Posté le 7 mars
Télécharger | Reposter | Pleine largeur

Tobias Van Arden


Tobias Van Arden n’a jamais eu le luxe de choisir son destin. Dès son plus jeune âge, il savait qu’il ne serait jamais un homme ordinaire, car dans sa famille, l’ordinaire n’existait pas. Il était le premier-né, l’héritier du nom, celui sur qui reposaient des siècles de tradition et d’honneur. Son enfance n’avait pas été marquée par des jeux ou des rêves d’avenir, mais par des entraînements rigoureux, des leçons sur les créatures tapies dans l’ombre et des récits d’ancêtres morts au combat.
Son père n’avait jamais été un homme tendre, et encore moins un père aimant. Il était un maître d’armes, un instructeur impitoyable, un juge intransigeant qui ne tolérait ni faiblesse ni hésitation. Tobias n’avait jamais eu droit aux encouragements ou aux félicitations ; seule comptait l’exigence de devenir l’héritier parfait. Chaque matin, il se levait avant l’aube pour s’entraîner, chaque soir, il se couchait avec de nouvelles blessures, certaines physiques, d’autres invisibles mais bien plus profondes. Il n’avait pas le droit à l’erreur, pas le droit à la peur. Un Van Arden n’échouait pas, et surtout, un Van Arden ne pliait jamais.
La première fois qu’il avait tué, il n’avait que douze ans. Son père l’avait emmené en chasse, l’avait mis face à une goule affamée et lui avait ordonné de frapper. Il avait hésité une fraction de seconde, le temps pour la créature de bondir sur lui, ses griffes lacérant son flanc. La douleur avait été vive, mais ce qui l’avait marqué bien plus profondément, c’était le regard froid de son père lorsqu’il s’était relevé. Pas un mot, pas un reproche, juste une déception silencieuse. Ce soir-là, Tobias avait compris qu’il ne serait jamais aimé pour ce qu’il était, seulement pour ce qu’il représentait.
Les années avaient passé, renforçant en lui une discipline de fer et une loyauté indéfectible envers sa famille. Lorsque son père était mort, Tobias n’avait pas pleuré. Il s’était tenu droit, avait saisi la claymore ancestrale et avait pris la place qui lui revenait de droit. Il était prêt à assumer son rôle, à porter le poids du nom Van Arden comme l’avaient fait les générations avant lui.
Mais diriger une famille de chasseurs n’était pas aussi simple que manier une épée. Livia, sa sœur cadette, n’avait jamais accepté l’idée d’être reléguée au second plan simplement parce qu’elle n’était pas l’aînée. Elle voulait prouver qu’elle était tout aussi capable, quitte à défier son autorité à chaque instant. Isaac, quant à lui, était le plus posé, celui qui tentait de garder une part d’humanité dans leur existence marquée par la violence. Elias, le plus jeune, était une tempête de rage et de frustration, un feu incontrôlable qui ne demandait qu’à embraser tout ce qui se trouvait sur son passage.
Tobias faisait de son mieux pour maintenir l’équilibre, pour être à la hauteur du nom qu’il portait. Il croyait en leur mission, en leur devoir sacré. Peu importaient les doutes ou les sacrifices, il tiendrait bon. Parce que c’était ce qu’on attendait de lui. Parce que c’était tout ce qu’il connaissait.
Puis Hae-Jin était arrivé.
Ce garçon n’avait pas leur sang. Il n’avait pas grandi avec eux, il n’avait pas subi les mêmes épreuves. Il n’avait pas connu les nuits glacées d’entraînement, les blessures soignées à la hâte, les regards durs et les silences pesants. Il était un étranger, un intrus. Et pourtant… il excellait.
Ce que Tobias avait mis des années à apprendre, Hae-Jin le maîtrisait en quelques semaines. Il anticipait les attaques avec une précision instinctive, comprenait les rituels comme s’ils coulaient dans ses veines. Il n’était pas simplement doué. Il était exceptionnel.
Livia voyait en lui un rival. Elias, une imposture. Isaac, une chance pour la famille.
Tobias, lui, ne savait pas quoi en penser. Il aurait dû le haïr, mais ce n’était pas de la haine qu’il ressentait. C’était une sensation bien plus insidieuse, bien plus dérangeante. Un doute.
Toute sa vie, il avait cru que la force d’un Van Arden venait du sang, de la discipline, du fardeau transmis de génération en génération. Mais Hae-Jin n’avait rien de tout cela… et pourtant, il était le meilleur d’entre eux.
Alors Tobias s’était surpris à se demander si ce n’était pas lui, l’héritier légitime, qui était à sa place par erreur.
Aujourd’hui, il tient encore les rênes de la famille, mais l’équilibre est fragile. Les tensions grandissent. Livia veut prouver sa valeur. Elias rêve de surpasser Hae-Jin. Isaac tente d’être la voix de la raison.
Et Tobias, lui, continue d’avancer, comme il l’a toujours fait. Il ne peut pas flancher, il ne peut pas montrer ses doutes. Mais au fond de lui, une question le hante.
Que se passe-t-il lorsque l’héritier du nom Van Arden n’est pas le plus digne de le porter ?



x
Éditer le texte

Merci d'entrer le mot de passe que vous avez indiqué à la création du texte.

x
Télécharger le texte

Merci de choisir le format du fichier à télécharger.