Le ministère du Logement devrait proposer cet été des « éléments concrets » pour faire évoluer le diagnostic de performance énergétique, pour l'heure davantage pensé pour le confort d'hiver.
Un certain nombre de logements ne disposent même pas de volets ou persiennes pour se protéger du soleil l'été et maintenir une température intérieure supportable.
La ministre du Logement, Valérie Létard, ne veut pas seulement rendre « irréprochable » le diagnostic de performance énergétique, régulièrement pointé du doigt pour son manque de fiabilité. Elle veut aussi que ce DPE - qui attribue aux logements une note de A à G selon qu'ils sont plus ou moins énergivores et émetteurs de CO2 - puisse mieux intégrer la notion de confort d'été.
« Nous y travaillons, pour proposer des éléments concrets cet été », indiquent les équipes de la ministre, même si Yannick Ainouche, coprésident de l'Alliance du diagnostic immobilier, la principale fédération du secteur, indique qu'à ce stade, il n'y a pas eu de « groupe de travail sur ce sujet au ministère » avec les professionnels.
L'enjeu est important à l'heure du changement climatique. Et quand, déjà, 55 % des Français déclarent avoir trop chaud chez eux dès que les températures grimpent à l'extérieur, selon la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre).
Depuis 2021, « le DPE prévoit une check-list sur le confort d'été. Ça a le mérite d'exister, mais c'est insuffisant. Et certains logements ayant une très bonne note DPE présentent un très mauvais confort d'été », assure Christophe Rodriguez, directeur général adjoint du cabinet de conseil A4MT, qui vient de lancer avec CDC Habitat et Sequens, un « booster de l'adaptation aux vagues de chaleur » en prévision de pics à 50 degrés dans nos villes dans un futur proche.
On vous interroge sur le fait de savoir si la toiture du logement est isolée, mais pas forcément avec quel isolant et si l'isolant est adapté au confort d'été.
Hassad Mouheb, président de Fed Experts
« Actuellement, il n'y a que cinq paramètres dans le DPE qui tiennent compte du confort d'été, et ils sont définis de manière imprécise et ne sont pas forcément pertinents », explique Hassad Mouheb, président de Fed Experts, une autre fédération de diagnostiqueurs immobiliers.
« On vous interroge par exemple sur le fait de savoir si la toiture du logement est isolée, mais pas forcément avec quel isolant et si l'isolant est adapté au confort d'été. Il n'y a pas de prise en compte de l'utilisation de matériaux biosourcés, comme la ouate de cellulose qui marche très bien », raconte-t-il.
Les systèmes d'occultation de fenêtres - volets, persiennes, stores - ne sont pris en compte que s'ils sont extérieurs. Or « les occultations intérieures, même si elles sont moins efficaces, ont tout de même leur intérêt », poursuit-il.
« On vous demande si le logement est équipé ou non d'un système de climatisation, sans s'interroger sur la performance de ce système. C'est comme si, s'agissant du confort d'hiver, on vous demandait si vous avez une chaudière, sans se soucier de savoir s'il s'agit d'une chaudière à condensation ou d'une chaudière au fuel hyperconsommatrice », raconte-t-il.
« Il faudrait modifier le moteur de calcul du DPE sur certaines caractéristiques de construction et sur certains matériaux - comme le torchis, des épaisseurs de mur, des orientations, des hauteurs sous plafond - qui aujourd'hui ne sont pas du tout pris en compte », confirme Yannick Ainouche. Il insiste cependant sur la nécessité de prendre le temps de former toute la filière à ces éventuels changements.
Dès 2023, sa fédération avait alerté l'exécutif sur le fait que, notamment, la méthode utilisée pour le calcul du DPE ne restituait pas « les qualités intrinsèques » des logements anciens, construits avant 1948, en matière d'habitabilité d'été. Alors que ceux-ci représentent tout de même un tiers du parc.
Une proposition de loi sur la « rénovation énergétique du bâti ancien », adoptée le 20 mars au Sénat et qui attend encore d'être inscrite à l'agenda de l'Assemblée nationale, propose de rectifier le tir - sans entrer pour l'heure dans les détails techniques.
Mieux définir les critères de confort d'été est aussi un enjeu s'agissant de mieux rénover. A ce titre, le booster de l'adaptation aux vagues de chaleur vise à ce que les différents acteurs partenaires réalisent des expérimentations et en fassent remonter les résultats.
« Nous sommes assez présents en outre-mer et aussi sur le pourtour méditerranéen, où nous avons déjà pu tester des solutions. Dans l'Hérault, nous avons par exemple utilisé des peintures réfléchissantes sur toitures, qui permettent de réduire de 2 à 6 degrés les températures intérieures des étages supérieurs », indique Clément Lecuivre, directeur général de CDC Habitat. Il évoque aussi un système de récupération des eaux de pluie utilisé pour arroser des îlots de verdure en pieds d'immeuble installé à La Réunion.
« A Versailles, nous allons réhabiliter un immeuble des années 1950, y installer des volets et y créer des circulations d'air », raconte pour sa part Marion Oechsli, directrice générale de Sequens, qui note que les immeubles franciliens sont très loin d'être tous dotés d'équipements aussi basiques.
« Il y a une science de l'installation du volet, souligne en outre Christophe Rodriguez. Il faut qu'il reste une circulation d'air lorsque les volets sont fermés. »
Créer des espaces végétalisés n'est pas non plus toujours aussi simple qu'il y paraît. « Il nous est arrivé d'installer de très belles façades végétalisées qui se sont avérées hors des clous en termes de consommation d'eau. Il faut choisir les bonnes essences, peu consommatrices d'eau et qui tiennent sur la durée », poursuit Marion Oechsli. En matière d'habitabilité d'été, nous sommes encore en phase d'apprentissage.