreuve. Après seulement quelques heures et quelques poches de sang, personne n’aurait pu deviner qu’elle venait de donner la vie. Alors, lorsqu'elle fut de nouveau capable de marcher, elle sortit du manoir et partit à la recherche de son époux. Il n’était pas sur la propriété, alors elle se rendit à la résidence de sa famille où vivaient son frère et une de ses cousines. Mais la maison était vide, littéralement, il n’y avait plus personne. Tous les meubles étaient recouverts de toiles blanches. Okimi fit le tour de la maison, se rendant à peine compte de ce qui se passait, lorsqu’un objet brillant posé sur la table de la salle à manger attira son attention : l’alliance d’Adrien.

Rattrapée par la réalité, Okimi tomba à genoux et se mit à pleurer. Il l’avait abandonnée, elle et leur enfant nouveau-né.

Depuis la trahison de son mari, Okimi changea radicalement. Elle était désormais habitée par une profonde rancœur envers les humains, mais surtout envers les hommes. Cela ne l’empêcha pas d’élever son enfant avec tout l’amour dont il avait besoin, bien que ce ne fut pas facile tous les jours. Né d’une mère vampire, d’un père humain et ayant des ancêtres capables de magie, il était évident que cet enfant ne serait pas comme les autres. Mais sa différence ne le rendait que plus intéressant.

Petit à petit, Okimi délaissa le manoir, ne s’occupant plus que de son enfant. Elle ne prêtait plus la moindre attention aux invités qu’elle avait promis de protéger. Et un à un, ils partirent, non sans peine, mais ils ne pouvaient continuer à vivre dans de telles conditions.
Après la disparition d’Adrien, Okimi s’était nourrie de sa colère pour survivre, mais au fond, elle en souffrait énormément. Leur enfant était la seule chose qui lui restait de lui. Il est vrai qu’à cause de cette histoire, elle avait fini par faillir à ses responsabilités, mais il était encore trop tôt pour qu’elle le regrette.

Malgré sa rancœur, Okimi s’efforça de ne pas transmettre sa colère à son enfant. Au contraire, elle lui apprit à respecter tous les êtres vivants, qu’ils soient humains, animaux ou surnaturels. Elle lui conta également les diverses histoires de ses invités, afin de le familiariser avec ce monde rempli de mystères. Cependant, elle ne lui cacha jamais ce qui s’était passé avec son père, mais elle lui assura que tout le monde n’était pas comme lui.

Il n’était pas important pour elle de croire pleinement ce qu’elle lui racontait. Ce qui comptait, c’était que lui pense que c’était vrai, afin qu’il puisse vivre parmi les humains sans se mettre en danger.

Ainsi, lorsqu'il atteignit sa majorité, l’enfant, désormais presque adulte, choisit de quitter le manoir pour voler de ses propres ailes et évoluer par lui-même.

Aujourd’hui, Okimi vit toujours seule dans son manoir. Vu de l’extérieur, celui-ci semble abandonné : l’herbe de la pelouse n’est plus entretenue, et le jardin tout entier pousse à l’état sauvage. Quant à la façade, elle était sale et aurait bien besoin d’un sacré rafraîchissement, mais Okimi ne recevait plus de visite, alors pourquoi se fatiguer à tout entretenir ?

Maintenant qu’elle était officiellement seule, Okimi n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle n’avait plus le goût de vivre, mais la mort ne voulait toujours pas d’elle.

Le jour comme la nuit, Okimi errait dans les bois, sans but, et cela lui convenait parfaitement.

Les humains sont toujours conscients de l’existence du manoir, mais ils savaient aussi qu’il semblait abandonné. Plusieurs rumeurs ont commencé à circuler à propos de cet endroit.

L’une d’elles racontait qu’un jeune couple vivait dans cette grande maison et qu'ils l'avaient transformée en auberge. Un jour, la femme serait tombée enceinte, mais alors qu’elle s’apprêtait à l’annoncer à son époux, elle l’aurait trouvé dans les bras d’une autre. Trahie, la femme serait entrée dans une folie meurtrière. On dit qu’elle a tué son mari ainsi que sa maîtresse avant de se planter un couteau dans le ventre pour s’arracher son fœtus et attendre la mort. On raconte également que si l’on s’aventure trop loin dans les bois, on peut croiser son fantôme et l’entendre crier de douleur avant qu’elle ne disparaisse.

Okimi étaient au courant de ce que l’on dit sur elle et sur cet endroit, ce qui l’arrangeait, car elle ne voulait rien de plus que rester seule avec ses souvenirs.

Okimi errait dans les couloirs de ce manoir, où jadis la vie foisonnait. Aujourd’hui, ce lieu autrefois magnifique n’était plus que l’ombre de lui-même, tout comme elle. En traversant ces pièces silencieuses, une nostalgie profonde l’envahissait. Elle se souvenait d’une époque où cet endroit était un refuge pour toutes sortes de créatures surnaturelles, mais cette époque était révolue. Maintenant, seuls les souvenirs lui tenaient compagnie.

Un soupir triste s’échappa de ses lèvres lorsqu’elle entra dans sa chambre. Elle grogna en voyant que la porte-fenêtre était restée ouverte, laissant la neige s’infiltrer à l’intérieur.

« Où diable avais-tu donc la tête, Okimi ? » murmura-t-elle, agacée par son oubli.

Mais qu’importe, pensa-t-elle en haussant les épaules. Ce n’était pas comme si elle risquait de prendre froid. Elle se dirigea vers la salle de bain, remplit la baignoire d’eau chaude et s’y plongea, cherchant un moment de répit dans ses souvenirs. Autrefois, cet endroit était un havre de paix, mais désormais, elle vivait seule dans ce manoir délabré.


Ce soir-là, alors qu’elle se préparait à une nuit de solitude, Okimi sentit une présence étrange. Quelqu’un approchait, et il ne s’agissait pas d’un simple humain. Non, c’était un vampire, et un mâle qui plus est. Cette simple pensée éveilla en elle une pointe d’agacement. Elle avait appris à apprécier la tranquillité de la forêt, loin de la civilisation et de ses semblables.

Il ne fallut pas longtemps pour qu’elle distingue la silhouette d’un homme grand et blond, vêtu de noir, se déplaçant avec assurance dans la neige. Elle le regarda avancer, le suivant du regard depuis l’ombre d’un arbre. Ses instincts lui disaient qu’il n’était pas là par hasard. Une odeur de démon émanait de lui, ce qui laissait supposer qu’il était un chasseur. C’était la dernière chose dont elle avait besoin : un autre vampire qui pourrait perturber son isolement.
Mais avant qu’elle ne puisse réagir, un majestueux tigre blanc surgit de l’obscurité. L’animal, apparemment domestiqué, se précipita vers elle. Okimi retint son souffle, mais au lieu de l’attaquer, le tigre s’approcha curieusement, la reniflant avec insistance. Elle sursauta, puis baissa les yeux pour rencontrer ceux de la bête, qui semblait plus intriguée que menaçante.

L’homme appela le tigre, lui ordonnant de revenir à ses côtés. Mais Okimi ne pouvait s’empêcher de caresser le félin, ressentant une étrange connexion avec lui. Cette créature, aussi sauvage qu’elle, avait adouci quelque chose en elle, ne serait-ce qu’un instant. Elle releva les yeux vers l’homme, qui était revenu sur ses pas pour récupérer son compagnon.

« A-t-elle pour habitude de se conduire ainsi avec les étrangers ? » demanda-t-elle d’une voix douce, mais méfiante, tout en continuant à caresser le tigre.

Elle savait que ce vampire avait compris qui elle était, ou du moins ce qu’elle représentait. Mais elle n’avait ni le temps ni l’envie de jouer à ce jeu. Il n’était pas le bienvenu ici, et elle n’hésiterait pas à le lui faire comprendre. Mais pour l’instant, elle se contenta de l’observer, évaluant la menace qu’il représentait pour son territoire.

« Non, pas vraiment. Je suis moi aussi surpris par sa réaction. Mais visiblement, quelque chose chez vous l’intrigue assez pour qu’elle délaisse son maître... Au fait, je m'appelle Lucas. Je suis ici pour… affaires. Rien qui ne concerne votre territoire. »

Sa voix avait une qualité rassurante, même si ses paroles portaient une pointe de mystère qui ne me plaisait guère.

Elle releva la tête vers lui, plongeant son regard dans ses yeux émeraude qui brillaient dans la pénombre. Il se tenait là, droit et imposant, les mains enfoncées dans les poches de son manteau noir. Il émanait de lui une aura de puissance et de calme, un contraste frappant avec la froideur de mon propre cœur.

« Et bien, on dirait qu’elle n’a pas envie de s’en aller… Je crois qu’elle vous aime bien. »

Le temps passa, mais le souvenir de cette rencontre dans la forêt ne s’effaça jamais de la mémoire d’Okimi. Quelque chose d’étrange et d’inexplicable avait commencé ce jour-là, un lien qui semblait se tisser au-delà des mots, au-delà des apparences. Chaque fois qu’elle fermait les yeux, elle revoyait les prunelles émeraude de Lucas, ce regard qui l’avait transpercée comme une lame douce et acérée à la fois. Elle ressentait encore la chaleur de sa voix, cette voix grave et rassurante qui semblait pouvoir percer la carapace de froideur qu’elle s’était construite au fil des siècles.

Lucas, de son côté, n’était pas resté indifférent. À peine avait-il quitté la forêt qu’il avait senti quelque chose changer en lui, un sentiment profond, ancré dans son être, comme s’il venait de trouver ce qui lui manquait depuis toujours. Il était un vampire depuis longtemps, habitué à une existence solitaire, à la froideur des nuits sans fin. Pourtant, cette rencontre avec Okimi avait réveillé en lui des désirs qu’il croyait morts depuis longtemps, des rêves qu’il n’avait plus osé poursuivre. Elle n’était pas qu’une simple étrangère croisée par hasard, elle était bien plus. Elle était la seule à avoir éveillé en lui une étincelle qu’il croyait perdue.

Les rencontres entre eux devinrent plus fréquentes. Sous la clarté de la lune ou à l’ombre des arbres, ils se retrouvaient, se cherchant du regard, se parlant avec une sincérité déconcertante. Chaque conversation révélait un peu plus de leurs âmes, des âmes que le temps avait rendues aussi froides que les montagnes qui entouraient le manoir d’Okimi. Mais ensemble, ils semblaient capables de réveiller en eux une chaleur oubliée. La méfiance d’Okimi s’estompa peu à peu, remplacée par une curiosité dévorante, par une attirance qu’elle ne pouvait plus ignorer.
Lucas, lui, se sentait irrésistiblement attiré par elle, par cette femme forte et mystérieuse qui semblait comprendre sa solitude d’une manière que personne d’autre n’avait jamais su faire.
L’étrange alchimie entre eux devint une passion dévorante. Ils partageaient des moments d’intimité dans le silence de la forêt, leurs mains se frôlant, leurs regards se croisant avec une intensité qui brûlait plus fort que le feu. Chaque rencontre était un mélange de tendresse et de désir, une danse où ils se rapprochaient de plus en plus, comme deux étoiles attirées irrémédiablement l’une vers l’autre.

Une nuit, sous un ciel sans étoiles, Lucas, les yeux brillants d’une émotion qu’il ne cherchait plus à cacher, laissa enfin échapper ce qu’il gardait en lui depuis un certain temps.

« Okimi, » murmura-t-il, sa voix chargée de sentiments, « Je ne veux plus de cette solitude. Tu m’as montré que je peux encore ressentir, que je peux encore aimer… J’ai trouvé en toi ce que je cherchais depuis toujours. Quitte ce manoir, quitte cette forêt froide et viens vivre à mes côtés, à Londres. Nous pourrions tout recommencer, ensemble. »

Le silence qui suivit fut lourd de sens. Okimi le regarda, son cœur battant plus vite qu’il ne l’avait fait depuis des siècles.

Lucas était prêt à tout pour elle, pour cette étrange attirance qui les avait rapprochés. Il lui proposait une vie nouvelle, loin de l’obscurité qui la retenait prisonnière depuis si longtemps. Mais au fond d’elle, une peur sourde la paralysait. Elle ne connaissait rien d'autres que la solitude, la froideur de son manoir, le calme glacial de la forêt. Et pourtant, cette proposition éveillait en elle un désir si intense, si profond, qu’elle en était presque terrifiée.

« Lucas… » répondit-elle enfin, la voix tremblante d’émotion. « Je ne sais pas… Je ne sais pas si je suis prête à tout quitter, à abandonner cet endroit... ce que je suis… »

Lucas lui prit doucement la main, son regard pénétrant capturant le sien avec une douceur infinie.

« Tu ne renoncerais à rien, Okimi. Au contraire, tu découvrirais enfin ce que c’est que de vivre, vraiment. Je ne te demande pas de changer, mais de m’accepter à tes côtés, comme je t’accepte telle que tu es. »

Ces mots résonnèrent en elle comme une promesse, une promesse d’un avenir qu’elle n’avait jamais plus osé imaginer. Okimi sentait sa résolution vaciller. Lucas lui offrait bien plus qu’un simple changement de décor. Il lui offrait la possibilité d’aimer, de vivre pleinement, de partager une existence qu’elle avait cru condamnée à la solitude éternelle.

Et tandis que la nuit les enveloppait de son voile silencieux, Okimi comprit que ce lien qui s’était tissé entre eux ne pourrait jamais être rompu. C’était bien plus que de l’attirance, bien plus qu’une simple passion. C’était l’âme sœur qu’elle avait trouvée en Lucas, celle qu’elle avait cherché sans le savoir à travers les siècles depuis la disparitions de son époux.

Enfin, elle hocha doucement la tête, une larme scintillant au coin de son œil.

« D’accord, Lucas… Emmène-moi à Londres. Emmène-moi avec toi. »

Ce fut une nuit où les étoiles brillaient à nouveau, non pas dans le ciel, mais dans leurs cœurs, unis par un amour qui défiait le temps lui-même.

À Londres, la vie prit une tournure bien différente pour Okimi. Elle avait quitté les montagnes glaciales de son manoir pour la ville trépidante et mystérieuse de Londres, avec ses ruelles sombres et ses bâtiments imposants. Mais malgré la beauté de cette nouvelle demeure et la chaleur des bras de Lucas, Okimi peinait à s’acclimater. Tout lui semblait étranger, déroutant, et parfois même oppressant. Les bruits incessants de la ville, les visages inconnus qui croisaient son chemin, tout cela la laissait dans un état d’inconfort permanent.

Lucas était son seul repère, sa seule ancre dans cette mer d’inconnu. Lorsqu’il était à ses côtés, Okimi se sentait plus forte, rassurée par sa présence protectrice. Il la guidait dans cette ville qu’il connaissait si bien, l’aidant à s’adapter à cette nouvelle vie. Ils partageaient des moments précieux, remplis de douceur et de complicité, et chaque jour Okimi faisait de son mieux pour trouver sa place dans ce monde qui n’était pas le sien.

Mais un jour, tout bascula. Lucas, qui était toujours entouré d’un voile de mystère, dut partir en mission. Il ne lui avait pas donné beaucoup de détails, seulement qu’il devait s’absenter un temps, qu’elle ne devait pas s’inquiéter et qu’il reviendrait bientôt. Okimi, bien qu’inquiète, tenta de lui faire confiance. Mais dès qu’il franchit le seuil de leur demeure, elle sentit un vide immense s’ouvrir en elle, un gouffre de solitude qu’elle ne parvenait pas à combler.

Les jours se transformèrent en semaines, et chaque heure passée sans Lucas accentuait son malaise. Elle n’osait pas sortir seule de la propriété, la ville lui paraissait encore plus froide et inhospitalière sans lui. Les quelques domestiques présents dans la maison ne parvenaient pas à combler son besoin de compagnie, et elle se retrouvait souvent à errer dans les couloirs, hantée par l’absence de celui qu’elle aimait.
Au fil du temps, Lucas cessa de lui donner des nouvelles. Les premières semaines, elle s’était convaincue que tout allait bien, qu’il devait être occupé, qu’il reviendrait bientôt. Mais plus les jours passaient, plus son inquiétude se transformait en angoisse. Elle cherchait des signes, des indices, mais rien. Le silence autour de Lucas devenait assourdissant, et un doute terrible commença à l’envahir.

Puis vint la réalisation brutale : Lucas ne reviendrait peut-être jamais. Cette pensée la frappa comme un coup de poignard, réveillant en elle une douleur qu’elle n’avait pas ressentie depuis des siècles. Elle se retrouvait seule à nouveau, abandonnée dans une ville étrangère, sans aucune explication, sans aucune certitude. L’espoir qui l’avait portée jusqu’ici se transforma en désespoir, et la maison autrefois pleine de vie devint son nouveau tombeau.

Chaque pièce lui rappelait Lucas, chaque objet portait la marque de son absence. Les nuits étaient les plus dures, longues et interminables, peuplées de souvenirs et de larmes. Okimi avait voulu croire en un avenir différent, en un bonheur partagé avec lui, mais la réalité était cruelle. Elle était à nouveau seule, et cette fois, la douleur de l’abandon était encore plus profonde, car elle avait laissé son cœur s’ouvrir, elle avait osé aimer, alors qu'elle savait... Cela ne pouvait finir que de cette façon.

Le temps passa, mais la peine ne s’estompa pas. Okimi, perdue dans ce pays qu’elle ne connaissait pas, ne savait plus quoi faire ni où aller. Elle était prisonnière de son chagrin, enfermée dans cette maison qui lui rappelait sans cesse ce qu’elle avait perdu. La ville qui l’entourait, autrefois pleine de promesses, n’était plus qu’un lieu hostile, étranger et sombre. Elle avait tout quitté pour Lucas, et à présent, elle se retrouvait à nouveau brisée, sans savoir si elle pourrait un jour se relever.


DÉMÉNAGEMENT À PARIS


[En cours.]

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