Izel

Dans les tréfonds du monde, là où la lumière s’efface et où les ombres deviennent une matière vivante, se dresse un portail oublié de tous, scellé par des forces anciennes. Il ne reste que peu d’écrits sur son existence, et ceux qui osent encore en parler chuchotent son nom avec crainte. Ce portail est la prison d’un être dont la cruauté dépasse l’entendement, un démon si puissant qu’il fallut l’intervention des plus grands mages de l’ancienne ère pour l’enchaîner dans les profondeurs infernales.
Devant ce seuil interdit veille une créature dont le nom seul inspire la terreur : Izel, le Gardien des Abysses.
Izel n’a pas toujours été le maître des ténèbres qui veille sur ce passage oublié. Jadis, il était l’un des généraux des enfers, un stratège implacable qui menait les légions démoniaques à la conquête des âmes mortelles. Mais sa soif de pouvoir dépassait celle de ses pairs. Il convoitait plus qu’une simple domination sur le monde des vivants : il rêvait d’un chaos absolu, d’un monde où les lois de l’univers s’effondreraient sous le règne de l’ombre et de la peur.
Un jour, il découvrit l’existence d’un ancien démon, Xeltharoth, scellé dans un abîme dont même les plus anciens des damnés avaient oublié l’origine. Cet être n'était pas seulement une force de destruction : il incarnait la fin même de toute existence, un tourbillon d’obscurité capable d’annihiler le concept de lumière elle-même.
Izel, fasciné par cette puissance interdite, chercha à briser les chaînes qui le retenaient. Mais son ambition fut perçue comme une menace par les seigneurs infernaux, qui, au lieu de le détruire, lui infligèrent un châtiment plus cruel encore : ils le condamnèrent à devenir le gardien du portail, incapable de quitter sa position tant que Xeltharoth demeurerait enchaîné.
Ainsi, l’ancien conquérant fut transformé en geôlier.
Les siècles passèrent, et Izel, rongé par la haine, chercha sans relâche un moyen de se libérer de cette malédiction. Mais le portail était scellé par des runes anciennes, et seul un rituel oublié dans les annales du temps pouvait en briser le sceau.
Alors, il observa. Il scruta le monde des hommes et des démons, étudiant les faiblesses de chacun, tissant dans l’ombre un plan méthodique. Il sema le doute, la peur et la discorde, influençant secrètement les mortels pour qu’ils cherchent à réveiller ce qui ne devait jamais l’être.
Dans les rêves des érudits et des sorciers, il insuffla la vision d’un pouvoir illimité. Il murmura aux rois avides de conquêtes la promesse d’une armée invincible. Il laissa des fragments d’écrits dans des temples en ruines, espérant qu’un jour, un insensé tente d’accomplir le rituel interdit.
Et il attendit.
Un jour, un groupe d’occultistes découvrit les écrits qu’Izel avait laissés. Fascinés par l’idée de libérer un démon si puissant, ils se réunirent dans un temple perdu, récitant les incantations que le Gardien leur avait soufflées dans l’ombre. Mais alors que le rituel atteignait son apogée, Izel fit un choix.
Il pouvait laisser Xeltharoth être libéré et plonger l’univers dans le néant… ou bien s’approprier cette force pour lui-même.
D’un battement d’ailes, il surgit du portail, interrompant le rituel avant son achèvement. Les occultistes furent réduits en cendres par son seul regard. Se tenant face à l’abîme, Izel absorba l’énergie du sceau brisé, se liant à Xeltharoth sans le libérer totalement.
Désormais, il n’était plus seulement un gardien. Il était devenu le maître de la prison elle-même, un être fusionné avec l’essence de la destruction.
Désormais, il ne cherchait plus à réveiller l’Ancien. Il était l’Ancien.
Et le monde trembla sous son ombre.