Auteur : Lusso
Posté le 19 septembre 2015
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[ Rendre visite à Espoir ]

Même de jour, le manoir où vivait Espoir semblait toujours aussi effrayant, typiquement le genre d'endroit où l'on ne s'étonnerait même pas de voir un ectoplasme se balader à travers les couloirs. Rassemblant son courage, Sofian appuya sur la sonnette ronde à côté de la porte.

– ...uiiii ?

Et une maladroite voix lointaine lui répondit aussitôt, avant d'ouvrir la porte au bout de quelques secondes, dévoilant la locataire du manoir. Espoir paraissait toujours aussi étrange, avec ses très longs cheveux multicolores, sa robe bouffante noir et rouge et surtout sa grosse clef mécanique dans son dos. C'était comme si elle portait en permanence un énorme écriteau : « JE NE SUIS PAS HUMAINE » sur sa tête.

– Oh ! s'étonna l’androïde. Tu es...

Soudainement, les yeux de la demoiselle mécanique se mirent à luire mystérieusement.

– Recherche dans le fichier mémoire en cours....veillez patienter...attention, fichier partiellement corrompu ! Windows requiert un redémarrage forcé...

Sofian haussa un sourcil méfiant, et constatant la légère fumée s'échappant des oreilles de la demoiselles mécanique, le brun s'empressa de clarifier la situation.

– Je suis Sofian, Sofian Aaken !

Brusquement, les yeux d'Espoir reprirent leur habituelle couleur irisée.

– Ah Sofian ! s'exclama t-elle. Je m'en souviens !
– ….. vraiment ?
– Mais oui ! lui assura Espoir. Ma mémoire interne est sans faille !
– Et c'est pour ça que tu as failli redémarrer et exploser il y a à peine trente secondes !
– Héhéhé...
– Et pas de « Héhéhé » !
– Hihihi ?
– …...
– C-C'était une blague ! paniqua Espoir devant la non-réaction désespérée de Sofian.

Après avoir vainement tenté d'expliquer que son fichier « humour » était défaillant, Espoir guida son visiteur à l'intérieur. Sofian eut la surprise de constater que le rez-de-chaussée avait été complètement réaménagé. Autrefois impropre et vide, il était désormais impeccable, le sol recouvert d'une élégante moquette bleu roi et une élégante table blanche en fer forgé trônait noblement en son milieu.

– Pas mal, hein ? s'amusa Espoir. C'est Onii-chan et sa bande qui ont tout retapé !
– … Onii-chan ?
– Ah ! réalisa soudainement l'androïde. Tu dois le connaître sous le nom de Nahel Wargle, et son Ordre des Incompris. Tu sais, ceux que je croyais être des fantômes.

Effectivement, Sofian avait le vague souvenir d'un Nahel Wargle. Un type pour le moins étrange – enfin parmi tant d'autres – à la tête d'un groupe tout aussi étrange, l'Ordre des Incompris. Nahel et son ordre manifestaient un dévouement sans égal à l'égard d'un mystérieux prophète qui leur aurait montré la voie. Et justement, la dernière directive de ce fameux prophète était de prendre soin d'Espoir.

– Mais..., pourquoi « Onii-chan » ? réfléchit Sofian. Qu'est-ce que ça veut dire en plus ?
– Mmmh, je ne sais pas vraiment, avoua Espoir. Nahel m'a presque suppliée de l'appeler comme ça, alors j'ai fini par m'y faire. Et en plus, c'est assez mignon, alors ça me va !
– Mouais, j'ai l'étrange impression qu'il se sert de toi, enfin.
– Accusation mensongère ! tonna soudain une voix masculine. Je ne me sers de personne !

Un adolescent affublé d'un toge dorée fit son entrée. Même s'il ne l'avait vu qu'une fois, Sofian reconnaîtrait cet accoutrement doré entre mille ; il s'agissait de Nahel Wargle en chair et en os.

– Vous venez nous rendre visite, honoré Sofian ? s’enquit l'homme à la toge.
– Je passais juste dans le coin et..., éluda le visiteur.
– Umh ! acquiesca Nahel. Une heureuse coïncidence alors. Faîtes comme chez vous, après tout c'est grâce à vous à votre club que l'Ordre ait pu rencontrer mademoiselle Espoir en bonne et due forme.
– Onii-chan ! rougit l'androïde. Je t'ai déjà dis ne ne plus m’appeler mademoiselle ! C'est embarrassant !

Malgré la reproche, Nahel sourit intensément, un air de béatitude sur le visage.

– … ça va ? l'interrogea Sofian.
– C'est le paradis, souffla l'adolescent à la toge d'or. Je vous souhaite de connaître ça un jour Sofian. Entendre la femme la plus précieuse à vos yeux vous appeler Onii-chan c'est... c'est simplement l'apothéose du bonheur.
– …

Cette fois-ci Sofian en était certain, même s'il n'avait fichtrement aucune idée de ce que pouvait signifier « Onii-chan », ça ne devait pas certainement pas être quelque chose de très sain.

– Ahem ! toussota Nahel en voyant l'air soupçonneux de Sofian. Mais changeons de sujet...

Nahel s'approcha de Sofian, l'examinant attentivement.

– Je me trompe peut-être, mais vous m'avez l'air préoccupé.
– Bien vu, sourit Sofian.
– Oh, pas de tentative de négation ? s'étonna Nahel. Intéressant. Serait-ce l'apparition soudaine de ce « cercle » qui vous malmène ?
– …
– Je m'en doutais. Inquiétant n'est-ce pas ?
– Moi non plus, je ne l'aime pas, frissonna Espoir. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens mes circuits s'affoler lorsque je le regarde...
– Vous n'avez pas à vous en faire, mademoiselle Espoir, déclara calmement Nahel. Tant que je serai présent, je vous protégerai envers et contre tout.
– Onii-chan...
– … et tant que vous continuerez de m'appelez ainsi, je serais immortel !
– Onii-chan !!

Et Espoir, rassurée et touchée, sauta dans les bras de Nahel. S'en suivit ensuite une émouvante et longue embrassade, que Sofian ne pouvait s'empêcher de toiser d'un œil méfiant.

– Ahem, toussota Nahel une fois libéré d'Espoir. Excusez-nous, honoré Sofian.
– … faites comme si je n'étais pas là...
– Hahaha...

Le chef de l'Ordre des Incompris rit maladroitement un moment, avant de reprendre un air étonnamment sérieux.

– Dites moi, Sofian. Avez vous quelqu'un que vous souhaitez protéger ?
– Pardon ?
– Le désir de protéger quelqu'un, quelqu'un de si important que vous pourriez mettre votre vie en jeu pour elle. C'est véritablement un sentiment magnifique, ce serait formidable si chaque personne sur cette Terre l'expérimentait au moins une fois dans sa vie. Le monde en ressortirait grandit, assurément.
– … mon club..., lâcha instinctivement Sofian.
– Mmh ?
– C'est sans doute la chose la plus précieuse que j'ai en ce moment. Quand j'y pense il a complètement changé ma vie.
– Votre club..., souffla Nahel. Ce n'est pas tout à fait ce que je voulais dire.
– … ?
– C'est bien d'avoir quelque chose d'important certes, mais je parle de « quelqu'un » d'important. Un être unique, spécial à vos yeux. Quelqu'un pour qui vous serez prêt à mourir.
– Quelqu'un pour qui je suis prêt à mourir... ?

Sofian ferma les yeux un moment, réfléchissant sérieusement. Il y avait-il vraiment une personne correspondant à ces critères ? A vrai dire, ce genre de questions ne lui avait jamais effleuré l'esprit. L'idée même de sacrifice lui semblait impossible à saisir.
Constatant la mine troublé de Sofian, l'adolescent à la toge d'or lâcha un petit gloussement.

– Haha, ça va ! C'est une question difficile après tout. Vous n'êtes pas obligé d'y répondre à la seconde ; vous avez toute votre vie pour cela.
– Hmm..., réfléchissait tout de même Sofian.
– Inutile de vous ronger l'esprit, je vous dis. Détendez-vous plutôt, vous êtes venu dans ce but, n'est-ce pas ?

Après cela, Sofian, Nahel et Espoir continuèrent de parler de choses plus conventionnelles, en omettant bien sûr de mentionner le « cercle » obscur de Mérouville. Espoir en profita pour montrer à Sofian ses progrès en jonglage, mais avant même de pouvoir prendre les balles son Operating System planta, et la pauvre androïde s'immobilisa en marmonnant mécaniquement des formules incompréhensibles. Sofian jugea le moment opportun pour prendre congé, laissant Nahel s'affoler comme un beau diable devant le corps fumant et couvert d’étincelles d'Espoir.

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