Posté le 10 mars
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Skjald


Skjald n’a jamais été vraiment humain, ni véritablement dieu. Il est une ombre, une extension de la volonté d’Odin, née de l’un des yeux sacrifiés du Père des Dieux. Dans le grand Hall d’Asgard, lorsque l’œil d’Odin s’était arraché pour obtenir la connaissance des mondes, une fraction de son pouvoir s’en échappa, se fissura dans le temps et l’espace, pour devenir Skjald. Il n’était ni un être vivant ni un simple avatar, mais une représentation de la quête infinie d’Odin : une quête de savoir, de pouvoir et de guerre.
Skjald errait entre les royaumes, une silhouette solitaire à la peau pâle, marquée par les runes mouvantes des âges passés. Son œil gauche, un vortex doré sans fond, brillaient comme l’étoile du destin, reflétant la sagesse infinie d’Odin, mais aussi le poids d’une connaissance qu’il n’avait pas demandé à porter. Ce pouvoir l’aveuglait autant qu’il l’éclairait, lui donnant la capacité de voir à travers les éons et les dimensions, mais à chaque vision, il se sentait un peu plus déconnecté de son humanité, un peu plus perdu dans le flot interminable d’informations. La connaissance ne le libérait pas, elle l’aliénait.
Il était vêtu d’une cape tissée de plumes de corbeaux, chaque plume semblant vibrer de l’écho d’anciennes batailles et de secrets enfouis. À sa ceinture, l’épée forgée dans les cendres du Ragnarök, symbole de destruction et de renouveau, brillait d’une lueur rougeâtre. Cette épée n’était pas simplement une arme, mais un outil de transformation. Chaque ennemi qu’il tuait renforçait sa propre essence, alimentant un cycle sans fin où il devenait à la fois plus puissant et plus dépourvu de toute véritable humanité. Skjald n’était plus qu’un instrument de guerre, une créature hantée par ses propres victoires.
La guerre mystique qu’il menait n’était pas une guerre contre un ennemi tangible, mais contre lui-même. À chaque bataille, il ressentait un peu plus l’écart qui se creusait entre ce qu’il était devenu et ce qu’il avait été, avant. Il n’était plus un simple messager des dieux, mais une entité fatiguée, rongée par la solitude d’une existence sans fin. Les corbeaux qui l’accompagnaient n’étaient pas seulement des espions ou des guerriers de l’ombre, mais aussi les reflets de son âme brisée. Quand il les invoquait, ils étaient les derniers témoins de son combat intérieur, des spectres qui lui rappelaient sans cesse qu’il ne pourrait jamais fuir le regard omniscient d’Odin.
Son rôle était pourtant clair. Il était celui qui veillait sur les royaumes, celui qui traversait les âges et les guerres sans jamais se laisser abattre, toujours dans la quête de plus de savoir, plus de pouvoir. Mais il savait au fond de lui que ce qu’il poursuivait n’avait aucun sens. Il ne pouvait changer les événements qu’il voyait se dérouler, ne pouvait empêcher la mort et la souffrance, même si chaque fibre de son être l’implorait de le faire. Chaque vision des futures batailles, des guerres à venir, le plongeait un peu plus dans la mélancolie. Il comprenait tout, il savait tout, mais il était contraint de regarder sans intervenir. Il était à la fois spectateur et acteur, pris dans la toile des destins, incapable de briser les fils qui le reliaient aux décisions des dieux.
À travers les âges, Skjald a appris à accepter sa condition. Ou plutôt, à se résigner. Il n’avait plus d’illusion. Il savait qu’il serait toujours un instrument, un messager des puissances divines, mais qu’il ne pourrait jamais être plus qu’un fragment d’Odin. Mais il restait un homme, quelque part, profondément marqué par ce qu’il était. Parfois, quand il se posait au sommet des montagnes, sous un ciel grisâtre, il se surprenait à pleurer. Ce n’étaient pas des larmes humaines, mais des sanglots d’une entité perdue, condamnée à voir le monde sans jamais pouvoir en faire partie.
Il portait son fardeau avec dignité, certes, mais aussi avec la lourdeur d’un être qui sait que, quelle que soit l’intensité de la guerre, de la quête, ou de la sagesse, il ne trouvera jamais la paix. Et c’était ce qui le rongeait : il savait qu’il n’était plus qu’une ombre, errant sans fin entre les royaumes, un œil parmi les ombres, toujours à la recherche de quelque chose qu’il ne trouverait jamais.

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